Tome 2 - Chapitre 4 (suite 2)

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***

Le parking de la plage est vide à cette saison et nous devons patienter plusieurs dizaines de minutes avant de voir approcher un énorme pick-up.

— C'est eux ! annonce Tito qui ne peut garder sa langue dans sa poche.

La voiture s'avance vers nous pleins phares et se gare à une cinquantaine de mètres. Nous sommes littéralement aveuglés.

— Mais ils foutent quoi, ces cons ? m'interroge mon frère.

— Ils doivent vérifier que nous sommes seuls...

Nous patientons encore un moment dans le vent froid sans bouger jusqu'à ce qu'un gars s'aventure enfin dans les faisceaux lumineux ? Je ne distingue pas son visage juste sa silhouette, emmitouflée dans un long imperméable. Il tend un doigt dans notre direction et demande avec un fort accent :

— C'est qui, Scar ?

— C'est moi !

Je m'approche d'un pas pour que l'homme me voie une peu mieux.

— Avance la voiture, c'est avec toi que je traite ! indique-t-il en roulant les « r », sur un ton autoritaire.

Je ne suis pas rassuré d'aller retrouver la bande de malfrats et je ne voudrais pas sombrer dans un traquenard. Tandis qu'une pluie fine commence à tomber, j'essaie de négocier :

— On est une équipe...

— C'est pas discutable ! me coupe aussitôt l'imperméable.

Je comprends que je n'ai pas le choix, je dois prendre mes responsabilités et me jeter dans la gueule du loup. Je recule pour me diriger vers la Lamborghini.

— C'est pas prudent d'y aller seul ! me lance Stazek.

Je ne lui réponds pas, j'ai pris ma décision, cela ne sert plus à rien d'en débattre. Je dois me comporter comme un homme ferme et tenace face à mes interlocuteurs. Je dois gagner leur confiance. Tito me tend la clef ainsi que son révolver et me dit :

— Tu sais ce que tu as à faire !

En effet, cela paraît très simple : je donne la voiture et récupère le fric.

Je saisis la clef et le pistolet que je cache dans la ceinture de mon pantalon, puis je m'installe au volant, mon fusil à côté de moi.

Je parcours les cinquante mètres qui nous séparent en me posant mille questions sur la bonne attitude à adopter. Je ne dois pas être trop laxiste et me laisser faire au risque de passer pour un homme sans force, mais je ne dois pas non plus trop tenir tête. Je dois trouver un juste milieu pour arriver à mes fins.

Je me gare devant les phares du véhicule et déverrouille le capot du moteur. Je ne sais absolument pas quoi faire, mais si j'avais été eux, je me dis que c'est ce que j'aurais voulu voir.

Puis j'ouvre ma fenêtre sans quitter la voiture.

— Descends ! m'ordonne l'imperméable en braquant sa torche dans mes yeux.

Je ne distingue pas son visage, je discerne à peine son ombre tellement je suis aveuglé. J'entends derrière lui des commentaires dans une langue inconnue. L'un d'eux finit même par me demander mon âge en français.

— Je suis majeur et j'ai le permis !

À ma réponse, ils éclatent tous de rire et je flaire qu'ils baissent légèrement leur garde.

— Descends ! insiste à nouveau l'imperméable à la voix roque.

— Je bouge pas du volant sans avoir vu l'argent !

Le gars grommelle puis ordonne quelque chose dans une langue aux sons rudes qui ressemble peut-être à du polonais. Je sens bien qu'ils sont méfiants, mais je ne peux pas non plus leur filer la caisse et manquer de prudence. Je suis embarrassé et décide de suivre mon instinct. Je dois me comporter comme un homme qui défend ses affaires. Bien que je ne le sois absolument pas, je tente de paraître sûr de moi, intraitable et impitoyable.

Ils ont forcément entendu parler de la correction d'Hubert et ont dû se renseigner à mon sujet. Ce ne sont pas des amateurs.

Un gars avance vers moi une mallette à la main.

— C'est ça que tu veux voir ? m'interroge-t-il.

J'approuve d'un signe de tête et l'homme appuie sur le bouton, la valisette s'ouvre aussitôt sur des billets bien rangés par petite liasse. Un grand bruit se fait entendre au même moment. L'imperméable a frappé violemment sur le capot de la Lamborghini et je sursaute tandis qu'il pose le canon de son pistolet sur ma tempe.

— Tu descends de la voiture, je t'ai dit !

Je suis tétanisé et ne sais pas quoi faire. Je ne peux pas attraper mon fusil ni hurler, le gars a le doigt sur la gâchette, prêt à tirer.

J'ai le cœur qui bat à cent à l'heure et je ne vois pas d'autre solution que d'obéir. Je cherche à tâtons la poignée de la porte, mais avant que j'ai pu la saisir, l'imperméable l'ouvre pour m'extirper avec puissance du véhicule.

— C'est pas toi qui commandes ! Jamais ! crie-t-il en me jetant sur le sol.

Je m'écroule à terre, sur le parking détrempé. Par réflexe, je mets mes deux mains en l'air et me défends :

— Je voulais juste discuter !

— Tais-toi !

Il s'assoit au volant de la Lamborghini et appuie sur la pédale d'accélérateur tandis qu'un des hommes regarde le moteur.

Toujours à terre, je me redresse, mais un gars me fait signe de ne pas bouger.

Un autre abaisse le capot pendant que l'imperméable ferme la portière sur lui. Il entrouvre la vitre et s'adresse à l'individu qui me tient en joue dans sa langue inconnue. Ce dernier pose la valise par terre et tourne le dos pour partir vers le Pick-up.

Le moteur de la Lamborghini se met à ronfler avec puissance, puis s'élance avant de faire un dérapage. Elle ralentit quelques mètres plus loin, pour balancer mon fusil par la fenêtre.

Le Pick-up s'avance pour récupérer les deux hommes restés à proximité de moi et s'éloigne, me laissant le cœur battant dans l'obscurité.
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Demain vous aurez une surprise !
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SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant