TRENTE-SEPT

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Tout le monde s'est tu. Tout s'est suspendu, dans la simple confrontation de Tyler et moi. Le silence est insoutenable. Alors je le brise, la voix tremblante et le corps en feu :

— Toi aussi, tu es venu, finalement ?

Il ne répond pas tout de suite, mais je vois un imperceptible mouvement vers moi, comme s'il se retenait de m'approcher. Je frissonne de plus belle, ne parvenant même pas à serrer les poings pour contenir les affreux battements que je sens dans mes veines.

— Je voulais être sûr que tu n'étais pas déjà partie, répond-il simplement.

Sa désinvolture, cette fois, est très mal imitée. Presque amusante, en réalité. Je me mords les lèvres, désarmée, et lève les mains en masquant tant bien que mal mon tremblement.

— Eh ben, je suis là.

Pour seule réponse, il traverse les quelques mètres qui nous séparent et s'élance sur moi, m'enlaçant avec tant de brutalité qu'il me fait tituber. Je reste pantoise pendant un instant, les bras en l'air, puis sens toute la pression se relâcher et affaisse les épaules, liant mes mains dans son dos. Je sens la chaleur me monter aux joues lorsque je me rends compte des regards écarquillés que nos amis nous adressent, mais ne me défais pas pour autant de l'étreinte de Tyler. Il me serre contre lui avec force, et à la fois, avec une tendresse que je n'espérais plus de sa part. La main posée sur les cheveux qui tombent sur ma nuque, il me donne l'impression de ne plus vouloir me lâcher. Je suis parcourue des habituels frissons que son contact provoque en moi, et mon cœur bat si vite qu'il résonne dans tout mon corps. Je sens le sien contre moi, aussi frénétique que le mien, aussi prêt à exploser. Sa chaleur est intense et le soleil dans mon dos n'arrange rien à l'impression que je brûle de l'intérieur.

Il ne dit rien, mais il n'en a pas besoin. Car cette fois, je ne ressens pas son envie de se détacher de moi, de s'arracher à ses sentiments et de s'enfuir parce qu'il a peur. Je ne ressens pas toute la haine qu'il trouvait injuste, toute la peine qui nous éloignait, qui nous a empêché d'aimer. Aucun de nous ne veut repousser l'autre, parce que cette fois, nous acceptons que ce dont nous avons plus le plus envie, c'est d'être l'un contre l'autre. Peu importe si cela nous fait peur, il faut se rendre à l'évidence.

Je ne réagis pas quand il s'écarte de moi en agrippant mon poignet, et je ne sens pas mes pieds lorsqu'il m'attire loin des autres, loin de tout le monde. Il m'emmène à l'écart et je le suis sans réfléchir, mon cerveau me paraissant s'être arrêté de fonctionner.

Finalement, nous débouchons dans un endroit isolé à l'entrée du hall, dans un coin à l'ombre non loin d'une petite fontaine. Je secoue la tête, reprenant mon souffle en même temps que mes esprits. Je regarde autour de moi, l'air hagard, et comprends qu'il nous a éloignés de tous les regards indiscrets et des gens pressés. Désemparée, je reporte mes yeux sur lui, et lorsque nos regards se connectent, il me lâche la main. Il fronce les sourcils, et le trouble sur son visage est comme le reflet du mien.

— Je ne voulais pas faire ça devant les autres, lâche-t-il alors.

Je cligne des paupières, encore sonnée, perplexe.

— Je... poursuit-il, la voix tremblante. Ça fait trois semaines que je tourne dans ma tête tout ce que je veux dire, mais... enfin, je crois que je ne sais plus comment le faire.

Il se gratte la nuque, et la gêne que je vois chez lui est si attendrissante que je souris, voulant le rassurer malgré mon horrible impression que je vais m'évanouir. Le simple fait d'entendre sa voix, de le voir pour de vrai en face de moi, fait bondir mon cœur comme rien ne le fait, me fait perdre la tête comme rien d'autre.

Il secoue la tête et prend une profonde inspiration.

— Je suis désolé, finit-il par déclarer. Je suis désolé de comment je me suis comporté. J'ai fait n'importe quoi, j'ai été le pire. J'aurais dû te soutenir même si j'étais sous le choc, j'aurais dû essayer d'accepter tes sentiments et les miens... Je n'ai rien fait comme il fallait.

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