Tome 2 - Chapitre 11

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La dernière transaction apporte à mon clan non seulement un gros paquet de fric, mais aussi le pouvoir. Nous avons dorénavant acquis la protection de notre mentor qui nous assure la sécurité de notre anonymat et nous couvre durant nos opérations. Nous ne sommes jamais embêtés par une quelconque enquête, j'en déduis qu'il doit avoir les bras longs. J'ai notamment compris qu'il rinçait de hauts pontes de la police en leur reversant une partie de ses bénéfices. En échange de son soutien, je ne pose pas de questions. Il me paie, cela me suffit.

La première chose qui me vient à l'esprit en découvrant tout l'argent que je possède est d'acheter le terrain mitoyen à mon camp. J'y plante au milieu la plus grande et luxueuse caravane que j'ai pu dénicher, ainsi je m'isole des autres. Je suis un être solitaire et je ne me sens bien qu'avec mes chiens, mes livres et mes plans de hold-up.

Je fais tout de même construire un vaste chalet à proximité, avec une salle à manger où je peux réunir mon clan et mes plus proches alliés.

Pendant ce temps ma relation avec Lucinda se détériore. Contrairement à Yankee et Paco qui profite de leur argent en famille, je sors beaucoup avec Tito, Stazek et Karlo. Nous menons une vie totalement décousue entre les discothèques et les opérations. Je gagne beaucoup de fric, mais j'en claque autant dans les fringues, les voitures, l'alcool, les fêtes. Je savoure également mon succès auprès des filles que je rencontre. J'ai appris à les séduire et elles sont nombreuses chaque soir à tomber sous mon charme, je n'ai qu'à désigner celle avec qui je désire finir la nuit dans un grand hôtel. Lucinda ne représente plus rien pour moi, céder à ses avances n'a été qu'un jeu que je suis bien décidé à laisser loin derrière moi.

Lorsque celle-ci me porte mon repas pour la première fois dans ma nouvelle caravane, mon choix de rompre est pris.

— Tu ne te sens pas seul, ici ? demande-t-elle les yeux éblouis par le luxe qui règne dans mon habitation.

— Non...

Elle pousse mon assiette devant moi et mord sa lèvre inférieure en caressant le plan de la cuisine en marbre.

— Tu peux te payer une bonne cuisinière pour s'occuper de toi, maintenant.

— Picouly fait ça très bien !

— Je peux le faire également.

Je saisis ma fourchette et commence à manger. Lucinda fait le tour des pièces, elle admire la grande salle de bains et la baignoire, les deux petites chambres puis elle ouvre la mienne. Elle y entre et s'assoit sur le lit. Chacun à une extrémité du couloir, nous nous faisons face.

Je sais que je vais lui briser le cœur, mais je n'ai pas le choix. Je n'ai jamais manqué d'honnêteté envers la jeune fille. Dès le départ, elle connaissait mes règles, je ne l'ai pas prise en traître. Je ne l'aime pas et il faut que notre relation cesse. Plus je ferai durer, plus elle aura espoir d'une vie commune, peut-être même celui d'un mariage.

Lorsque j'ai terminé mon assiette, je me lève pour sortir sur ma terrasse fumer ma cigarette et admirer le paysage dégagé. Je n'ai qu'une vue générale du camp et des autres caravanes, je suis à une cinquantaine de mètres de ma famille et cette distance me fait du bien. Mes chiens sont en liberté, ils courent dans le champ et monte la garde autour de moi.

Lucinda sort et se poste à mes côtés. Elle porte dans ses mains mon assiette vide.

— Tu viens me retrouver, ce soir ?

Je recrache ma fumée en prenant soin de ne pas me tenir trop prêt de la jolie blonde. Quelqu'un pourrait nous surveiller. J'écrase mon mégot dans le cendrier et je me lance pour lui annoncer notre séparation.

— Lucinda, je ne viendrai plus.

J'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette scène quelques mois plus tôt, Belinda n'avait pas apprécié, mais aujourd'hui, son ventre s'est arrondi et elle semble heureuse. C'est mieux pour tous les deux.

Lucinda est la fille de Loran, l'homme que je hais plus que tout. Malgré toute l'affection que j'ai pour elle, je ne veux pas de cette femme dans ma vie. Elle n'est qu'un dégât collatéral de ma vengeance. Je suis vraiment navré pour elle, mais je ne peux plus faire marche arrière. Je ne ressens plus rien depuis le départ d'Agnès, je suis incapable de m'attacher à une compagne. Je n'ai pas forcé Lucinda, c'est elle qui s'est offerte à moi. Je suis conscient qu'elle va souffrir sur le moment, mais elle s'en sortira, elle est forte.

Elle se tient raide et silencieuse, droite dans ses sabots. Je m'attendais à des supplications, mais rien ne vient.

— Je suis désolé, Lucinda. Je ne t'ai jamais menti. Ne viens plus me porter mon repas si ça te pèse.

— Tais-toi, Scar ! Je sais encore ce que j'ai à faire !

— Très bien !

Soulagé que cela se passe ainsi, je lui tourne le dos et disparais pour m'enfermer.

Les opérations continuent pour moi et il n'y a que cela qui compte. J'ouvre un placard pour choisir un polo bleu marine, couleur sobre, idéale pour partir à mon rendez-vous d'affaires.

Les jours suivants, ce n'est pas Lucinda qui me porte mon repas, mais Picouly. Chaque fois, elle est reçue sur mon terrain par mes deux chiens qui aboient et lui tournent autour. Aujourd'hui, à sa démarche assurée et son air renfrogné, je comprends qu'elle vient me rendre visite et que je vais en prendre pour mon grade.

J'ouvre la porte pour l'accueillir chez moi. La voir contrariée me fait sourire, tout va pour le mieux pour nous et je ne saisis pas ce qui peut la mettre dans cet état. À moins qu'elle n'ait deviné mon histoire avec Lucinda, Picouly est douée et détecte les choses.

— Entre !

Elle me passe devant sans m'embrasser, je comprends qu'elle va m'annoncer quelque chose de grave. Je la suis dans ma cuisine et m'installe face à elle sur la table. Son regard est chargé de colère, elle me fusille tant que je n'ose pas toucher à l'assiette qu'elle m'a préparée.

— Scar, c'est très mal ce que tu as fait à Lucinda !

Je baisse les yeux sur la table et me prends la tête dans les mains. Je suis pleinement conscient d'avoir volé l'honneur de la jeune fille, de lui avoir brisé une future union, mais cela m'est complètement égal. L'assumer devant Picouly est plus difficile. Je me sens comme un petit garçon qui a fait une énorme bêtise et qui a envie de lui crier que ce n'est pas moi.

— Scar, tu dois la marier.

Je secoue la tête, quoi qu'elle dise ou qu'elle pense, je ne ferai rien.

— Elle est enceinte et refuse de donner le nom du père, Bastian et Loran vont te tuer s'ils apprennent que c'est toi !

Comment Picouly peut-être aussi certaine que c'est moi ? J'ai toujours été discret.

— Je ne suis pas le géniteur, je ne suis pour rien dans cette histoire. Je ne veux plus en entendre parler.

— Elle est venue te rendre visite chaque jour pendant des mois ! Tout le monde le sait au terrain ! C'est le déshonneur pour Loran, il va mettre dehors Lucinda. Il va la renier à cause de toi.

Je me lève brusquement. Je suis triste pour la jeune fille, mais tellement heureux que Loran souffre, qu'il ait honte, qu'il tombe un peu plus à terre. Le regarder s'effondrer me donne tant de satisfaction que rien ne me fait plus plaisir.

— Laisse-moi, Picouly !

Avant de m'abandonner à mes réflexions, je lis dans ses yeux la déception.

— Scar, j'espère que tu n'es pas revenu au terrain pour nous détruire tous.

— Pas tous...

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant