Tome 2 - Chapitre 15 (suite)

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Autour de moi tout le monde est inquiet. Karlo propose de filer droit vers le premier hôpital pendant que chacun y va de son propre diagnostic, tantôt rassurant, tantôt pessimiste. Puis tandis que je n'écoute que d'une oreille, trop préoccupé par l'état de mon frère, Karlo me raconte hâtivement comment ils sont retrouvés dans un traquenard. Ils étaient pris au piège à l'intérieur du garage et par chance, les gardiens n'étaient que deux, mais leur premier tir a surpris Tito. Une fois à l'abri, mes cousins ont pu les obliger à plier en retraite pour s'emparer de la bagnole avant de s'échapper.

Durant l'épopée rapide, Tito joue les durs et serre les dents. Je lis dans son regard que malgré tout ce qu'il veut bien me laisser entendre, il n'est pas au mieux de sa forme. Je ne peux pas prendre de risque et le sacrifier au profit d'une affaire quelle que soit son importance, ce n'est pas dans mes cordes. Nous n'avons pas de temps à perdre, Tito doit être soigné très vite et surtout nous devons déguerpir sans attendre davantage. Je demande du soutien à Karlo pour m'aider à embarquer mon frère qui ne tient plus debout.

— Ouvre la portière arrière !

Aussitôt fait, j'installe Tito qui grimace de douleur sur la banquette, puis je m'adresse à mon équipe.

— Bon les gars, on va devoir improviser ce soir...

Je recommande en premier qu'un de mes jeunes cousins arrache le pare-chocs qui traîne par terre et le rentre dans le coffre, puis je me tourne vers Karlo pour lui ordonner de prendre la suite en main. La seule chose à faire est de placer cette putain de bagnole à l'abri avant de se faire repérer et de prévenir le requin d'un potentiel retard. Je prévois de tous les retrouver au terrain le plus vite possible par la suite.

— Stazek, tu restes avec moi. On va devoir trouver un médecin...

Karlo remonte au volant de la caisse avec les deux cousins. Il sait où se rendre en pareille occasion, un garage qui pourra remettre la voiture en état et contacter Paco ou Yankee pour qu'il passe les récupérer.

Je retire mon blouson puis mon polo que je tends à Stazek.

— J'y connais strictement rien en blessure, mais je pense qu'il faut lui faire un point de compression pour limiter les saignements. Monte derrière avec lui et appuie fort sur sa plaie...

Stazek m'obéit pendant que je renfile mon blouson et m'installe au volant.

— Tu ne comptes tout de même pas te rendre à l'hôpital du coin ? me demande mon ami.

Il a raison, on va vite être repérés et se faire coffrer. Le vol de la voiture a dû être signalé, les coups de feu également. Je songe qu'on est fait comme des rats...

— Je vais rouler un peu et trouver un cabinet médical ou autre chose, je ne sais pas...

Après avoir parcouru quelques dizaines de kilomètres pour nous éloigner, j'arrive enfin vers une grande ville. J'ai terminé mon paquet de cigarettes, je n'ai plus rien pour me détendre. Mon cœur tape fort dans ma poitrine, assailli par l'angoisse de la situation. Je sillonne quelques rues sans vraiment quitter des yeux le rétroviseur que j'ai réglé sur la banquette arrière pour surveiller mon frère. Arrêté à un feu rouge, une pancarte lumineuse attire tout de même mon attention à l'extérieur. Elle indique un cabinet vétérinaire. Je pense immédiatement à Agnès et m'interroge sur ses projets de soigner les animaux. Je me dis que si elle avait été présente sur Bordeaux, elle aurait pu m'aider grâce aux études qu'elle a dû entreprendre. Je me souviens de la façon dont elle m'avait remis sur pied après la rouste que j'avais reçue d'Hubert.

Le feu passe au vert et je reprends ma route avant de piler sur le frein pour faire demi-tour. Bien sûr ! pensé-je.

— Putain, Scar ! Qu'est-ce que tu fais ? râle Tito à l'arrière.

Je me gare sur le parking sombre du vétérinaire et me penche pour ouvrir la boîte à gants. J'en sors trois cagoules.

— Scar, c'est pas un médecin, ça ! constate Stazek en me montrant le panneau publicitaire sur le bâtiment.

J'en enfile une et tends les deux autres à Stazek avant de saisir mon pistolet et le caler dans mon pantalon. Puis je descends pour me diriger vers la porte d'entrée. La maison semble suffisamment grande pour abriter le cabinet de consultation et l'habitation.

Je décide de sonner à l'interphone en m'allumant une cigarette pour garder mon sang-froid. Après quelques minutes d'attente, et tandis que j'allais abandonner les lieux, une lumière s'éclaire à l'étage et une voix embrumée me répond enfin dans le combiné pour me demander ce qu'il m'arrive. Je jette un coup d'œil autour de moi, à la recherche d'une éventuelle caméra, mais je ne vois rien.

— Bonsoir monsieur, mon chien a été renversé par une voiture, il est très mal en poing ! Je l'ai mis dans mon coffre !

— D'accord, j'arrive.

Je patiente à nouveau quelques instants avant que la porte se déverrouille. À peine, l'homme a-t-il fait un pas dehors que je pointe mon arme sur lui.

— Avance ! lui indiqué-je d'un coup de tête.

Il lève ses deux mains en l'air et me précise sur un ton affolé qu'il n'a pas d'argent. La cinquantaine, relativement petit, le vétérinaire m'apparaît vulnérable. Je le fais cheminer jusqu'à ma voiture qui n'est qu'à quelques mètres.

J'ouvre la porte sur Stazek qui sort.

— On a un homme blessé ! expliqué-je.

Je ne veux pas en dire trop ni citer de noms. Moins, il en saura sur nous, mieux ce sera.

— Je ne suis pas médecin, se défend aussitôt l'individu en remontant ses lunettes.

— Aide-le à descendre ! On va le transporter dans ton cabinet pour que tu l'auscultes.

Avec beaucoup de peine, Stazek et le vétérinaire emmènent mon frère et le fond allonger sur la table en inox qui sert habituellement aux animaux. Pendant ce temps, sans quitter l'inconnu des yeux, je verrouille la porte derrière nous.

— Tu vis seul ? demandé-je en regardant partout autour de moi.

— Oui ! confirme l'homme que je découvre sous la lumière.

Les cheveux grisonnants et le visage ridés, il est peut-être plus vieux que je ne l'avais imaginé. Il soulève mon polo ensanglanté que Tito tenait sur son cœur et fait une grimace pendant que j'ordonne à Stazek d'aller vérifier que nous sommes seuls.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant