Tome 2 - Chapitre 16 (suite)

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Mon fusil chargé, je m'installe à nouveau dos à la route et passe la tête par la fenêtre. J'entends le bruit de tir qui part et résonne dans les rues. Ma position n'est pas très confortable à cause des zigzags, mais j'ai l'avantage d'être gaucher et de pouvoir utiliser mon meilleur bras.

Je vise rapidement, en ayant conscience que je n'ai pas droit à l'erreur. Le temps passe, des voitures de renfort doivent déjà être en route pour tenter de nous coincer et notre bagnole commence à prendre des coups de feu dans la carrosserie. Il manquerait plus qu'ils arrivent à nous stopper.

Dans un grand fracas qui me fait sursauter, le pare-brise arrière explose et Tito se retrouve recouvert de minuscules morceaux de verres.

— Putain, Scar ! Je t'ai connu meilleur tireur que ça ! T'attends quoi pour nous débarrasser d'eux ! me crie-t-il en tenant une compresse énorme sur sa plaie.

Il a raison, habituellement je loupe rarement ma cible, mais ce n'est en rien comparable. Je ne suis pas entraîné pour une course poursuite avec les flics au cul et je dois admettre qu'avoir la tête en plein vent à 130 kilomètres-heure n'est pas de tout confort. Par-dessus le marché, j'ai la pression, après tout ce sont des hommes que je tiens en joue.

Une nouvelle balle me passe à proximité de l'oreille et je réalise que c'est eux ou moi, alors j'appuie sur la gâchette.

Dans le mille ! Le pneu avant de la voiture qui nous poursuivait explose et déstabilise le véhicule qui part en tête à queue pour terminer sa route dans un trottoir.

Après avoir observé la caisse des flics s'écraser sur le bas-côté, je rentre dans l'habitacle, soulagé.

— Enfin ! me lance Stazek, rassuré. J'ai bien cru qu'on les sèmerait jamais...

Même si je me garde de le lui avouer, je dois admettre que j'ai eu une sacrée frousse. Tout en rechargeant mon fusil, au cas où nous aurions une mauvaise surprise, je lâche :

— J'espère qu'on va pouvoir rentrer vite maintenant, sans tomber sur l'équipe de renfort !

— La voiture a dû être signalée... Il faut qu'on en change !

Stazek a raison, pourquoi n'y ai-je pas pensé moi-même ? La fatigue et l'émotion, certainement. Je me tourne vers Tito pour vérifier son état. Son visage est toujours crispé et sa compresse commence à être vraiment sanguinolente. Il doit être recousu au plus vite. Je le recouvre de mon blouson pour ne pas qu'il ait froid à cause de la vitre cassée tandis que je me retrouve torse nu. Je monte le chauffage à fond.

Nous quittons le centre-ville et dès que nous le pouvons, nous nous engageons dans un petit village qui semble tranquille. Voler une bagnole est pour nous un jeu d'enfants. En moins de dix minutes, nous abandonnons notre voiture pour prendre une caisse bien moins rapide, mais au moins plus discrète.

Après avoir roulé plusieurs centaines de kilomètres, nous arrivons enfin au terrain.

Après avoir installé Tito sur la grande table de mon chalet qui sert habituellement aux repas et réunion de famille, je pars réveiller trois cousins et les charge d'aller faire disparaître le dernier véhicule que nous avons utilisé afin que personne ne puisse remonter jusqu'à nous. Puis je frappe à la porte de la caravane de Paco. Je lui raconte brièvement la situation dans laquelle nous sommes et l'état de Tito.

— Il va falloir que quelqu'un finisse de faire ce que le vétérinaire à commencer ! ajouté-je en entrant avec lui dans le chalet.

— Tu veux dire qu'on va devoir recoudre Tito nous-même ? me demande Stazek qui était resté avec mon frère.

Je réfléchis à ma capacité à pouvoir le faire, mais la vue du sang me répugne. J'ai toujours eu du mal avec les blessures. Plus jeune, je n'ai jamais pu tirer sur un oiseau et accompagner mes frères à la chasse. Bien sûr que s'il y va de la survie de Tito, je prendrai sur moi, mais si quelqu'un pouvait faire ça à ma place, cela m'arrangerait. Sur ce coup-là, Paco me sauve la mise et nous indique :

— La Picouly peut le faire !

Tandis qu'il part la chercher, j'enfile un pull à la va-vite.

À peine quelques minutes plus tard, ma sœur débarque en peignoir, la mine inquiète.

— Te voilà mal en point, lance-t-elle à Tito. Pourtant, ce n'est pas faute de vous avoir prévenus !

Puis elle se tourne vers moi d'un air accusateur, mais se garde de prononcer un mot. Elle écoute mes instructions.

— Depuis quand un vétérinaire remplace un médecin ? commente-t-elle.

— Il faut juste me recoudre, ça va aller ! souffle Tito.

Picouly hausse les épaules et détaille le matériel que j'ai récupéré quelques heures plus tôt et que je dépose sur la table.

Sans plus un mot, elle désinfecte la plaie et écarte les chairs pour vérifier que tout est propre. Tito ne peut s'empêcher de hurle de douleur. De grosses gouttes de sueur dégoulinent sur son front. Sous nos yeux admiratifs, elle recoud avec délicatesse les tissus déchirés. Une fois, la besogne terminée, elle se tourne vers moi et me lance, avec froideur :

— S'il lui était arrivé quelque chose, tu aurais l'air malin !

Je ne réponds pas. Je n'ai pas pensé à ça, jamais. Jusqu'à maintenant, je n'ai songé qu'à m'enrichir et apporter le bien être au camp. Je n'avais pas conscience du danger que je faisais courir à mes proches.

Paco me met une tape sur l'épaule pour me rassurer :

— Tu as fait ce que tu devais faire ! Les femmes ne comprennent rien à nos histoires, c'est pour ça qu'on ne leur dit rien !

— Une fois de plus, sans moi, vous auriez été bien embêté pour le recoudre ! lance Picouly un brin vexée.

Je la prends par la taille et lui demande de ne pas écouter les bêtises que l'on raconte.

— On a eu une nuit difficile !

— Allez, on va ramener Tito dans sa caravane ! annonce Paco.

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant