33 | GABRIELLE

926 73 41
                                    

Le destin était amusant.

Dieu devait être terriblement amusé, là-bas, loin sur sa colline verdoyante à regarder ce que nous étions devenu, à se moquer de ce que nous ne pourrions jamais être. Il riait de ce coup du sort qui m'interdisait de l'aimer comme je l'aurais voulu et de celui qui m'empêchait de réparer les bouts tranchants de ce cœur qu'il avait déposé à mes pieds dans la soirée. Syrielle me l'avait dit un jour mais je n'avais pas voulu l'écouter.

Le passé nous rattrape toujours et les erreurs d'avant deviennent sans cesse les barrières de l'après.

J'avais cru pouvoir revivre après mes péchés mais celle que j'étais ne pouvait disparaître. J'étais le monstre qui était en moi et j'étais la menteuse qui faisait tout pour le maintenir loin de la surface le plus longtemps possible. Les baisers de Lucifer avaient eu raison de tout ce pour quoi je m'étais battu.

Parce que quand nos mains s'étaient unies dans le sang de nos ennemis, j'avais senti mes entrailles se tordre de plaisir et de bonheur, parce que j'avais enfin goûté à la félicité et à l'apaisement dans ces bras qui libéraient celle que je ne voulais être qu'auprès de lui.

C'était un magicien qui, le temps d'un instant, m'avait laissé croire que tout était possible. C'était un menteur qui, en l'espace d'une seconde, avait brisé le doux rêve dans lequel je l'avais laissé me noyer. C'était stupide d'avoir pu penser que j'avais le droit de l'aimer après ce que j'avais fait, après ce que je lui avais infligé à lui. Je n'étais même pas certaine d'arriver à me regarder dans la glace après les révélations qu'il m'avait faites en me croyant endormi.

Toute ma vie, j'avais demandé pardon à Ève sans savoir que c'était à lui que je devais les plus sincères excuses.

Ses cheveux chatouillaient ma joue à chacune de mes inspirations mais je n'avais pas le courage de le réveiller. Je voulais le garder encore un peu contre moi, loin de la vérité et de la bataille qui allait reprendre. J'avais besoin que le rêve se prolonge juste un peu, juste assez pour que j'arrive à imprimer en moi le souvenir de son parfum et de sa perfection. Ma main dispersa les quelques mèches qui barraient son front et mon annulaire se mit à suivre le contour de sa mâchoire pour que jamais je n'oublie ce visage qui, dans une autre vie, aurait pu être celui de mon amant.

Ses yeux papillonnèrent et son sourire vint naturellement se dessinser sur ses lèvres quand il comprit que j'avais passé les dernières minutes à l'observer. Il cala sa tête contre ma main et laissa sa joue s'étirer contre mes doigts qui brûlaient à son contact.

Nous n'aurions jamais dû laisser ce moment se faner. C'était celui-là le souvenir que je voulais garder dans ma mémoire quand il se mettrait à me détester à nouveau. J'allais me souvenir de ce sursis pour nous deux, pour ne pas laisser se flétrir ces quelques secondes de bonheur loin de la fourberie de Dieu.

— Levons-nous, chuchota la voix suave de Lucifer à mon oreille.

Je restai immobile tandis qu'il se redressait dans les draps de satin et l'observai quitter ce lit que nous avions partagé. Sa chemise déboutonnée laissait entrapercevoir sa peau halée et son sourire ne le quitta pas face à mon inspection minutieuse. Il s'habilla devant moi, lissant ces vêtements qui faisaient de lui un être trop beau pour être réel. J'étais incapable de détacher mes yeux de lui et je n'arrivais plus à penser en sachant qu'il m'avait appartenu au moins le temps de quelques nuits.

Il se retourna vers moi et m'adressa un regard indéchiffrable qui ne fit que renforcer le braiser qu'était devenu mon corps face à lui. Je le voulais pour toujours parce que j'étais trop égoïste pour le laisser partir sans l'avoir embrassé jusqu'à en étouffer.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant