Partie 1

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6 juillet 1976
   (Environ deux semaines après le début des 
vacances)

Des notes incroyablement mélancoliques s'échappaient du violon de Regulus depuis une heure déjà. Il avait commencé à jouer lors du début de la dispute, puis ne s'était plus arrêté. Cela lui permettait de ne pas se concentrer sur le fracas résonnant dans la chambre de son frère aîné, un étage plus haut.

Au rez-de-chaussée, Walburga Black faisait mine de ne rien entendre. Depuis que Sirius était entré au collège, il y avait presque six ans de cela, sa relation avec son fils aîné n'avait cessé de se dégrader, pourtant dès le début de l'été le ton avait augmenté, encore plus qu'à l'accoutumée. Sirius avait beaucoup grandit pendant l'année et s'était métamorphosé. Il dominait sa mère d'une tête, sa voix était devenue grave et puissante, ses muscles s'étaient fait saillants et l'on ne pouvait guère plus le considérer comme un enfant. Lorsque leur père, Orion Black, partait au travail tôt le matin, Sirius devenait l'homme de la maisonnée et les disputes se faisaient violentes.

Regulus n'y prenait jamais part. Pourtant, ce matin il ne put feindre d'ignorer les cris suraigüs de sa mère et les aboiements colériques de son frère qui venaient perturber les mélodies apaisantes de son instrument de musique.

Tout à coup, l'harmonie du morceau se  brisa, la porte de la chambre s'ouvrant sur Sirius. Regulus abaissa lentement son archet et leva un sourcil en toisant son aîné: il n'avait pas frappé, quel manque de politesse.

—Je pars Reg', dit celui-ci sans préambule.

—Oh...

C'est tout ce qu'il trouva à dire. Cela faisait une éternité que Regulus n'avait pas eu une véritable conversation avec son aîné et les mots ne lui venaient plus naturellement. Il regarda la grosse valise et le balais, puis détailla son gryffondor de frère.

Un blue-jean troué au niveau des genoux, un t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock célébrissime, des bagues sur presque tous les doigts, un anneau à l'oreille, un piercing au niveau de l'arcade sourcilière, un trait de crayon noir pour souligner son regard et des cheveux longs, coiffés en queue de cheval. Le parfait ado Moldu. Regulus soupira.

—Alors nous y sommes. C'était inévitable.

—Oui, souffla Sirius, gêné.

Ils n'avaient en fait rien à se dire, tant ils avaient laissé un mur se dresser entre eux. Alors, Sirius tendit presque timidement la main à son frère. Regulus la regarda un instant, puis la serra de la manière la plus formelle possible, sans se départir de son regard froid.

—Fais attention à toi Sirius. Tu restes mon frère malgré tout, et cela m'embêterait pas mal que tu ailles trouver la mort de manière stupide.

—Et toi fais attention à tes fréquentations. Mais sache que si un jour tu as besoin d'un toit... ma porte te sera toujours ouverte.

Regulus doutait que ce jour arrivât mais il ne le démentit pas. Sirius saisit sa valise et tourna les talons. À l'instant où il allait refermer la porte, Regulus lui lança un dernier avertissement.

—Sirius, nous sommes presque en guerre. Tu as choisi ton camp et moi le mien. J'espère de tout coeur que ce jour-là n'arrivera jamais, mais si nous nous retrouvons face à face en duel, je n'aurai d'autre choix que de te tuer.

Sirius ne répondit rien et ferma la porte. Regulus s'empara de son instrument et se remit à jouer comme si rien ne s'était passé, le cœur en miette.

Summertime Sadness (un été un peu seul)Where stories live. Discover now