Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]

L'apprenti - partie 4 (VERSION 2)

Nous croisâmes moult domestiques et nobles qui nous zyeutèrent avec gêne. Aucun d'eux n'osait avouer au prince qu'il se baladait hors de ses appartements dans une tenue débraillée. Il n'en fut informé que lorsque nous arrivâmes finalement devant son maître de chasse qui le lui reprocha sans une once d'hésitation.

Malgré la panique du prince, je me retins de sourire devant ce grand brun, d'une quarantaine d'années, au visage couvert d'une épaisse barbe noire. Deux courtes tresses pendaient sous son menton, fermées par de fins liens de cuir brun. Il affichait de petits yeux affûtés, tout autant que la dague qu'il portait à sa hanche gauche.

— Le nouveau valet, hein ? grogna-t-il de sa voix rauque en me jaugeant de ses prunelles noisette. Va donc seller le cheval du prince pendant que je m'entretiens avec lui. C'est le blanc, au fond de l'écurie.

J'acquiesçai et m'élançai vers le bâtiment sans demander mon reste. Tout de bois, il comptait six stalles de chaque côté de l'allée centrale. Au fond, non loin d'un magnifique destrier à la robe blanche, attendait un groupe de chiens. Je leur glissai un regard fugace avant de m'arrêter devant le cheval du prince. J'avais devant moi un destrier aussi magnifique que puissant.

Un enfant de sa taille peut-il réellement monter une telle bête ? Et qu'en est-il de moi pour seller un dos si haut ?

Heureusement que je pouvais user de la magie... j'eus une pensée pour les anciens valets du prince qui n'avaient pu en faire de même. Mais je n'avais guère le temps de m'apitoyer sur leur sort ! Erich et le maître de chasse pouvaient arriver d'un instant à l'autre. Et j'espérais aussi trouver un peu de temps pour chercher mon âme au milieu de ces obligations frustrantes.

Je concentrai ma magie sans attendre et décrochai des murs du box le nécessaire pour seller ce cheval. Le tapis de selle virevolta doucement dans les airs et se posa avec grâce sur le dos de l'animal. Ma manœuvre ne semblait guère l'inquiéter. Il me renifla par-dessus la porte basse de sa stalle sans s'agiter. Je continuai mon travail et m'occupai de la selle. Plus lourde que le tapis, elle me demanda un peu plus de magie pour la soulever. Je la déposai avec soulagement sur le dos du cheval qui s'ébroua.

— Tout doux, le rassurai-je en pénétrant dans sa stalle.

Il me donna un coup de museau qui me fit tituber. Ma carrure était bien trop légère pour recevoir sa tape affectueuse. Dire que lors de ma précédente vie, sa carcasse n'aurait servi que de maigre goûter. Mais je préférais ne point trop me remémorer ces souvenirs de crainte que l'animal les ressente. S'il paniquait, il pouvait me tuer aisément, coincé ainsi entre son gabarit lourd et les cloisons de bois...

C'est stressant de ne plus être immortel...

Avec précaution, je tendis un bras sous son ventre et attrapai la lanière de cuir qui pendait de l'autre côté. Je la rabattis en vitesse vers moi et la glissai dans la sangle, sur le flanc de l'animal. D'un coup sec, mais bien trop faible pour alarmer le cheval, je la serrai et verrouillai le tout. Il ne manquait plus que les brides et sangles. Pour le réglage des étriers, le maître de chasse s'en débrouillerait avec le prince. Mes capacités d'autodidacte arrivaient à leur limite. Elles furent d'ailleurs mises à rude épreuve alors que je devais passer le mors dans la gueule de l'animal. Bien que végétarien, je ne voyais guère comment le glisser entre ses dents coupantes sans y laisser un doigt. Et je me sentis bien bête, bride et mors en main, à fixer ce sale canasson qui refusait d'ouvrir gentiment le bec !

— Tu t'en sors bien pour une première, rit alors le maître de chasse.

Les poings sur les hanches, il m'observait de l'entrée de l'écurie. À sa droite, le prince semblait trouver la situation bien moins drôle. Et j'en compris la raison alors que l'homme l'invita à passer la bride autour de la tête de l'animal à ma place.