Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]

Caractère bien trempé... - partie 1 (VERSION 2)

IXEN

Je fêtais mon douzième été dans le corps de ce jeune humain, et Erich ses quinze, quand je quittai pour la première fois Dahlia et ses remparts. L'idée ne me plaisait guère, car je m'éloignais de mon fragment égaré, mais le roi Rian avait décidé qu'il était temps de présenter Erich à sa future épouse, la fille du seigneur Domenic Noithcœur. Et ses décisions était irrévocable pour le serviteur que j'étais devenu, tout comme pour le prince qui n'avait lui non plus de voix au chapitre.

Par le sort, ou cet intérêt que j'avais pour le prince qui ne cessait de me titiller l'esprit, ces deux dernières années passées ensemble nous avaient rapprochés. Depuis plusieurs mois, il me voyait d'ailleurs comme un conseiller avisé et ami de confiance malgré mon jeune âge apparent. D'autant que je n'étais plus un simple valet, mais son magicien attitré.

Le temps du dragon fier et libre est bien loin...

Assis devant son bureau de chambre, un bras accoudé sur le bois, Erich releva vers moi des yeux emplis de doute.

— Que sais-tu des femmes, Ixen ?

Sa question était évasive, comme à l'habitude, mais j'avais appris à cerner ses pensées.

— Elles aiment à rêver du prince charmant. D'un homme dont la beauté n'a d'égal que le courage et l'altruisme.

— Difficile d'être à la fois un roi et un homme qui aide le premier opprimé.

— C'est votre devoir de prince, et de roi, de veiller au bonheur et à la sécurité de votre peuple.

Dans un soupir éreinté, Erich rabattit sa tête en arrière. Il resta le nez en l'air quelques secondes, puis se redressa d'un coup sec à s'en briser la nuque.

— Plus simplement. Que devrais-je faire en présence de ma future épouse ? Je ne sais même pas à quoi elle ressemble !

— Apportez-lui un présent. Les femmes aiment les hommes attentionnés qui les couvrent de bijoux ou de fleurs.

Du moins, voilà ce que j'en pensais. Je n'osais avouer que je restais loin d'être un expert en la matière...

— C'est vrai que mon oncle dit souvent qu'avant de prendre femme, il faut avoir un porte-monnaie solide. Bon sang ! J'ignore ce que je vais bien pouvoir faire durant une simple journée avec cette demoiselle, alors qu'en sera-t-il quand elle deviendra ma femme ?

— Ne vous inquiétez pas. Les choses se feront instinctivement.

— Tu sais bien que je n'en ai aucun avec les femmes, trancha-t-il d'un air déprimé.

Je ne dis mot, mais comprenais à quel évènement il faisait allusion. Agnès se souvenait encore elle aussi de cette après-midi durant laquelle le prince entra en trombe chez Ennris en espérant m'y trouver. Ce grand idiot, alors âgé de quatorze ans, n'avait en rien trouvé déplacé de questionner la demoiselle alors vêtue de sa simple robe de chambre. La pauvre pensait profiter d'un déjeuner au calme dans le grand salon après qu'Ennris et moi étions partis étudier en forêt... elle était loin d'imaginer le prince héritier, faisant irruption dans le foyer tel un cabot fou. Pour ma part, j'avais eu espoir que cette escapade me permettrait de retrouver la trace de mon fragment d'âme, plus que d'observer les plantes, mais nos retrouvailles restaient encore un doux rêve.

— Vous devriez vous coucher, conseillai-je alors qu'Erich soupirait à nouveau d'inquiétude. Nous partons tôt demain.

— Et comme tu aimes le dire : la nuit porte conseil.

— Je crains que vous ne soyez une trop grande cause perdue pour cela.

Dans un sourire amusé, Erich me jeta une serviette qui traînait sur un coin du bureau. Je l'immobilisai dans les airs d'un claquement de doigts empreint de magie.