1 Joana

362 23 2
                                    


Debout devant le miroir de ma salle de bains, je tente de dompter quelques mèches rebelles grâce à un fer à boucler qui n'est pas encore sur le marché. Un petit bijou high-tech que tout le monde s'arrachera bientôt. Mon portable, posé sur la tablette devant moi, diffuse le refrain d'une chanson que j'adore. Je danse en rythme quand j'entends la porte d'entrée s'ouvrir plus loin dans l'appartement.

— Hello ! clame Karine en refermant derrière elle.

Oups, je suis encore à la bourre ! Pas le temps de mettre en ligne de story pour mes petites abeilles, elles devront attendre. Et tant pis pour mes cheveux, ça ira bien. Je dois absolument passer au make up.

— T'es là ?

— Salle de bains ! aiguillé-je mon amie, même si, les lieux n'étant pas bien grands, elle m'aurait vite trouvée.

— Qu'est-ce que tu fous ? On part, là ! La boîte a payé pour arriver avant 22 heures.

— Je suis prête, pas de panique !

Le temps qu'elle me rejoigne, j'étale sur ma zone T une fine couche de fond de teint, à l'éponge. Vite, vite ! Je l'entends enjamber le léger bazar qui règne dans le salon. J'attrape l'anticernes de luxe offert par un partenaire et force un peu dessus, j'en ai besoin.

— Circuler en escarpins ici, c'est pas possible ! Sérieux ! J'ai une tranche de pain de mie plantée sur mon talon aiguille, Jo !

— Tout est prévu pour te ralentir !

Et ça fonctionne, puisque la pause qu'elle doit marquer me laisse le temps de recouvrir mes cils avec mon tout dernier achat : un mascara à 75 euros. Oh ! J'adore, il est génial. On ne voit plus la différence entre mes cils et les faux, collés tout à l'heure. Je me déhanche à nouveau en m'éventant pour que le maquillage sèche.

— T'as mis le paquet ! Tu comptes séduire un pape, ce soir ? me demande mon amie en détaillant ma tenue. En tout cas, si tu danses comme ça, c'est un mal de dos que tu vas attraper !

— Ah, ah, ah ! T'es prof de danse, toi ? Et merci, mais les papes sont tous plus vieux que Madonna, répliqué-je.

Je saisis le highlighter. Ce sera la touche finale. Enfin, non, il me faut du rouge à lèvres, mais il est dans mon sac, je le mettrai sur le chemin.

— Ouais ! Mais les papes sont riches, enchaîne Karine.

Je fronce les sourcils en la regardant via le miroir, puis les hausse.

— Ah ! Ben s'ils sont riches, alors...

Elle scrute la boîte qui contenait le mascara.

— On ne se refuse rien, dis donc !

— J'avais le choix entre ça et régler ma facture d'eau... Du coup, demain, je me doucherai chez toi !

Elle explose de rire en se tournant vers le miroir à côté d'elle. Si elle se doutait une seconde que c'était vrai, serait-elle encore là ?

— Il fait une chaleur, dehors... soupire-t-elle.

— Tant mieux, on n'aura pas froid en sortant de boîte.

Je jette un dernier coup d'œil à mon reflet — une reine doit toujours éblouir ses abeilles si elle veut conserver son trône — au moment où mon portable vibre. La notification d'un SMS écrit en majuscules s'affiche instantanément.

— C'est qui ? interroge mon acolyte.

Ma logeuse... Qui me demande encore une fois où en est le virement. Mais bien sûr, je ne peux pas lui dire ça.

Queen BeeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant