Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]

Oeuf symbolique - partie 1 (VERSION 2)

IXEN

Erich était si désemparé du fiasco de ses premières heures au sein du royaume de Noithcœur qu'il ne put avaler le moindre aliment durant le déjeuner. Il resta assis, là, face à l'une des hautes fenêtres de sa chambre d'hôte, le regard hagard. Je ne l'interrompis point, incapable de trouver les mots pour le réconforter. Une partie de moi regrettait d'être coincé à Margus, plutôt qu'à Dahlia, alors que j'aurais pu offrir un brin d'intimité au prince pendant que je cherchais mon fragment d'âme. Il m'était d'ailleurs étrange de m'en sentir encore si proche alors que nous logions à des lieux de son point de chute. J'espérais ne pas me leurrer en la pensant à Dahlia...

Elle est forcément proche de mon lieu de réincarnation, tentai-je de me convaincre. Un morceau d'âme ne peut pas aller bien loin tout seul.

À cette dernière pensée, je frissonnai.

J'espère qu'il ne s'est pas accroché à une bête qui migre sans cesse !

Je ressassai ces craintes, incapable de trancher à leur sujet, tandis que l'après-midi se déroula, sonné par l'arrivée de Nessa. J'hésitai à lui refermer la porte au nez, de peur que sa venue ne soit guère un soutien pour le prince, mais le petit valet que j'étais n'en avait pas le pouvoir.

— Ton regard fait chaud au cœur, siffla-t-elle dans une pointe acérée de sarcasme alors que je lui ouvris.

— Erich est assez démoralisé sans que vous ne veniez le rabaisser davantage, osai-je alors qu'elle entrait.

Ma remarque la fit sourire.

— Nos opinions divergent souvent, mais je ne le déteste pas assez pour le détruire plus que père ne le fait déjà.

Je l'observai sans dire mot alors qu'elle s'assit sur le rebord du lit, non loin de son frère.

— Je viens vous donner les dernières nouvelles, déclara-t-elle sans lâcher Erich du regard.

Il grommela, sans détourner le regard du ciel sans nuages qui s'étirait à perte de vue.

— Les coupables qui ont empoisonné votre vin seraient deux jeunes nobles bercés par les belles paroles de la paroisse des Noithcœur, continua-t-elle sans se démonter. Ils voulaient vous punir pour votre tolérance envers les Askaziens et les dragons qui ont tué de nombreux Dorsükiens durant la guerre.

Les aveux de Nessa ne me surprenaient guère. L'assassinat du prince avait été méticuleusement planifié. Ces deux hommes étaient probablement des martyrs prêts à se sacrifier en échange de dons du roi Domenic à leur famille. Je les soupçonnai même de n'avoir rien de noble, dans le titre comme dans le sang.

— J'imagine que père ne souhaite toujours pas me voir ? s'enquit Erich d'un ton morne.

Nessa soupira.

— En effet. Mais vous devriez arrêter de vous morfondre à ce sujet. Je préférerais qu'il m'oublie, tout comme vous, plutôt qu'il prévoit en cet instant même mon mariage.

— Qui est l'heureux élu ?

— Aimeric de Roux. Un homme de réputation barbare qui possède quelques terres sur l'île d'Askaz. Je l'ai aperçu durant le banquet d'hier. Il n'a aucune manière et est un fier goujat.

Erich ne réagit pas plus que s'il venait de voir un oiseau traverser le ciel.

— Il est étonnant que Domenic ait invité des habitants d'Askaz, avouai-je alors que la demoiselle fronçait les sourcils, vexée par la passivité de son frère. Ils croient à la magie créatrice des dragons.