Le seigneur des Cieux (VERSION 2)

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AHÉDAN


Askaz.

Large île montagneuse au sud de Dorsük et berceau des adorateurs des dragons. Son peuple, aux robustes et fiers guerriers, vivait en harmonie sous la bannière d'un seul et même homme : Ahédan Edka.

Les siens le nommaient maître Ahédan, ou parfois, le seigneur des cieux. Il était un fin monarque aussi droit que juste envers son peuple. Malgré sa défaite dans le sud de Dorsük durant sa jeunesse, les Askaziens ne remettaient pas en doute sa légitimité de dirigeant. Et dans le cas contraire, ils n'avaient personne pour le remplacer... Ahédan ne comptait pas d'héritier depuis que sa femme était morte en couches. Ils auraient pu élire un dirigeant d'une autre famille renommée, malheureusement, la guerre passée avait éclairci les rangs au point que le choix s'en trouvait amputé.

Point sinistre qui inquiétait le peuple, et d'autant plus quand un chevaucheur de vouivre déboula en trombe dans la salle commune du Darakan, demeure d'Ahédan, pour annoncer une terrible nouvelle.

— Des Dorsükiens envahissent le Nord !

Attablé autour d'un copieux dîner en compagnie de son bras droit, Markhar, et de quelques autres vieux guerriers, le seigneur des cieux se figea.

— Ton humour sombre est très mal venu ! grogna Markhar.

Il se leva et contourna la longue table de bois, qu'un simple drapé recouvrait par son centre. Sa carrure de géant, légèrement vêtu, intimidait quiconque, même son fils qui dînait non loin avec les autres adolescents. Comme coutumes, leurs mères se tenaient en retraits avec les plus jeunes.

— Vous pensez vraiment que j'aurais volé du nord jusqu'au sud d'Askaz pour une boutade ? s'offusqua le chevaucheur malgré le regard pesant du colosse.

Sa tenue de cuir et d'écailles de vouivre miroitait sous les éclats du feu central, lui donnant des airs sauvages. Mais rien qui n'impressionnait l'assemblée, ni même les jeunes enfants que les Askaziens formaient dès leur quatrième anniversaire à monter leur propre vouivre. Nombre arboraient déjà des tenues cousues dans les cuirs colorés de ces reptiles volants.

— Cela fait des semaines que nous résistions à ces Dorsükiens ! continua le chevaucheur. Mais ils ont réussi à entrer dans Amira ! Mon chef d'escouade m'a ordonné de fuir pour vous prévenir. Il est probablement mort à l'heure qu'il est...

Des murmures s'élevèrent dans la salle commune, plus lugubres que la brise glaciale d'un cimetière. Leur ennemi osait-il les attaquer sur leur propre terre, seize ans après qu'ils lui aient cédé le sud de Dorsük ?

De rage, Ahédan serra les poings à s'en blanchir les articulations. Ses prunelles de suie scrutaient avec intensité son peuple qui, jusque-là, festoyait gaiement dans la salle commune. Nombre de tables étaient encore couvertes de plats odorants qui embaumaient la pièce de leur doux fumé, quand quelques chopes d'alcool ne parfumaient pas directement le bois des murs et des piliers de leur liquide clair.

Mais plus que de la colère, le seigneur des cieux lut de la peur dans les regards de ses guerriers, vieux comme jeunes. Tous craignaient que les affres de la guerre emportent à nouveau leurs frères, fils, amis.

Les Dorsükiens ne les laisseraient-ils donc jamais en paix ?

Ahédan savait malheureusement que leur différence de croyance les pousserait à les détruire jusqu'au dernier... ou jusqu'à l'éradication de leur culte du Dieu dragon.

— Sale vautour ! grogna-t-il. Demandez aux villages du Nord de surveiller les côtes. Gluiz ! Ordonne à tes chevaucheurs de rameuter un oiseau-tonnerre vers la Chevelure de Phénix. Il devrait couler bon nombre de navires qui tenteraient de venir en renforts.

Le seigneur des cieux savait que s'il n'empêchait pas l'ennemi de s'amasser au Nord, il n'aurait aucun moyen de les anéantir. Malgré la supériorité physique de ses guerriers, ils ne pouvaient vaincre sur le long terme des chevaliers en armure et des balistes. En revanche, un oiseau-tonnerre, gigantesque rapace aussi splendide que mortel, réduirait leurs navires en simples épaves avant qu'ils n'atteignent les terres. Même si diriger l'un d'entre eux vers la Chevelure de Phénix serait une tâche ardue pour ses chevaucheurs. Beaucoup perdraient la vie... si la manœuvre n'échouait pas.

Gluiz se leva de table et héla ses hommes. De gabarits modestes, ils étaient la norme des chevaucheurs. Les fiers guerriers askaziens étaient bien trop lourds et trapus pour les vouivres. Ces reptiles volants restaient de solides prédateurs, mais trop de poids sur leur selle restreignaient leurs mouvements à l'habitude fluide.

Inquiet quant à la suite des opérations, Ahédan préféra quitter sa table et accompagna les chevaucheurs sur le plateau des vouivres. Plus loin, à la proue du gigantesque navire gravitant au-dessus du canyon, s'élançaient ponts et chemins qui grimpaient jusqu'aux nids de ces reptiles volants.

À leur arrivée, les bêtes s'agitèrent. Elles sentaient distinctement la peur et l'incertitude qui voilaient les cœurs de leurs maîtres humanoïdes. Certaines crachèrent de petits flambeaux, tandis que d'autres arquaient leur cou écailleux et battaient nerveusement de leurs ailes aux membranes colorées.

— Un oiseau-tonnerre a été vu au sommet des monts au nord d'Amira, déclara Gluiz qui désigna la chaîne montagneuse sur une carte. Il est le plus près de la Chevelure de Phénix.

— Tu ne parles tout de même pas d'Esvelg ? souffla Ahédan, un fond d'inquiétude dans la voix.

Il était l'icône emblématique de ces rapaces gigantesques qui provoquaient tempêtes et orages du battement de leurs ailes. S'en approcher était pure folie ! Mais le regard d'ambre de Gluiz ne trompait pas. Il pensait bien déloger Esvelg de son nid pour l'attirer plus au Nord, sur les côtes que les navires Dorsükiens longeraient pour accoster sur Askaz.

Dans un soupir, Ahédan se massa les tempes. Gluiz et ses chevaucheurs ne ressortiraient jamais indemnes d'une confrontation avec Esvelg. Tel était le prix à payer pour repousser les Dorsükiens ?

Rien n'était moins sûr...


***

Un seigneur prêt à entrer de nouveau en guerre contre ses ennemis de Dorsük ? Arrivera-t-elle jusqu'à la douillette demeure d'Ixen ?

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Illustration carte : moi-même / wonderdraft. Tous droits réservés sur cette image.

Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]Where stories live. Discover now