Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]

Une armure de trop - partie 1 (VERSION 2)

IXEN

L'espoir de retrouver mon fragment égaré s'amincissait, contrairement aux semaines qui s'étiraient. Une nouvelle année sonna son arrivée au rythme de la roue des saisons et le prince fêta son anniversaire. Les mois ayant envenimé sa relation avec le roi, cet évènement si important aux yeux des humains se déroula dans le secret absolu. Seuls Nessa, Ennris, Agnès et Alan se joignirent à la maigre réception que j'organisai pour le prince. Le vieux magicien s'étonna que deux pointures comme le frère du roi et sa fille dînent joyeusement sous son toit, mais contrairement au reste de la cour, Nessa et Alan appréciaient le prince. Sans compter que la princesse était impatiente de voir le présent que je réservais à Erich. J'avais osé quérir ses conseils, qu'elle n'avait su recouper sur le bien matériel que je confectionnai malgré son esprit affûté.

— Arrête de nous faire languir ! siffla-t-elle, un large sourire aux lèvres, alors que le dîner touchait à sa fin. Offre donc ton présent à mon frère ! Tes questions sur ses goûts vestimentaires et son cheval n'avaient aucun lien.

— Il est venu te demander mes goûts vestimentaires ? s'exclama Erich hilare. Alors qu'il m'habille depuis des années ?

Le trop-plein d'alcool, mêlé à la douceur du petit foyer, laissait planer une bonne humeur qui déliait langue et esprit du jeune homme. Il en était d'ailleurs de même pour les autres convives. Le plus solide restait Alan, dont les années au bar en compagnie des soldats en avaient fait un boit-sans-soif imbattable, et Ennris qui ne comptait qu'un maigre verre de vin à son actif. Le vieil homme prenait garde de rester maître de ses actes et de ses mots en présence de nobles sous son toit.

— Agnès ! tonnai-je en espérant qu'elle m'entende de sa cuisine.

Inquiète, elle déboula de derrière la tenture qui cachait sa chambre. Son regard s'apaisa alors qu'elle me découvrit, un sourire jusqu'aux oreilles.

— Ton repas était excellent, déclarai-je, appuyé par nos convives. Mais il manque le clou du spectacle !

Elle sourit et se retourna vers l'entrée.

— Tu as entendu Syla ? s'enquit-elle. C'est le signal !

Le nom du griffon sortait d'entre ses lèvres alors qu'il surgit de sous le tas de couvertures entassées à l'angle de la porte d'entrée. Plus haut qu'un cheval et plus large qu'une porte, nous avions eu un mal fou à le dissimuler sans que cela paraisse trop suspect.

— Il était caché dessous depuis le début ? souffla Erich incrédule.

— Et moi qui t'ai reproché d'être une mauvaise ménagère Agnès, couina Nessa d'un air désolé. Je suis sûre que cette idée saugrenue ne peut venir que d'un homme !

Je fis mine de ne pas comprendre son sous-entendu alors qu'elle dardait sur ma personne un regard malin. Je pinçai les lèvres, coupable, mais je la perdis de vue quand Erich se leva et s'arrêta devant moi.

— Que porte-t-il sur son dos ? s'enquit-il en désignant le griffon d'un hochement de menton.

Un large sourire étira mes lèvres.

— Votre présent.

Perplexe, le jeune homme me contourna et se rapprocha de Syla. Il n'eut guère besoin de faire beaucoup de pas, car son compagnon, tout aussi impatient que son jeune humain, le rejoignit d'un large bond. Alan se protégea de justesse derrière ses bras comme une aile lui frappait le crâne.

— Doucement, lui intima Erich qui s'empressa de flatter le collier de l'animal.

Il coula un regard désolé à son oncle, tandis que Syla levait le bec au ciel, conquis par les douces grattouilles du prince.