Une armure de trop - partie 2 (VERSION 2)

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— Vous devriez laisser votre place à Laurn, lui conseillai-je avec une pointe d'hésitation. Avant qu'il vous arrive un grand mal.

Bien qu'il gardait une attitude fière, je savais que son altercation avec le capitaine pesait sur son moral. Sa détermination risquait de s'effriter au beau milieu de la caserne s'il pensait que je ne le soutenais plus, mais je devais lui faire part de mon opinion.

— Je sais que tu t'inquiètes pour moi, Ixen, avoua-t-il finalement. Mais je ne ferais pas ce plaisir à mon père que d'abandonner. S'il souhaite faire de Laurn son héritier, il devra me déshériter de vive voix. Cela serait une honte pour moi, mais une bien plus grande pour lui que d'admettre qu'il a engendré un raté.

— Votre entêtement pourrait vous coûter la vie.

Erich soupira. Il décrocha un avis et le roula entre ses mains.

— Et que ferai-je si je ne m'entête pas ? Devenir un des chiens de garde de mon petit frère ? La haine de père est si forte que lui aussi me voit comme un parasite. Jamais il n'acceptera que je le serve en tant que chevalier. Mais ce qui m'inquiète le plus si j'abandonne mon titre d'héritier, c'est toi. Tu es le magicien du futur roi. Si je ne le suis plus, tu seras forcé de m'abandonner.

Ses aveux me firent chaud au cœur. Même si mon âme restait celle d'un vieux dragon, Erich comptait pour moi. J'ignorai encore si cela était dû à un quelconque fragment coincé dans son corps, même si le doute s'étiolait au fil des jours, mais je ne pouvais pas l'abandonner.

— Je n'ai juré aucune allégeance, lui assurai-je dans un sourire malin. Je suis maître de ma vie.

— Mon père sera furieux si tu oses lui faire faux bond alors qu'il t'a offert un foyer.

— Il ne m'a rien donné. C'est Ennris qui m'a accueilli sous son toit, et Agnès qui me nourrit et m'habille.

Erich m'observa un instant sans dire mot. Son regard bascula sur la large salle de la caserne vide de monde, puis en revint à ma personne.

— Tu as raison, avoua-t-il finalement. Mais tu sais aussi bien que moi qu'il ne lâche jamais l'affaire, même quand il se sait en tort.

Je soupirai bruyamment, conscient qu'Erich était dans le vrai.

— Réglons déjà ce problème de prime, tranchai-je. Qu'avez-vous choisi ?

— Ça ne va pas te plaire.

Je fronçai les sourcils devant sa grimace.

— Un géant des montagnes gênerait Arnya au nord de la ville, continua-t-il. À cheval, nous pouvons rallier le village en deux heures.

— Un géant ! m'exclamai-je. Avez-vous prévu de vous suicider ?

— Bien sûr que non. J'ai lu un grand nombre d'ouvrages sur les créatures qui peuplent nos terres. Les géants sont massifs, mais ils sont lents.

— Pas plus qu'un bûcheron vous envoyant sa hache en pleine figure ! Excepté que dans le cas d'un géant, il s'agira d'un tronc d'arbre ! Même si vous l'évitez, le sol tremblera tant que vous ne pourrez contre-attaquer. Et même dans le cas contraire, qu'espérez-vous lui faire avec votre cure-dent ?

— Tu verras, trancha Erich dans un sourire carnassier.

— Je verrai ? grondai-je alors que ma colère grimpait au point d'en oublier les politesses. Je n'attendrai pas de te voir écrasé sous un tronc tel un cochon à l'abattoir ! Trouve une autre mission au lieu de courir après la mort !

Erich me fixait, interloqué. Mais je ne démordis pas de ma position ! D'autant plus que s'il mourrait en portant mon fragment d'âme, j'ignorais ce qu'il en adviendrait. Rien n'était sûr, mais...

Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]Where stories live. Discover now