Graniz (VERSION 2)

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IXEN

Le lendemain, mon réveil fut... brutal.

Je me levai en sursaut, tandis qu'un homme me secouait par les épaules. Je pestai, mais sans trop, conscient bien avant d'ouvrir les yeux qu'il ne pouvait s'agir que d'Erich pour oser me malmener ainsi.

— Tu es vivant ! souffla-t-il dans un timide sourire alors que je croisai son regard de suie.

À l'entrée de la chambre, deux hommes nous observaient. Je reconnus le vieux guérisseur, Nardan, mais le deuxième m'était inconnu. L'air sûr, probablement s'agissait-il du régisseur du village. Sa taille moyenne n'en faisait pas un guerrier typique d'Askaz, mais son visage aux traits durs suffisait à lui donner des airs d'ours mal léché.

— C'est plutôt à moi de m'étonner que tu sois si bien portant, avouai-je en reportant mon attention sur le prince.

Un voile de tristesse traversa son regard. Il glissa un coup d'œil vers l'extérieur, puis s'assit sur le bord du lit que j'avais laissé vide. Ma nuque me reprochait d'ailleurs ma nuit sur cette chaise de bois...

— Je n'ai pas vu Nessa parmi les patients de cette maison, souffla finalement le jeune homme.

Je pinçai les lèvres, partagé entre peine et compassion.

— Je n'ai pas pu l'aider, avouai-je, le cœur noué. Je suis désolé.

— Tu n'as pas à t'excuser. C'est déjà un miracle que tu aies réussi à survivre en me traînant à ta suite.

Il marqua un temps d'arrêt, son regard peiné perdu sur le ciel clair qui éclairait la pièce.

— Et... pour Syla ?

— Je l'ai vu décoller du pont pendant la tempête, lui assurai-je. J'ai espoir qu'il ait gagné les terres malgré sa violence.

— Alors il ne nous reste qu'une chose à faire ! trancha le prince en basculant vers moi des yeux emplis de détermination. Nous devons retourner à l'épave de notre caraque et chercher les survivants ! Ou les corps...

— J'ai fait envoyer des hommes tôt dans la matinée, intervint le régisseur du village. Vous les croiserez peut-être. Nous avons pour ordre du seigneur des cieux de rapatrier tout Dorsükien à la capitale.

Je me hérissai en comprenant que nos origines n'étaient pas méconnues, tandis qu'Erich le remerciait d'un air perplexe.

— Mes excuses, souffla-t-il devant le regard fermé du prince. Je ne me suis pas présenté.

Il frappa du poing contre sa poitrine et se tint aussi droit qu'un piquet.

— Je me nomme Kad. Maître Ahédan a fait de moi le régent de ce village.

— J'ai cru comprendre qu'un nouveau roi s'imposait non loin, à la place du seigneur Edka ? m'enquis-je un brin gêné.

L'espace d'un instant, les sourcils de l'homme se froncèrent. Ils étaient si broussailleux que leurs poils cachaient le haut de ses pupilles.

— En effet, avoua-t-il d'une voix hésitante, comme cherchant un piège dans ma question. Un dénommé Aimeric de Roux est venu tout droit de Dorsük pour imposer ses lois. Il s'est établi sur les plaines nord d'Askaz et pille nos villages au nom de sa royauté. Il n'a pourtant pas vaincu maître Ahédan.

— La guerre sévit depuis qu'il a débarqué ici ? s'étonna Erich. Son arrivée remonte à quelques années, il me semble.

— Une guerre sans l'être, soupira l'homme. Aucune armée ne s'est affrontée jusqu'ici. Les soldats d'Aimeric se contentent de faire main basse sur les petits villages alentour, tandis que les hauts placés restent entre leurs murs sans ne rien faire. Notre maître craint de marcher sur la queue du griffon... qui nous a déjà chassés de Dorsük par le passé. Votre naufrage est dû à l'une de ses rares actions contre les Dorsükiens. Enfin, contre votre peuple...

Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EN COURS - publication réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant