The afterwar gang - Levi Ackerman

Are you a whore ?

Edgar venait de gagner au poker, pour la troisième fois de la journée. Son rire infâme fit doucement sourire Anna, qui d'un air amusé entoura ses épaules robustes de ces deux bras frêles. J'observais la scène avec peu d'intérêt, sirotant ma bière pour faire passer le temps, comptant nonchalamment les dalles au sol du pub comme si je ne connaissais déjà pas par cœur leur nombre.

- Trente-neuf, ça n'a pas changé depuis la dernière fois. Soupira Elena.

Elena était l'une des plus jolies femmes de cette taverne. Ses longs cheveux blonds et bouclés tombaient dans son dos nu, qu'elle laissait toujours entrevoir avec ces robes printanières. Voir son visage me faisait toujours beaucoup de bien. Elle m'avait sauvé cette nuit là, recueillie, adoptée. Son timbre doux m'avait bercé des nuits entières alors que les bombes s'écrasaient avec vigueur sur les gratte-ciels de Londres. Je n'avais que peu de souvenirs de l'avant-guerre. Ma famille, mon appartement, la vie. Tout avait changé si vite, si brutalement, que cette nouvelle terre m'était déjà trop familière. Cette journée ressemblait comme deux gouttes d'eaux aux mille dernières. Une grenadine ou une bière servit par Franck, le rire déroutant d'Edgar, qui se fait menacer au point par Gus, et mes amies qui s'éloignent derrière les rideaux rouges pour escompter gagner quelques pièces contre un moment de plaisir pour des hommes qui ont tout perdu.

Dans l'apocalypse de l'après-guerre, communément aussi appelée le nouvel âge, les droits d'un Londres du premier quart du XIXe siècle avaient reprit leurs farouches habitudes, laissant gangs, voleurs, et malfrats régner sur la ville. Nous étions peu à plaindre à vivre au sein du Tilbust Tavern, le seul endroit encore bien fréquenté et tenu par le nouveau dirigeant de la Capitale : Ava Parker. Une prise de pouvoir à l'ancienne, qui n'était pas au goût de tous les survivants. Toutefois, le racolage était accepté, nous avions de l'eau potable, des pommes de terre et du riz, et surtout beaucoup, beaucoup ...

- D'alcool. J'ai besoin d'un bon Jack. Susurra Marie tout juste sortie de l'antre rouge.
- Un détraqué ? Je soupirais, déjà aux aboies de la réponse. 

Elle ajusta son débardeur et sa jupe longue, appelant Franck à lui verser une double dose de whisky. La liasse de billet dépassant de son soutient-gorge était tâchée de sang.

- Il fait partit des Amariton, ils sont pas mal à être ici aujourd'hui apparemment et autant te dire qu'il doit pas être bien classé dans son groupe de violent car il a voulu me montrer qu'il pouvait être le chef.

Je ne dis rien de plus, me contentant de prendre l'information pour me tenir à distance. Je me tenais toujours au bar, mon verre presque vide, avec à mes côtés Marie et Elena, dont les longs doigts fins apportaient une cigarette fraichement roulée à sa bouche maquillée de rouge. Il ne se passa qu'un quart de seconde avant que je n'entende la détonation, et que le corps de mon amie s'écrase au sol dans un fracas lourd de sens. Le bruit était invivable, les balles fusaient de part et d'autres, les corps s'amassaient et en seulement une ou deux minutes, plus rien. Un silence pauvre et glauque. Mon coeur battait si vite dans ma cage thoracique que j'avais l'impression d'être moi-même morte. Mais j'étais là, débout contre le bar, les yeux dilatés comme deux pastilles, à observer la scène morbide et funeste qui se déroulait devant mes yeux. Elena était en vie, et cette simple constatation me fit reprendre mon souffle, calmant mon halètement pour assimiler la scène. Tout le monde était à terre, sauf les filles de mon groupe. Dans l'entrée, séparant les deux portes, quatre hommes tenaient encore leurs fusils à pompe, deux autres baissaient déjà leurs revolvers, et le dernier, certainement le chef, ne perdit pas de temps avant de s'assoir nonchalamment sur l'une des chaises, dans l'ombre,  laissant échapper un souffle las et le son dérisoire d'un zippo qui s'allume. Les quatre premiers s'avancèrent vers le comptoir, s'essuyant le sang peignant leurs visages avec leurs grosses et viles mains. Elena m'intima de me taire, mais intérieurement je bouillonnais de peur.