Partie 3 Le cauchemar

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Après cet épisode marquant, j'offris mon superbe dessert, qui se résumait à un flan, à un homme qui avait mangé les flans de toute sa tablée, et qui me l'avait demandé avant Élisa la cinglée. Discrètement, bien sûr. Les infirmiers surveillaient de près ce que l'on mangeait – c'est faux, on aurait pu s'étrangler avec la cuillère qu'ils n'auraient rien remarqué.

Je retournais dans ma chambre en étrange compagnie. En effet, la rouquine me suivit. Elle devait penser que je ne l'avais pas vu, mais ce n'était pas le cas.

Pour me rendre jusqu'à ma chambre, je passais devant le poste de soin. Un spectacle ne me rassura pas des masses. Un homme d'une trentaine d'années frappait sa tête contre la vitre et bavait dessus en répétant sans cesse un mot incompréhensible, en tout cas pour moi. J'aurais pu continuer mon chemin, mais une chose m'intrigua. 

Marie, l'infirmière qui m'avait fait enlever mes précieux vêtements, s'approcha de l'homme et lui caressa tendrement l'épaule, avant de mettre sa main entre la vitre et sa tête, pour éviter qu'il ne se blesse à force de donner des coups. Elle lui parlait tranquillement, l'air serein. Un air qui m'était totalement inconnu, puisque j'avais eu le droit à un accueil frigorifique. Doucement, mais sûrement, elle guida cet homme dans le couloir.

  – Elle a toujours été comme ça.

Je me retournais en sursautant. Mon cœur battait à cent à l'heure. Élie venait tout juste de me foutre la plus grande frousse de ma vie ! Elle me suivait, d'accord, mais je ne l'avais vraiment pas vu venir !

  – Tu parles de Marie, là ?

Élie hocha la tête.

  – Elle a toujours été comme ça.

  – Oui, tu me l'as déjà dit. Merci.

  – Elle a toujours été comme ça.

  – Je crois qu'on a compris, là !

  – Marie n'est pas méchante. Elle a toujours été comme ça.

On aurait dit un robot qui avait pété les plombs. Je continuais ma route en essayant d'ignorer ce perroquet.

Je ne sais pas si elle est restée devant ma porte une fois que je l'eus fermé. J'espérais que non, honnêtement. De toute façon, quelqu'un l'aurait trouvé et ramené dans sa chambre.

La nuit fut horrible. Comme chaque nuit depuis des années. Cela faisait longtemps que je n'avais pas dormi d'une traite, sans me soucier de ce qui se cache dans l'obscurité. 

La raison de mon internement résidait dans l'origine de mes insomnies.

À peine les lumières éteintes, ces ombres blanches spectrales revenaient me hanter. Je ne savais pas ce que c'était exactement, mais je les voyais, parfois avec netteté, parfois comme une ampoule qui claque et dont la lumière se distille. Sincèrement, c'était vraiment flippant. Chez moi, ces ombres étaient rares, et disparaissaient très vite. Ici, j'avais l'impression qu'elles se rassemblaient. Peut-être à cause du lieu, des ondes négatives qui s'en étaient imprégnées. 

Elles me tournaient autour, chuchotaient d'étranges paroles, et me traversaient. Oui, aucun respect. Je sentais lorsqu'elles le faisaient. Un froid indescriptible m'envahissait.

Je me mis en boule dans l'un des coins de ma chambre. Calme, calme, calme ... Il fallait que je pense à la mer calme. Cette douce brise qui fond sur l'eau tel un rapace. Cette écume qui se dépose finement sur le sable.

Je me risquais à ouvrir un œil.

Ma prière due fonctionner, puisque les ombres blanches n'étaient plus là.

Prêtresses T1 L'âme doréeWhere stories live. Discover now