Chapitre 1: Les yeux, le reste

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Une nuit, aux abords de la ville d'Ardenval

« Non !!! » Trevan cria de toutes ses forces. Dalthir venait d'être touché, il s'écroulait à terre derrière lui.
Trevan se retourna à nouveau vers les bandits, encore plus déterminé à les repousser au plus vite pour pouvoir s'occuper de lui.
Il n'avait jamais combattu avec autant de rage, et jamais il n'avait eu moins de scrupule à tuer ses attaquants que ce soir là.
En cette nuit froide, il utilisa sa magie avec une cruauté sans égale, tuant l'entièreté du groupe de bandits qui les avaient encerclés chacun avec une mort plus terrible que les autres. Alors qu'il tua le dernier bandit, on semblait encore entendre leurs cris qui résonnaient dans la vallée enneigée qui entourait la ville d'Ardenval.
Trevan tomba à genoux près de Dalthir, le visage plein d'horreur, observant la blessure béante dans la poitrine de l'homme qu'il aimait.
Il le prit dans ses bras, sans le bouger pour aggraver ses blessures, le berçant doucement.
« Dalthir, ça va aller, je te le promets » chuchota-t-il fébrilement, ses larmes coulant dans les cheveux verts du blessé, tachés du rouge de son sang.
« Trevan... » Dalthir lui chuchota en retour, en passant tendrement sa main fébrile dans ses cheveux roux. « Je t'aime. » lui souffla-t-il en un susurre qui lui semblait douloureux.
« Non. Non. Dis pas ça. » il élevait la voix, caressant le visage de Dalthir. « Non, Dalthir. Tu peux pas me laisser. » Il éclata en sanglots, tandis que l'autre fermait les yeux. « Non, Dalthir, non ! Ferme pas les yeux ! Reste avec moi... je t'en prie. » cria-t-il entre ses pleurs. Ils avaient vécu trop peu de temps ensemble, il ne pouvait pas le quitter ainsi. Il ne pouvait pas être arraché si vite au seul amour qu'il n'ait jamais eu, 1 mois seulement après l'avoir rencontré. Non. Il ne laisserait pas le destin lui voler quelqu'un de si précieux.

1 mois plus tôt.

L'hiver cette année là était particulièrement rude. Les tempêtes de neiges s'enchaînaient et de nombreuses grandes villes de tous les royaumes ne laissaient plus leurs roulottes de marchands vadrouiller dehors. Mais Trevan n'avait pas le loisir d'être ralenti par des conditions météorologiques, son combat pour la justice et la paix ne pouvait pas attendre. Cela faisait une dizaine d'années qu'il rodait de ville en ville, par les routes connues et moins connues, à la recherche d'injustices à terrasser.

Un  pas après l'autre, Trevan se traînait sur la route de voyageurs engloutie sous la neige, ralenti par le vent glacé qui semblait vouloir  l'engouffrer dans la poudreuse. Son corps frêle malgré ses années de voyages  avait du mal à lutter contre des souffles si puissants et ses grandes  ailes chahutées par la bise ne l'aidaient pas à rester droit. Son manteau en cuir et sa cape en laine arrêtaient à peine l'humidité et malgré sa résistance au froid il commençait à ne plus sentir ses doigts qui devenaient encore plus bleus que sa peau naturellement bleutée.

Il  laissait derrière lui de légères empreintes vite recouvertes par la  neige et le vent, mais aucune trace. Il ne pouvait pas se le permettre,  il restait recherché pour de nombreux crimes et méfaits de son passé  malgré son revirement de camp; depuis qu'il ait décidé de mettre ses  talents au service de la paix et du bien, depuis qu'il ait enterré la  partie de sa vie qui sombrait petit à petit dans le crime, faute d'avoir  eu le courage de mettre fin à sa vie toute entière.

Il  avait milles fois emprunté ces routes de voyage et par milles saisons,  mais il savait reconnaître quand les conditions devenaient trop rudes  pour les emprunter et quand continuer à avancer ne servait qu'à  s'épuiser plus vite. Il allait établir un camp pour la nuit.

La  route était en d'autres saisons bien plus praticable et bien plus  jolie, une grande plaine s'y étendait, entourée de forêts luxuriantes,  qui sous la neige et le brouillard ressemblaient plus à un mirage pour  Trevan. Mais à défaut d'y trouver une nature magnifique en cette tempête  de neige, il allait au moins y trouver refuge pour la nuit.   S'efforçant à rester debout sur ses deux pieds jusqu'à se protéger du  vent à l'abri des grands sapins, il arriva enfin dans une forêt aux  arbres si denses qu'ils laissaient à peine la neige filtrer à travers  leurs branches, et épuisé de sa marche laborieuse, il ne s'embêta pas à faire un feu de camp avant de s'endormir, allongé au milieu d'un parterre de mousse.

Le Faune et Le FaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant