Partie 1

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  Changer d'identité, courir, loin, vite, s'enfuir. Je ne peux me retourner si je veux vivre. Pendant des semaines, j'ai fui, changeant de voitures, passant d'une région à une autre, me cachant au maximum du reste du monde pour obtenir la paix que je mérite. Aujourd'hui, je ne sais même plus où je suis et je ne souhaite pas vraiment le savoir. Je crois, je ne suis pas sûre mais il me semble que c'est dans une forêt assez éloignée des villes que je me trouve. Une petite maison, un calme infini, rien ne pourrait me convenir mieux que cela. Les oiseaux viennent chatouiller mes tympans tous les matins me réveillant tranquillement. Quoi rêver de mieux ? Et qui aurait cru qu'après une vie si misérable et sans espoir de réussite, je puisse me retrouver dans cette situation maintenant ? Je ne sais pas et je ne veux pas savoir. La seule chose que je désire est me reposer. Peut-être m'intéresser à la vie ici, les animaux et la végétation. Mon chemin fut long et implexe mais je me persuade qu'aujourd'hui que tout va mieux. Je vais mieux. Plus besoin de m'inquiéter pour les autres, pour ma santé, pour mon travail, pour toutes ces choses futiles qui orientent notre vie d'une facilité déconcertante. Si, quelques années auparavant, on m'avait dit que je trouverais une paix telle que je la vois, je ne l'aurais probablement pas cru. Ou peut-être, qui sait, que j'en aurais été éplapourdi et que cela m'aurait procuré une once d'espoir nouveau.

Subsister le même, ne pas bouger, calmement, profitant, vivre. Je ne peux changer si je veux mourir. Un accident n'est pas forcément inéluctable. Cependant, quand celui-ci nous frappe, de plein fouet, on le sait. Le destin funeste de la victime s'agite devant ses yeux, sans qu'elle ne puisse rien y faire, se rendant compte lentement de la situation dans laquelle elle est plongée. Dépérir au fur des jours, vouloir trouver la paix intérieure, déceler celle-ci dans notre imaginaire idéale, après ce que l'on pourrait qualifier de cauchemar. Alors, pourquoi prescrire à autre chose que ce rêve ? N'y aurait-il pas une raison à vouloir retrouver sa vie antérieure ? Je ne sais pas et je ne veux plus savoir. Non, je ne veux plus réfléchir à des détails de ce genre, je veux vivre ma vie ou ce qu'il en reste sans me poser plus de questions.

Je devrais cependant tout de même réfléchir un peu pour trouver un sens à ma vie. Je n'ai plus d'amis, plus de travail, plus de passions, plus de goûts, plus de connaissances et non plus l'amour, qu'il soit familial, éternel ou éphémère : je n'ai plus rien. Alors, même si je ne veux que profiter de l'instant présent, je devrais tout de même me forger un semblant de vie sociale, c'est, selon moi, le minimum que je puisse encore faire. Mais comment ? Je ne suis plus que l'ombre d'un homme misérable et à présent méconnaissable. Il est vrai que personne ne pourrait me reconnaître, même si quelqu'un l'aurait voulu : impossible. Alors quels risques je prends à chercher le contact humain ? Aucun. Je vais devoir quitter mon havre de paix pour un temps, aller vivre proche d'autrui va peut-être me paraître étrange désormais mais ici, bien que tout soit parfait, ce n'est pas si parfait. C'est l'idéal pour moi, le lieu idéal, la situation idéale mais il me manquera toujours quelque chose : un contact humain. Des gestes, des paroles ou qu'importe, seulement un signe que je ne suis pas seul. 

Le manque d'une vie.Where stories live. Discover now