Prologue

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C’est une détonation qui me sort de mon sommeil. Je me redresse instantanément, regardant autour de moi. Durant un instant, je crois avoir rêvé, jusqu’à ce que j’entende la voix de ma mère, puis, quelques instants plus tard, des coups contre la porte de ma chambre.

— Kyria ! s’exclame-t-elle.

Je bondis hors de mon lit et me précipite pour lui ouvrir. Elle est encore en pyjama, sa robe de chambre par-dessus. Je la détaille, essayant de comprendre ce qu’il se passe.

—  Ma chérie, prends ce qui est nécessaire, nous devons nous en aller au plus vite.
—  Qu’est-ce qui se passe ? la questionné-je, encore à moitié endormie.
—  Ils sont là… répond-elle.

Je m’immobilise au milieu de la pièce. Alors qu’une explosion nous fait sursauter, elle se précipite vers moi et prend mon visage en coupe entre ses mains.

—  Nous n’avons plus de temps à perdre, prend ce dont tu as besoin, Kyria, dépêche-toi!

Alors que je reste figée sur place, elle revient jusqu’à moi.

— Kyria, tu connais le protocole.

Je comprends, à travers son regard, que nous n’avons pas d’autre choix. J’acquiesce et elle m’offre un pâle sourire. Mon père nous appelle et deux gardes entrent dans ma chambre.

—  Mesdames, vous devez partir immédiatement. Les Starkov seront bientôt là.

Je ferme mes paupières quelques secondes à l’entente de ce nom. Ils sont là pour anéantir ma famille. Depuis plusieurs années, ils cherchent par tous les moyens à faire tomber mon père afin de prendre sa place. Il y a quelques semaines, j’ai eu vent de discordes entre nos deux clans, mais j'imaginais que, comme chaque fois, ils laisseraient tomber. Il faut croire qu’ils ont finalement changé d’avis.

— Kyria, dépêchez-vous, me presse l’un des hommes.

Je récupère un sac au-dessus de mon armoire et, avec l’aide de ma mère, le remplis de vêtements. Une nouvelle détonation retentit et nous nous empressons de remplir ma petite valise.

—  Vous avez l’argent ? leur demande ma mère.
—  Oui, madame, tout est en ordre.
—  Bien, allons-y.

Alors que nous sortons de ma chambre, mon père arrive en courant, arme à la main. Lui qui, d'ordinaire, ne laisse transparaître aucune émotion, a les traits tirés par l’inquiétude.

—  Une voiture vous attend derrière le manoir, nous annonce-t-il.
— Toi aussi, il est hors de question que je parte sans toi !
— Oksana, emmène Kyria et partez. Je dois m’assurer qu’ils ne franchissent pas la porte !
—  Je ne partirai pas sans toi, Petro !

Je regarde mes parents s’engueuler au milieu du chaos, il n’y a aucun doute quant au fait qu’ils s’aiment comme au premier jour. Une nouvelle explosion retentit.

—  On s’en va tous les trois ! interviens-je.

La radio d’un des gardes se met à grésiller et quelques secondes plus tard, des mots hachés retentissent. Nous parvenons à entendre “Ils sont entrés, fuyez !”. Sans attendre, nous sommes escortés à travers les couloirs de la maison familiale. Alors que nous atteignons le salon, la porte d’en face s’ouvre brusquement et je me retrouve tirée en arrière. Un coup de feu retentit, suivi des hurlements de ma mère.

Le corps de mon père chute lourdement sur le sol. Il est entraîné à l’écart tandis que deux hommes referment les battants derrière nous. J’ai comme l’impression d’assister à la scène sans y être réellement. Ma mère tente de porter secours à son mari, pendant que je reste immobile à les observer.

— Emmenez Kyria ! ordonne-t-elle.

Une main se pose sur mon bras, me faisant enfin réagir. Je les bouscule pour me précipiter vers mon père. Assis à même le sol, il a été touché au ventre. Je tente de regarder la plaie, mais il s’empare de mes paumes et me force à relever le visage.

—  Mon ange, tu dois les suivre. Tiens…

Il retire la bague à son doigt, celle qu’il porte depuis toujours. L'initiale de notre clan y est gravée. Celui ou celle qui possède ce bijou est reconnu comme étant l’un des chefs de la Bratva. Il m’est impensable d’imaginer une seconde prendre sa place. Ce rôle ne m'était pas destiné, ça n’aurait jamais dû arriver. Seulement, après la disparition de mon frère, il y a deux ans, j’ai été contrainte de prendre sa place en tant qu’héritière…

—  Je refuse de te laisser.

Des bruits nous parviennent de l’autre côté de la pièce, provenant des diverses tentatives de nos ennemis pour nous rejoindre. Ils seront là d’ici peu, malgré nos hommes qui luttent pour maintenir un dernier obstacle entre eux et nous. Je sais qu’ils feront tout pour tenir le plus longtemps possible.

— Garde-la en ma mémoire. Maintenant, pour ta sécurité, tu dois t’enfuir.
— Il y a forcément un moyen, je suis sûre que nous pouvons tous sortir d’ici, tenté-je de le convaincre.
— Tu connais le protocole, Kyria. Tu dois partir.
—  Non, père, non…

Il me sourit tendrement, puis détourne les yeux. Ma mère pose ses deux mains sur mes épaules et m’embrasse.

—  Alexei, emmenez ma fille, ordonne mon père.

Subitement, je me retrouve soulevée et je m’efforce de me débattre pour qu’on me relâche. Je ne veux pas les abandonner ! Alors que l’on m'entraîne de force, je vois mon père puiser dans ses dernières forces pour se redresser et braquer son arme en direction de l’entrée principale , ma mère se plaçant derrière lui. Je les supplie de me rejoindre, tentant par tous les moyens de me défaire de la prise du garde du corps. D’un signe de tête à ses hommes, il leur donne la directive d’ouvrir. Dans la seconde qui suit, je ne saurais dire combien de personnes pénètrent dans le couloir. La dernière chose que je vois sont mes parents qui sont abattus. Je pousse un hurlement à m’en briser les cordes vocales, fixant impuissante les deux membres de ma famille au sol, morts.

Tout ce qui se passe ensuite est totalement flou. Je me retrouve dans une voiture, avec quatre gardes pour m’escorter. Je m’accroche à la portière en laissant couler mes larmes, sous leurs regards remplis de pitié. Nous roulons de longues heures, avant que je sois conduite à un jet privé. Sans un mot, ils m’y déposent et je me retrouve contrainte de monter à bord de l’avion.

À cet instant précis, je sais que je dois fuir le plus loin possible de cette ville où j’ai toujours vécu. Seulement, j’ai également bien conscience que, où que j’aille, ils feront en sorte de me retrouver…

Blood Brothers (SCE)Where stories live. Discover now