Le garçon du toit

Il est déjà bien tard. La soirée s'éternise ; personne ne semble prêt à partir. Certains s'éparpillent dans le jardin, tandis que d'autres migrent vers la cuisine ou se réfugient dans les chambres, à la recherche d'un peu d'intimité. Il faut rester sur place, pour retenir la nuit autant que possible, en niant toute possibilité d'un lendemain. Le seul moment qui compte, c'est l'instant.

Il est préoccupé depuis un moment, au point qu'il n'entend plus les voix de ses amis, qui semble concentrer leur enthousiasme sur le contenu du frigo. Debout derrière eux, il ne perçoit qu'un bourdonnement étouffé, entrecoupé de quelques éclats de rire. Mais il est à côté. Il pense à quelqu'un que les trois bières et les deux shots de vodka ne peuvent faire disparaître.

Depuis qu'il l'a vu passer, il ne peut se le sortir de la tête. Il doit faire quelque chose.

L'adolescent traverse le jardin, passant entre les quelques jeunes qui discutent plus au calme, leur cigarette au bout des doigts. Il retient discrètement sa respiration lorsqu'il est proche des volutes de fumées : il déteste l'odeur. Les rubans gris l'étreignent tout de même avec douceur, mais heureusement, se détachent rapidement de lui. Tant mieux, il n'aurait pas voulu les emmener avec lui.

Arrivé devant l'échelle, il fait une courte pause, le temps d'inspirer un peu d'air frais. Le contraste entre l'intérieur de la maison et l'extérieur est frappant, et cette tranquillité nocturne devient une véritable accalmie.

Avec lenteur, il enroule ses doigts autour des barreaux de l'échelle. Le métal froid le rafraîchit agréablement. Il résiste à l'envie de coller son front contre l'acier, et amorce un premier mouvement pour grimper.

Son ascension est plus facile qu'il ne l'aurait cru : en moins de trente secondes, il atteint le toit. Il n'a besoin que d'un coup d'œil pour vérifier que le garçon est toujours là.

C'est bien le cas. Il ne peut deviner qu'une petite partie de son visage : il est pratiquement dos à lui. Son corps, et surtout sa nuque sont penchés en arrière : il est en pleine contemplation du ciel.

- Ça c'est inhabituel ! Si on m'avait dit que je trouverais quelqu'un sur le toit... 

Il garde ses mains serrées autour du dernier barreau de l'échelle dont il s'est servi pour grimper tout là haut. Son équilibre assuré, il regarde avec attention l'inconnu.

- Toi, qu'est-ce que tu fais sur le toit ? rétorque le garçon déjà installé

Il ne lui jette qu'un bref coup d'œil avant de se remettre à observer l'horizon.

- Je t'ai vu depuis le jardin. Tu m'as intrigué, à être assis comme ça au dessus de nous.

Il ment éhontément. Il l'a remarqué dès le début de la soirée. Et depuis, il n'attend que le bon moment pour pouvoir lui parler.

- J'avais besoin d'être un peu au calme, j'ai vu l'échelle... Je me suis dit que ça ne dérangerait pas le propriétaire de la maison.

Comme il n'obtient pas de réponse, le garçon assis poursuit.

- De toute façon, si on ne dit rien, il ne le saura jamais. Il a sans doute autre chose à faire que de surveiller son toit.

Le nouveau venu sourit.

- J'aurais pensé ça aussi, mais non, cette soirée est plutôt calme, et pas suffisamment trépidante à mon goût. Non, je n'avais pas vraiment autre chose à faire.

En entendant cela, le garçon assis se tourne pour la première fois vers lui.

- Merde. Putain. C'est toi Minho ?