La pluie martelait les fenêtres

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Un éclair fend le ciel, le tonnerre retentit quelques secondes après.
Le vent hurle et fait danser les arbres depuis deux bonnes heures maintenant.

Moi, Carla, me réveille en sursaut.
Encore un cauchemar.
Je ramasse mon ours en peluche tombé au pied de mon lit.
J'allume mon téléphone et parvient à  lire, malgré la luminosité m'aveuglant subitement, les chiffres deux-zéro-zéro.
Deux heures, techniquement pas encore l'aube. Ô joie. Et la météo n'a visiblement pas pour but de m'aider à retrouver Morphée.
Je décide après mûre réflexion de descendre me préparer une boisson chaude.
Je place mes lunettes sur mon nez aquilin, chausse mes pantoufles de fourrure, et m'empare de mon téléphone avant de descendre à pas feutrés les marches de bois craquelant sous l'humidité.

Je pianote sur mon écran quelques secondes, me munis de mes écouteurs et lance ma playlist fétiche.
Les premières notes de la mélodie retentissent dans mes oreilles.
Du Lana Del Rey, pourquoi pas.

Je me pose un instant. Une tasse de thé ferait pire que mieux. Je porte donc mon choix sur un lait chaud au miel. Il est vrai que ma gorge commençait à s'enrouer.
Je verse doucement le lait du carton dans ma tasse favorite, noire avec des motifs de roses rouges. J'ajoute une cuillerée de miel, le fixe se détacher lentement de l'ustensile métallique.
Ensuite, j'ouvre le micro-onde et y place le récipient en faisant attention de ne rien renverser.
Deux minutes pour rêvasser en attendant ma boisson.

L'eau dégoutte, pendant des heures ;
Et les arbres pleurent et les demeures,
Mouillés qu'ils sont de longue pluie,
Tenacement, indéfinie.

Si j'ai bonne mémoire (et j'en ai, n'en vous déplaise) c'est du Émilie Verhaeren.

La maison est si silencieuse. Et pourtant l'extérieur ne lui égale en rien sa quiétude. Mais il règne une ambiance inaudible, plaisante.
Comme un fantôme pris dans le passé.
Un fantôme. J'aimerai en voir un, au moins une fois dans ma plate et triste vie.

La plainte de l'appareil cubique me raccroche à la réalité. Je sors la tasse, brûlante. J'en bois le contenu -tout aussi brûlant- d'une traite.
Bon, il est temps de retourner dans mes draps froissés, redevenus froids par l'absence de ma chaleur corporelle.

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Assise à la table ô si familière de la cuisine, je divague en avalant mon pain roussi.
Tiens, je ne pense pas avoir connaissance de poèmes sur le petit-déjeuner. Il faudra que je pense à explorer ce sujet quand le temps me sera favorable.

-Carla, tu es encore en train de te prendre pour une poétesse victorienne ?, interromp ma génitrice.

-Peu importe. Ne puis-je point penser comme bon me semble, À ma propre table de plus ?

-Eh bien c'est plutôt ma table et celle de ton père, vu que nous l'avons achetée mais soit... Tu sais que tu as vraiment un air dépressif quand tu fais ça ?

-La vie n'est pas de joie, mère. Ainsi m'en vais-je écouler mes tracas dans cette cabine à pluie qu'on appelle "douche"., dis-je en me levant brusquement.

Ma mère a un petit rire. Il est vrai que j'ai parfois tendance à exagérer, mais ça la fait toujours sourire.

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Vêtue de mon haut de laine et de mon pantalon de velour, j'observe mon reflet dans la glace de la salle de bain.
Mon attention se porte sur mes lèvres, plus pâles que jamais. Si j'avais un tant soit peu plus de courage et un tant soit peu moins de dignité je les aurais peintes de noir. Las ! J'eu porté ce cher rouge (ou plutôt noir) à lèvres Halloween dernier, et il m'eut valu de bien négatives critiques de mes camarades. Il en fut de même pour mes boucles d'oreilles chauve-souris.
N'y a-t-il point plus pathétique que de coller de fausses étiquettes aux individus osant exprimer leur personnalité ?
Besace à l'épaule droite, bottines vernies chaussées, je redescend la volée de marches me conduisant au hall, dans lequel ma mère m'attends, sans doute.

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Arrivé-je ainsi au niveau le plus bas de l'enfer : le lycée.
Les feuilles virant un peu plus aux tons dorés chaque jour valsent dans le vent et les gouttelettes tombent du ciel comme un fin rideau de perles. Au moins la météo poétique me réconforte quelque peu.
Je me faufile entre les attroupements dispersés sur le bitume humide, pour retrouver la supposée file attendant le professeur.
La direction semblant me détester, oui, moi personnellement, a décidé de nous faire entamer la semaine par 2 heures de mathématiques. Joie bonheur. Notre cher professeur et titulaire, Mr Fabbrizi, ne nous fait point attendre, il nous mène dans le bâtiment froid et délabré dédiés aux secondes au pas de course.

Installée comme à mon habitude, c'est à dire seule à ma table, mon sac comme seul compagnon, mes doigts effleurent mon cahier de math dans ma besace lorsque mes yeux se posent sur une fille aux cheveux dorés se tenant aux côtés de Mr Fabbrizi.

-Ah oui, voici Mae O'Brien, elle a changé de classe et sera donc maintenant avec nous, merci de bien l'accueillir ! Mae, il reste une place libre à côté de Carla, si ça ne la dérange pas tu pourrais t'asseoir à côté d'elle, elle répondra à tes questions si besoin !

Je ne daigne commenter la proposition de notre professeur et libère la chaise à ma gauche pour toute réponse. La dite Mae vient s'y installer sans délicatesse, et pourtant avec toute la grâce du monde, et m'adresse un faible sourire.

Je n'ose laisser mes yeux sur elle trop longtemps, respirer trop fort, cligner des yeux, de peur que le moment ne glisse entre mes doigts et se fasse emporter par la brise d'automne.

Étrange.

Roses, red like my bloodWhere stories live. Discover now