Je ne peux pas bouger

9 1 0
                                    

Je n'ose pas me lâcher en cours de chant, je reste immobile, à cause d'un sentiment de pudeur que je ne ressens généralement pas par rapport à mon corps, mais que j'ai pu ressentir juste après que M**** m'ait forcée. Me rhabiller a été ma première impulsion, que je n'ai pas mise à exécution. Je ne pouvais pas vraiment bouger, je ne savais pas quoi faire, j'étais perdue. Et au moment de l'agression, trop bouger, c'était m'exposer à une encore plus grande douleur. C'est aussi un même sentiment de gêne que j'ai éprouvé lorsque C***** ou N** me touchaient devant tout le monde, ou G*****, même si nous n'étions qu'entre nous. Idem, je ne pouvais pas bouger. Ce n'est pas tant que mon corps ne répondait plus, même si cela a pu arriver : c'est qu'aucune réaction spontanée ne me semblait faisable. Absolument inenvisageable. J'aurais pu répondre à G*****, comme cela m'est venu tout de suite en tête : « Ben, qu'est-ce que tu fais ? », ou « tu peux arrêter, s'il te plaît ? » : mais non, c'étaient des réponses trop directes, trop irritées, alors qu'il était « gentil ». Objectivement, son geste n'était pas si déplacé que cela : montrer mon dérangement, c'était montrer que je percevais, ou croyais percevoir, l'intention sexuelle. C'était l'accuser peut-être à tort. Et/ou le vexer.

Le 13 mars 2021, après avoir reçu des résultats de concours blanc, j'ai pleuré tout l'après-midi. Je n'étais pas bien depuis quelque temps déjà. « C'est comme avoir très mal quelque part longtemps sans que rien ne puisse soulager », écrivis-je. « Ah, maintenant, je connais ! », m'étais-je dit, avec ma douleur chronique au dos depuis plus d'un an. « Tiens, pourquoi ai-je écrit ça alors que je ne connaissais pas, à l'époque... oh... si. » Ce devait être quelques jours ou semaines après que M**** m'ait forcée. Je me souviens y avoir pensé. Je sais que c'était un moyen d'en parler, de l'évacuer, mais en même temps j'étais persuadée évoquer en cela ma dyspareunie, persuadée que j'étais la source du problème. Mais c'est bien cette pénétration non consentie qui m'avait choquée, terrorisée sur le moment et assombrie par la suite. Comment ai-je pu être à la fois si consciente et si inconsciente du véritable problème ? Comment ai-je pu me convaincre que ce n'était rien tout en sachant que j'avais besoin d'en parler ?

La douleur au dos s'est calmée en semaine. Amélioration notable et réjouissante qui semble tenir du miracle ! Mais dès que je suis aux claquettes, dès que je bouge, j'ai atrocement mal. Je ne peux pas bouger.


You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Apr 17 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

Je ne peux pas bougerWhere stories live. Discover now