L'enfant à la cicatrice

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Cela faisait plus de vingt ans que j'avais déserté cette maison, et depuis ce jour-là, des torrents semblaient être passés ici à chaque saison. Devant moi se dressait une porte lourde, infinie, sombre et sévère, sur ce bois écorché, aucun signe de vie n'apparaissait.

Des rayons faibles me caressaient la nuque, m'intimant de reculer, les ténèbres se mêlant à la lumière, rappel du libéré. Je la poussais, mais si faiblement que peut-être je la repoussais, comme un fléau, le souvenir étrange d'une nuit horrible, d'un cauchemar étouffant.

Je me souvenais de tous ces textes que j'écrivais, sur ces pages ruisselantes, saignantes, de ma plume pesante et hasardeuse, de mon encre d'enfant, de mes mots presque plus mélancoliques que je ne l'étais. J'écrivais comme j'avançais dans la vie, maladroitement, sur une jambe, avec une lourde tare m'écrasant le dos, regardant frénétiquement autour de moi comme pour me convaincre que j'existais.

Un poète digne est un poète qui cicatrise mal. Je préférais me noyer dans les mots que de me brûler à vivre. Chaque instant, j'attendais ce jour. Ce chemin de croix vers ce passé inconnu. Toutes ces pages noircies pour me connaître. Tous ces mots pour décrire l'impossible. Ce néant noir et étouffant pour fuir le vide absolu de mon existence.

Je me libérais de cette porte en la fuyant vers cet intérieur, et je voyais ce qui m'attendait depuis toutes ces années. Ce temps comme une prison. J'avais passé ma vie sous une cascade. Entre la frayeur et les hallucinations, je valsais dangereusement, de mal en pis, d'un visage inanimé à mon propre reflet, comprenant assez vite que tout mourrait contaminé de cette folle maladie.

La condamnation de l'enfant du vide, de l'absence de tout, d'amour et d'envie, un puit sans fin de désespoir. Les nuages devant les yeux, la tempête dans le cœur, je m'exécutais toujours plus fort dans cette lutte contre ce besoin viscéral de vivre. Mon cœur faisait un bon en le comprenant à cet instant. Il y avait devant moi, à quelques pas à peine, la triste réalité, mon foyer calciné. Mon espérance avortée. Sans raison, ni jugement ou compagnon. Un enfant était mort dans cet enfer. Et pendant vingt ans, à chaque expiration, il mourrait encore plus fort.

Lowsleeperr.

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