Je me précipite à l'extérieur de notre maison familiale immédiatement après m'être assurée que mes parents dorment assez profondément pour ne pas m'entendre sortir en douce. Aussitôt la porte refermée derrière moi, le froid glacial de l'hiver me frigorifie et le vent me fouette le visage avec violence, accompagné de quelques flocons givrés. La neige crisse sous mes pas rapides et je m'efforce de faire attention à ne pas tomber en glissant sur les plaques de verglas ici et là. Mon souffle se fait court au fur et à mesure de mes pas précipités et l'air sec de l'hiver n'aide en rien. Je ne regarde pas derrière moi, je fixe seulement ma destination qui se rapproche peu à peu. La forêt de sapins recouverts de neige se dresse fièrement devant moi lorsque je suis enfin arrivée à l'orée de celle-ci. Je zigzague entre les arbres tout en m'éloignant le plus possible du petit village où j'habite depuis que je suis née. Je n'ai jamais vraiment eu d'amis parmi le peu d'habitants qui peuplent le village. J'ai déjà vu quelques uns des adolescents du quartier dans les couloirs du lycée mais je ne leur ai jamais adressé la parole. Juste quelques regards furtifs dans leur direction pour essayer de mieux les cerner. Mes jambes sont engourdies par le froid et le chemin forestier se fait de plus en plus pentu le long de la montagne. Une fois que je me sens assez loin pour que l'on mette du temps à me retrouver, ou pour que l'on me retrouve jamais, ce qui me conviendrait parfaitement, je pose mon sac sur un rocher recouvert d'une mousse verdâtre durcie par le froid. J'en sors une corde et je prends soin de vérifier autour de moi que personne ne se trouve assez proche pour pouvoir me voir. Même si je doute fortement qu'il y ait des promeneurs en pleine nuit d'hiver par ce froid glacial et ce vent tempétueux. Je commence à nouer la corde autour d'une branche qui m'a l'air bien assez solide pour supporter mon poids. Une fois les
multiples noeuds terminés, je me hisse sur une pierre et place ma tête dans l'anneau de la corde. Je ne pleure pas, je n'ai pas peur, je suis plutôt soulagée d'enfin pouvoir trouver la paix. Je m'apprête à enlever mes pieds du rocher afin de pouvoir rejoindre le paradis lorsque je sens deux bras musclés m'entourer la taille avec force. Je hurle de stupeur, j'étais pourtant persuadée qu'il n'y avait personne aux alentours.
–Tais-toi on va t'entendre jusqu'au village si tu continues de hurler comme ça.
La voix de mon sauveur, ou plutôt de l'homme qui vient de me pourrir encore plus la vie en m'empêchant d'y mettre fin parvient à mes oreilles et m'apaise immédiatement. Elle est profonde et très grave, teintée d'émotions indéchiffrables. L'inconnu me soulève afin de me déposer sur le sol avec douceur. Il s'assoit dans la neige à mes cotés et je m'autorise enfin à le regarder. Il est grand et son visage est emmitouflé dans une grosse écharpe en laine. Je ne perçois que ses yeux, d'un vert émeraude que n'importe qui voudrait contempler, et quelques mèches de ses cheveux foncés s'échappant de l'écharpe. Il me regarde avec stupeur, comme si j'avais tué quelqu'un. Il n'a pas tort car j'étais à deux doigts de mettre fin à mes jours.
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ne pense plus à mourir
RomanceDeux adolescents aux cœurs brisés en mille morceaux par un début de vie difficile vont apprendre à apprécier la vie qui leur est offerte en arrêtant de vouloir y mettre fin.