La nouvelle histoire de Cendrillon.

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Mon prénom était Lyra, mais tout le monde me prénommait Cendrillon. J'étais la princesse d'un très grand royaume et tout le monde souhaitait me voir mariée au plus vite. Il est vrai qu'une princesse mariée est fort plus utile au peuple, mais je ne désirais point me fiancer. Il s'agissait d'un engagement que je ne me sentais pas prête à assumer ; pour moi la vie ne devait pas se résumer à recevoir des prétendants et à signer d'ennuyeux papiers. Je n'avais pas le droit de sortir du château sans escorte et je commençais à me lasser de cette prison dorée. J'étais une jeune femme aventureuse et rêveuse, je voulais parcourir le monde, découvrir les trésors des océans et frôler de mes pieds des terres inconnues. Malheureusement pour moi, mon père veillait à ce que je sois placée sous surveillance constante pour que je respecte mes obligations. La vie était triste et monotone, la routine m'envahissait un peu plus chaque jour et je ne supportais plus de devoir refreiner mes envies les plus folles. J'étais épuisée de devoir faire des courbettes devant les grands rois, de devoir feindre des sentiments pour de jeunes princes écervelés et d'abandonner mes doux rêves derrière moi. Tout le monde me mentait pour me séduire et m'emporter dans une autre cage dorée. Je ne voulais pas d'un prince qui finirait par me capturer lui aussi, j'étais tombée amoureuse de la liberté.

Malheureusement je vivais à une époque où les femmes devaient respecter leurs devoirs envers les hommes. En tant que princesse, j'avais au moins la chance infime d'être respectée, mais tout cela était dépourvu de sens pour moi. Je voulais déchirer mes belles robes pour enfiler des pantalons trop grands, je voulais couper ma longue chevelure pour pouvoir me déplacer plus facilement dans la forêt, je voulais arracher ces somptueux bijoux de mon cou pour pouvoir m'aventurer à l'extérieur sans craindre de les abîmer. Mon père me répétait sans cesse que je n'étais pas le genre de princesse qu'il espérait que je sois, mais je ne m'en excusais pas. Je souhaitais simplement retrouver la pureté de la vie, abandonner mon corset trop serré pour le troquer contre un chemiser plus ample.

Alors un jour je suis partie.

J'ai tout plaqué, j'ai laissé ma vie de princesse derrière moi pour m'enfuir dans la nature. Je voulais aller à la rencontre des gens et vivre simplement, loin de l'abondance et des déviances royales. Ma fuite n'avait pas été de tout repos, il m'avait fallu organiser tout un tas de choses et prendre contact avec mes quelques fidèles amis. Ceux-ci avaient finalement réussi à me faire sortir du château en toute discrétion pour ne pas éveiller les soupçons. J'avais ainsi pu me faufiler hors des murailles afin de rejoindre la monture qui m'attendait. Il s'agissait d'un magnifique cheval au port de tête majestueux, avec une musculature incroyable. Ses veines ressortaient et je pouvais presque distinguer le sang qui tambourinait dedans, comme s'il était prêt à s'échapper violemment. Je montai sur son dos et salua une dernière fois les deux domestiques qui avaient accepté de me venir en aide. Une petite pression sur le flanc de l'étalon le fit partir au grand galop, et je le laissais m'emporter loin de cette vie. Je voyais défiler les paysages, ils se succédaient à une vitesse inimaginable. Mes yeux ne pouvaient pas tout distinguer, mais je tentais de retenir le maximum d'images, pour pouvoir me les projeter mentalement si l'on me rattrapait. Je ne savais pas où j'allais, ni même si je reviendrais un jour chez moi ; tout ce que je me demandais c'était de savoir si quelqu'un serait ou non capable de me traiter d'égal à égal.

Mon voyage à travers le monde a duré des années entières, mon royaume ne me manquait point mais je commençais à rechercher une certaine stabilité. J'avais visité les pays d'Orient et vogué sur les mers déchaînées, j'avais connu la faim et la peur, j'avais dormi sur des lits de feuilles et d'humus. Maintenant que j'étai devenue la femme libre et aventureuse que je souhaitais être, il me fallait trouver un endroit où vivre comme je l'entendais. Une terre où je pourrais m'établir sans craindre d'être emprisonnée de nouveau. Ces dernières années j'avais rencontré un charmant jeune homme, il était un peu comme moi dans le fond. Il était le fils d'un puissant seigneur et était censé prendre sa suite ; mais lui aussi s'était échappé pour vivre sa vie. Nous étions devenus de très bons amis et il me semblait que j'avais enfin trouvé une personne digne de confiance, à qui je pouvais confier mes peurs et mes angoisses. Nous pensions être capables de vivre loin des responsabilités et des impératifs ; mais nos conditions nous ont rattrapées bien plus vite que ce que nous imaginions. Son père l'avait retrouvé et l'avait fait pendre pour trahison. En amie sincère et dévouée, j'étais moi-même présente lors de son exécution. Je n'ai pas détourné la tête lorsque son souffle s'est arrêté, et j'ai au contraire versé une larme en hommage à cet homme mort pour sa liberté. Je l'admirais mais j'étais de nouveau seule et livrée à moi-même.

Sa mort n'avait pas fait que m'attrister, depuis ce jour je ne dormais plus la nuit, de peur que les gardes de mon père viennent me chercher pour me faire subir le même sort. Tout ma vie, j'avais lutté dans l'espoir d'un jour prendre mon envol ; et maintenant que je planais haut dans le ciel, j'avais la crainte de devoir revenir sur terre. Alors je continuer de fuir et de voyager à travers le monde. Je découvrais tous les jours de nouvelles contrées et de nouveaux lieux à chérir, je continuais de croire que tout finirait par s'arranger un jour. Je ne ressemblais plus à la jeune et belle princesse qui avait quitté son palais des années plus tôt, j'étais devenue un spectre, une femme sombre et terrifiée, menottée par ses remords.

Je savais enfin pourquoi je ne pourrais jamais être libre : la peur de retomber dans la passivité et l'angoisse d'être reconnue ou retrouvée me hantaient. Mon corps était libre mais mon esprit qui aspirait autrefois tant à s'unir à cette nature sauvage et dangereuse sentait qu'il était toujours emprisonné dans la salle du trône de mon palais. Je ne pouvais nier ma condition : j'étais née princesse. Peut-être la vie m'avait-elle aidée à comprendre que ma place était parmi les miens, assise une couronne sur la tête, à sourire à mon peuple et à encourager mon roi. Moi Cendrillon, je n'étais plus qu'une princesse déchue qui avait abandonné son destin pour une réalité plus dure que réjouissante. J'avais perdu mon prince dans cette quête de liberté et j'étais condamnée à rester seule et malheureuse jusqu'à la fin de mes jours...

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⏰ Last updated: Nov 26, 2016 ⏰

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