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C'était une ville salie par le désespoir, peuplée de drames et de vies, puant la misère et la détresse. Des grattes-ciel faisaient de l'ombre à la foule grouillante de gens affairés, costumés de gris. Des klaxons bruyants égayaient le brouhaha des pas, cris, sonneries et ronronnements de moteur. Et au centre de cette cacophonie, une ruelle. Une ruelle sombre, coincée entre deux immeubles anodins, semblable à tant d'autres ruelles. Pourtant, sur le sol sale et crasseux, le léger clapotis du sang qui se répand fit fausse note dans cette symphonie familière.

Léchant délicatement le liquide vermeil qui maculait mes lames, je les dissimulais une à une dans leur gaine adaptée. Mon travail accompli, je m'assurais d'être dissimulé par les poubelles malodorantes qui encombraient le chemin. Mais la vie urbaine ne laissait pas place à la curiosité et aucun passant ne vînt m'interrompre.

Contournant le cadavre avec précaution, je contemplais ma nouvelle victime. La mort avait recouvert ses yeux d'un voile blanchâtre, ses pupilles écarquillées face au ciel. Son habit cendré était constellé de taches écarlates, conséquence de l'entaille qui barrait sa gorge.

Bien qu'il se soit égosillé durant des heures jusqu'à que sa voix en devienne rauque, désormais son chant ne me dérangera plus.

Je savais parfaitement que personne ne le pleurerais, après tout ce n'était qu'un de ces innombrables pigeons arrivant de la campagne et qui pullulaient dans les bas-fonds de la cité.

Au moins celui-ci aura servi à quelque chose puisqu'il avait contenté ma faim.

Mais si les quelques heures de son supplice avaient apaisé ma soif de sang, l'envie revenait plus forte que jamais. Déjà je sentais vibrer en moi l'appel de la chasse.

Il n'avait été que le premier d'une longue série, bientôt toute la ville sera recouverte de cadavres.

La TraqueWhere stories live. Discover now