Le chant de la guerre

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Dans cette ville abandonnée, là où tout semblait vide de vie, une chanson retentissait parmi les vestiges des maisons.

La voix fluette ne s'accordait pas avec le décor dévasté. De loin, on pouvait confondre les habitacles détruits à une fourmilière désertée.

Une petite fille aux yeux gris chantait à tue-tête la mélodie qu'avaient fredonnée les soldats quand ils étaient arrivés dans cette ville. La brunette se souvenait ainsi des promesses qu'ils avaient criées aux habitants : celles de tous les sauver, celles qu'il n'y aurait rien à craindre et celles qu'ils allaient gagner la guerre.

Ses jambes maigrelettes se balançaient au-dessus de la mer, cette eau maudite d'où l'ennemi les avait détruits. Elle semblait si insouciante comme si rien ne s'était produit, comme si ce petit être n'avait pas été abandonné.

La gamine fixait la mer : le rivage était teinté d'un rouge sang, celui des nombreux cadavres qui flottaient au gré des vagues. Peut-être qu'elle aussi tomberait dans l'eau, inanimée et dévorée par la faim et la soif.

Comme tout le monde, elle avait été bernée. Elle avait pensé que cette guerre était pour "la bonne cause" alors que le gouvernement s'ennuyait de cette paix monotone et avait préféré guerroyer en l'honneur de leur égoïsme.

Comment une chose si fragile pouvait contenir autant de haine ? Elle détestait les soldats qui l'avait bercée avec de belles illusions, l'ennemi qui voulait réduire son monde en cendre, les hommes politiques qui avaient provoqué la mort et à l'univers entier qui l'avait oubliée en la laissant seule dans la noirceur.

Pour le monde, elle était inexistante comme les raisons qui avaient mené à ce désastre.

Elle se remémorait sans cesse des paroles imposantes du gouvernement qui était sorti de la radio qui grésillait, ils promettaient un monde idéaliste, qui s'est avérée n'être qu'une utopie. La petite aussi, elle avait rêvé de cette Terre où tout irait bien : un endroit fait de joie et de sourires. Mais ce lieu consumé par le passé n'avait été créé à partir de mensonges, de colère et de trahison.

La gosse avait ouvert les yeux sur la perfidie de l'humanité envers qui elle avait perdu toute lueur d'espoir. Pour elle, l'intelligence humaine était un fleuve bloqué par un barrage et dont l'eau souillée refléterait les ténèbres de l'âme.

Les coups de canons et de fusils retentissaient toujours dans sa tête comme s'ils étaient encore là, emmêlés dans une guerre infinie.

Les derniers instants avec sa mère la torturaient sans répit. Cette journée-là où pour la dernière fois, le postier était passé car il allait fuir la ville et la guerre. Il avait remis une lettre à l'innocente. Elle avait accouru vers sa mère, le message en évidence : cela avait été la première fois que cette famille recevait un courrier depuis que le père était parti au front.

Hélas, dans cette enveloppe, il n'y avait eu que la mort. Sa mère avait arraché l'étui de la lettre, pleine d'espoir qu'elle vienne de son mari. La femme s'était plongée dans la lecture perdant peu à peu le bonheur. Au dernier mot du message, elle s'était effondrée comme si on l'avait privé de tout ce qu'elle avait été.

Se noyant de la haine et la tristesse, la mère avait déchiré la lettre comme si cela aurait permis à son mari de revenir à la vie. Elle s'était relevée, vide et indifférente au monde. Elle avait ignoré les cris de désespoir de sa fille. Elle était devenue telle une morte. Cette femme avait essayé un temps d'être vivante mais ses efforts l'entraînaient vers la noirceur et le néant.

La mère avait fini par choisir une corde et tabouret à la vie et sa fille. Elle avait laissé à sa descendance qu'une maison en ruine, victime des bombardements, des vases brisés par les secousses, des objets poussiéreux et un passé calamiteux tenu par quelques fils d'espoir.

La gamine continuait à chantonner alors que le monde semblait s'écrouler autour d'elle. La fin de la mélodie signifierait sûrement la disparation des rêves dans ce lieu calme mais qui cachait un passé effrayant.

Elle se rappelait aussi des cris. Alors qu'elle était terrifiée sous sa couette bouffée par les mites, des hurlements à vous rendre sourds avaient résonné dans cette ville. Et le lendemain une odeur nauséabonde avait fait régné une règle : "pas de repas sinon nous nous allons vomir à la vue des cadavres". Mais certaines élévations de voix avaient persisté dans le petit hôpital et des soldats en étaient sortis défigurés tel que leur image n'avait plus rien d'humain, d'ailleurs la petite s'interrogeait sur la signification du mot "humanité".

Dans le dictionnaire, ce mot était synonyme de "bonté", mais pour la gamine, cela ne relevait qu'une espèce d'ego surdimensionné de l'homme. Ah ! Ces humains ! Pour elle, ils semblaient n'être que de vils personnages, des monstres qui se cacheraient sous une apparence bienveillante. Elle le savait, elle aussi, elle était humaine et elle se préparait à ressembler à ces horribles créatures.

Sincèrement, elle n'avait jamais eu peur "des monstres sous le lit" mais ce qu'elle craignait, avait l'air d'être ces hommes et ces femmes qui se penchaient en dessus de son duvet pour lui souhaiter bonne nuit. Et si le véritable cauchemar n'était pas un état de sommeil mais la réalité ?

La chansonnette se termina emportant avec elle les dernières notes de l'espoir et l'innocence de la petite fille.

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Voilà une petite histoire courte :) J'espère qu'elle vous a plu malgré que ce soit triste :'(

J'espère juste de ne pas vous avoir bousillé le moral ^^

Donc, je remercie @KatEls qui m'a donné envie d'écrire ce récit et à @fashion97420 pour m'avoir donné son avis avant que je publie :3

Le chant de la guerreWhere stories live. Discover now