Mémoire Artificielle

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JOUR 1 - MATIN:

Eveil. J'ai mal; ma tête me fait souffrir plus que de raison, et j'en ignore la cause. Pour être honnête, cette douleur est également accompagnée d'une puissante nausée. J'essaye de me lever, et je tombe sur le sol de ma chambre. Je régurgite immédiatement tout le contenu de mon estomac; c'est plus de la bile que du réel vomi mais l'odeur âcre n'en reste pas moins immonde. Je me retrouve perdu; je n'ai pourtant pas bu la moindre goutte d'alcool la veille. Du moins je ne crois pas... Je reste sans forces, couché au sol à côté de ce que mon corps vient tout juste de rejeter. Au bout d'un temps indéterminé - qui me parait relativement long - , je trouve l'énergie nécessaire pour me relever sur mes jambes.

Je rejoins tant bien que mal la salle de bain, me soutenant à l'aide des murs sur mon chemin. Me maintenant debout grâce au lavabo, je m'observe dans la glace: je suis extrêmement pâle. Je prend ma température avec un thermomètre... 39,4°C. Je suis beaucoup trop malade pour sortir. Je décide donc de m'emparer du téléphone le plus proche pour appeler ainsi que prévenir de mon absence toutes les personnes que je devais rencontrer aujourd'hui. Ma tâche faite, je retourne me coucher. Au bout de quelques minutes, je reprend l'appareil téléphonique en main et compose le numéro de mon médecin. Après un quart d'heure de discussion, nous fixons un rendez-vous chez moi pour quelques heures plus tard dans la journée.

Je m'assoupis.


JOUR 1 - APRES-MIDI:

La sonnette de la porte me réveille. Je surgis hors de mon lit, pris d'une étrange poussée d'adrénaline. Trop rapide: je me prend le mur, tenant mal sur mes jambes. Je me rattrape malgré tout in extremis avant de chuter, et arrive à la porte pour enfin l'ouvrir.

Le docteur, après l'auscultation, me prescrit du repos pour, je cite, "laisser cette vilaine grippe passer", avec en plus des gélules de vitamine à prendre régulièrement. Mais je pense qu'il me ment, ou du moins qu'il ne me dit pas tout. Pourquoi cela? Il semble extrêmement soucieux, mais uniquement depuis la fin de la consultation; il semble soupçonner quelque chose mais ne me dit pas quoi. Et je n'ose lui demander. De plus, on ne fait pas de prise de sang à envoyer à un laboratoire d'analyse pour "une vilaine grippe".


JOUR 13:

Deux semaines ont passé. Mon état ne s'améliore pas.

Le téléphone sonne, c'est le médecin. Pendant qu'il me parle, j'ai la désagréable impression que le temps s'arrête de s'écouler autour de moi; et ses mots... ils se répètent encore et encore dans mon esprit. Il me dit des choses horribles. Mes anticorps ont presque disparu. Mon organisme ne sera plus jamais protégé des maladies, et rien ne les empêchera de me ravager de l'intérieur. Ce que je porte en moi n'est pas une simple mise à mort mais quelque chose de plus subtile et de plus cruel: c'est un compte à rebours, inarrêtable, semblable à un douloureux et long poison.

Je vais mourir. Je ne suis qu'un faible mortel. Et je n'ai rien fait de ma vie. Je ne pourrai jamais guérir car in n'y a pas de remède.

Mais je le refuse. C'est inacceptable! Je serai immortel, quel qu'en soit le prix!


JOUR 47:

Mon projet avance. Mes collaborateurs sont doués. Je viens les voir chaque jour et chaque jour notre plan avance.


JOUR 82:

*BLACK-OUT*


JOUR ???:

Une conscience s'éveille. Elle ne sait pas ce qu'elle fait là, qui elle est, et encore moins à quelle époque elle se trouve. Son "regard" se baisse. Elle ne trouve pas son corps. Elle désire crier son horreur de tout ses poumons, mais elle n'a pas de bouche, et elle n'a pas non plus de poumons d'ailleurs. Elle relève, affolée, ses "yeux" pour essayer de comprendre, et découvre son environnement. L'esprit se trouve dans une salle rectangulaire aux murs peints en blanc, au sol peint en blanc, au plafond, aussi, peint en blanc. Et, au centre, une énorme machine métallique grise. L'être incorporel s'avance vers cet étrange objet.

La machine parle avec un homme en blouse blanche. L'homme l'interroge sur qui elle est, et elle se nomme. La conscience connait ce nom. Le scientifique continue son interrogatoire. Autre question, autre réponse. Chaque réplique de la machine apporte un nouveau fragment de mémoire à la conscience. Cette dernière souffre horriblement à chaque phrase, chaque mot, chaque lettre.

Ce nom est le sien et c'est Elle qui a commis cette folie. Cela ne devait pas être ça! Pas... cette chose! Et voici ce qu'essaye en vain de crier la conscience:

"TU PENSE ÊTRE MOI MAIS TU NE L'ES PAS! TU DEVAIS ÊTRE UNE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE OFFRANT L'IMMORTALITÉ A MON ÂME MAIS TU N'EST QU'UNE MÉMOIRE ARTIFICIELLE!!!"

Les Chroniques du RêveurWhere stories live. Discover now