Sois belle et tais-toi

Hiver

                                                                       New-York, le 19 Décembre 2013.

Ce jour-là, je la vis pour la première fois. Comme sortie d'une autre époque, d'un autre monde, elle traversait le hall de l'université, ses cheveux blonds retombant en cascade sur ses épaules au gré de ses pas. Un pas pour le moins énergique. L'on pouvait entendre ses talons claquer furieusement le marbre de la prestigieuse université. Elle passa à côté de moi, laissant traîner derrière elle une délicieuse odeur de bonbon à la violette. J'avais à peine eu le temps d'apercevoir son visage tant sa démarche et son assurance avait capté toute mon attention. Je la suivais du regard, franchissant les portes de la faculté, entrant dans le New-York bruyant enveloppé de neige. Je contemplais ses cheveux qui dansaient sauvagement dans son dos, les flocons de neige s'y mêlant délicatement.

C'était il y a neuf mois. Neuf fois dévastateurs, intenses. De quoi créer une nouvelle vie, ce que nous n'avons pas fait. Bien au contraire.

Ma main s'était doucement pressée sur ma pochette de cuir, celle qui contenait mon polaroid. J'aurai aimé pouvoir capturer cet instant, cette beauté naturelle et sauvage, ce charme insensé qu'elle dégageait. J'aurai aimé capter l'essence même de ce moment.

A partir de là, elle était devenue mon obsession. Le mot est faible au vu de ce que je ressentais à l'époque. J'avais un travail de fin d'études à rendre pour le mois de Mai. J'avais tenté divers axes pour mon travail, la nature, les saisons, les expressions du visage, mais il manquait quelque chose, je trouvais tout cela fade, plat, sans aucune âme. Mais dès lors que je l'avais vu passer, j'avais su sur quoi porterai mon projet. Oui, ce serait un mélange de tous ces thèmes que j'avais trouvé creux, mais il y aurait cette fille particulière au centre de tout cela. Elle serait l'âme de mon travail.

L'idée me fit doucement sourire. Je me souviens avoir suivi les pas de cette jeune-femme, sous la neige, appréciant chaque flocon qui s'échouait et fondait sur ma peau brûlante de désir.

Nous allions attaquer la pause de Noël et j'avais croisé la route de cette bohème. Tout ce que j'espérais alors, c'était pouvoir un jour l'approcher et me saisir de ce qui faisait d'elle un être si spécial.