Sans titre connu

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I

Dehors brillait un jour rouge blafard. La lueur vermeille morne me tomba d'aplomb sur le visage que j'essuyai inconsciemment, comme si c'était du sang qui m'éclaboussait sans trêve aussitôt que je sortisse de ma maison.

Je me trouvai dans la rue, en train de chercher désespérément quelque chose, néanmoins sans bouger d'un pouce . Je cherchai encore, des yeux au moins, ce que j'espérais trouver, ce qui m'était encore inconnu.

Quelqu'un m'approchait lentement. Je crus distinguer un visage familier qui s'est avéré être celui de mon ami , dont j'oubliais toujours le nom.

Et puis je me trouvai assis , en train de siroter un..cette boisson chaude dont j'oubliais toujours le nom ,dans une cafétéria comme toutes les autres, bourrée de gens dont l'existence ne me disait rien et dont le bourdonnement me berçait d'une délicieuse lassitude oisive.

Je m'efforçais de savoir pourquoi le bourdonnement lointain semblait être plus intéressant que ce que mon ami me racontait, quelque chose à propos d'un corps insolite qu'il a trouvé parmi les débris d'un bâtiment et qui l'intriguait. Le soleil éclatait sur les vitres et brillantait en diable le visage de mon interlocuteur qui prenait des dimensions difformes et hors de proportion tant il était excité ce qui ne m'intéressait pas plus que la souffrance que cette lumière rouge m'infligeait en embrasant tout d'une façon lente, presque sensuelle sans pour autant réduire quoi que ce soit en cendres.

Je tendis ma main afin d'essuyer la vitre ensanglantée par l'éclaboussure répugnante du soleil maudit , mais je m'arrêtai presque aussitôt , s'étant rendu compte que rien ne pourrais l'essuyer.

II

Nous étions trois: mon ami qui n'a jamais eu de nom, mon autre ami Georges, ou Pablo; je n'en étais pas sûr ;et moi .Nous contemplions ensemble le corps singulier qui gisait misérablement sur une table. Je me suis rendu compte de la présence de la table pour la première fois ce jour là, nonobstant qu'elle s'est tenue dans là pendant 8 ans, ou 18 ans. Peu importe. Le corps étranger nous captivait, consommant goulûment notre attention jusqu'alors fugitive et éparse. Je fus le premier à daigner le toucher.

C'était doux, comme cette chose qu'ils utilisaient pour s'essuyer après chaque défécation...comment ça s'appelle-t-il? Ceci m'échappait comme tant d'autres choses ,non moins que le verre qui se tenait toujours devant moi, attendant que j'eusse soif, pour me trahir à chaque fois en dérobant l'eau que j'y versais quelque part entre ma bouche et la transparence trompeuse de l'air. Je versais toujours de l'eau dans ce verre, mais n'y trouvais rien. Ceci m'a tellement ennuyé que, chose rare, j'ai demandé l'avis de mes deux amis. Georges disait que le verre apparaissait ne rien contenir car il était déjà plein, l'autre ne disait rien, faisant le taciturne. Ceci m'importait peu pourtant, vu que je m'assoiffe rarement.

Et puis il y avait Freo. Tout le monde la daubait , sa tête étant un peu fêlée, sa nature opiniâtre et absolument incompréhensible. Elle était une sorcière dans le sens le plus concret et vil du mot ,se mêlant de diableries qu'elle appelait "savoir lire", ce qui était fort raisonnable, car un bout de carton ne pourrait jamais "dire des choses" comme Freo le prétendait .Il y a bien longtemps que je ne l'ai pas vue ,ce qui n'était pas inaccoutumé d'autant qu'elle disparaissait régulièrement telle une recluse.

Je ne savais pourquoi le corps me la rappelait. Toutes ces pensées m'engageaient dans un cercle vicieux duquel je ne pouvais sortir qu'après trois jours. Je demeurais assis devant le corps qui semblait apaiser la cruauté meurtrière de la rougeur de la lumière que les rideaux , quoique épais, n'arrivaient pas à adoucir. Un rapport invinciblement fugitif existait entre Freo et ce qui continuait toujours à exister sur la table . Ce corps mort s'obstinait inébranlablement à exister, à vivre et à emplir l'espace d'exhalaisons nostalgiques , révélatrices et de surcroît tellement denses qu'elles obnubilaient tout: les meubles, l'insignifiance morne de mon être et de celle du monde extérieur.

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⏰ Last updated: Nov 04, 2017 ⏰

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FréoWhere stories live. Discover now