Et si... ?

1K 49 54
                                    

Marinette se tenait accoudée à son balcon, la tête entre ses mains, tentant vainement de contenir les tremblements qui parcouraient son corps. Elle fermait les yeux tout en inspirant profondément, pour les rouvrir aussitôt d'un air paniqué, ses pupilles cherchant fébrilement un détail auquel se raccrocher pour effacer les images qui continuaient de s'imprimer malgré elle sur sa rétine. Mais elles revenaient sans cesse, et ni les toits infinis de Paris, ni les nuances fruitées du ciel, ni les conseils rassurants de Tikki ne parvenaient à les chasser. C'était impossible. Elle ne pouvait pas espérer qu'elles s'enfouiraient sagement tout au fond de sa mémoire, acceptant de la laisser respirer, alors qu'elle avait aujourd'hui évité le pire. De peu. Si peu. C'était intolérable. Cela avait failli arriver, et cette pensée était une torture. Savoir qu'elle avait été si près de...

Un sanglot la secoua, puis un autre, et malgré ses efforts pour reprendre le contrôle, elle sentait qu'elle perdait pied tandis que les larmes laissaient des traînées brûlantes sur ses joues. Tikki, impuissante, observait sa partenaire craquer sous l'assaut de la peur et de l'horreur qu'elle avait ressenties plus tôt dans la journée et qui revenaient la tourmenter, Parques cruelles qui s'acharnaient sur leur victime, refusant de la laisser oublier. Les souvenirs revenaient par fragments désordonnés, accentuant la confusion dans son esprit, se fichant en elle comme autant d'éclats de verre pilé. À chaque fois, un éclair de souffrance. Et à chaque pensée de ce qu'il aurait pu advenir, un haut-le-cœur.

Tout cela lui semblait encore irréel malgré tout, car jamais elle n'avait eu autant conscience des risques. Après tout, les risques représentent ce qui pourrait arriver, mais aussi ce dont on se persuade que cela ne deviendra jamais réalité. Mais aujourd'hui, ils avaient failli franchir le fragile voile entre le monde lointain des dangers auxquels on ne veut penser, et le monde réel, celui où la cruauté du sort et l'horreur de la vie n'épargnent personne. À travers ce voile, elle avait entraperçu une douleur terrible qui l'avait transpercée avec une force inouïe, lui coupant le souffle, comme maintenant, alors qu'elle tremblait encore sur son balcon. Si cette douleur avait pu être si forte en naissant seulement de l'illusion de ce qui aurait pu arriver, quelle intensité aurait-elle pu atteindre si la tragédie avait été réelle ? Marinette ne voulait pas savoir. Elle ne voulait plus ne serait-ce que s'approcher de ce voile vicieux. Elle voulait croire que tout irait bien, car ça avait été le cas jusque-là, non ? Pourquoi y aurait-il une fin ? Mais le mensonge qu'elle se martelait ne trouvait pas de porte d'entrée dans son cœur terrifié. Ce qu'elle avait connu pouvait s'achever là, d'un coup, si brusquement qu'elle n'aurait rien vu venir. Ses certitudes pouvaient être brisées aussi facilement que les ailes d'un papillon. Tout était si... fragile. Et le savoir était insupportable.

La question tournoyait dans sa tête. Et si c'était vraiment arrivé ? Et si... ?

- Ah, tu es bien rentrée ! Je me suis fait du souci pour toi, tu sais.

Marinette sursauta et se retourna vers un visage familier, encadré de mèches blondes, recouvert d'un masque noir qui laissait voir deux grands yeux verts aux pupilles félines, deux yeux qui, s'ils exprimaient une forme de soulagement, laissaient aussi transparaître un reste d'inquiétude, ravivé sans doute par la vision d'une Marinette en pleurs. Le sourire de Chat Noir fut soufflé comme une bougie tandis qu'il rejoignait Marinette, tendant la main pour essuyer une larme qui roulait sur sa joue.

- Eh ! Princesse, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as été blessée ? J'ai essayé de te trouver après le combat, mais tu n'étais nulle part en vue, j'ai eu peur qu'il te soit arrivé quelque chose...

Marinette secoua vivement la tête, de nouvelles larmes se mêlant aux sillons déjà tracés par d'autres depuis qu'elle se trouvait sur ce balcon. En même temps, une espèce de fou rire nerveux la secouait, entrecoupé de réels sanglots, rendant le tout totalement incompréhensible pour le pauvre Chat Noir qui ne savait comment réagir face au désarroi de la jeune fille, aussi impuissant que l'avait été Tikki un peu plus tôt. Le kwami s'était d'ailleurs réfugié derrière un pot de fleurs et observait la scène en silence, priant intérieurement pour que le partenaire de Marinette arrive à la rassurer.

Et si... ? - Miraculous Ladybug fanfiction OSحيث تعيش القصص. اكتشف الآن