Alice

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Jerentre doucement dans la salle. Les halos de lumière et le bruitassourdissant des basses ont un air de « déjà vu ». Jemarche lentement vers le centre de la pièce , remplie de corps etd'âmes transcendés par la musique. Alice et moi, allons prendrenotre verre habituel au bar, tout en observant la dynamique de lasoirée. Je souris aux personnes autour de moi, une technique pour attirer l'attention des gens m'avoisinant. Quelques instants plustard, alors que mon regard se fixe sur un beau brun, mon champ devision est traversé par un signe de main d'Alice. C'est notresignal pour dire qu'il est l'heure : l'index et le majeurcollés à l'image d'un pistolet toujours tourné vers les cieux.Il est l'heure pour nous d'élever nos esprit , nos corps, etnous propulser à un autre niveau que celui de la médiocritéambiante de la soirée. Nous nous dirigeons vers les toilettes oùAlice sortira de son sac de marque un sachet transparent contenant lasubstance tant convoitée en ce moment. Sans dire un mot noussourions et ouvrons ce sachet magique et en versons doucement lecontenu, une poudre blanche, dans chacun de nos verres. A notrehabitude nous faisons un « cul sec » de notre breuvageafin que le corps assimile plus vite la Yard. Alice éclate de rireen voyant que je manque de m'étouffer tant je me suis hâté deboire . Il n'a pas fallu bien longtemps avant que toute cette miseen scène fasse effet. Des picotements parcourent mes jambes jusqu'àma poitrine. Nous ne sommes pas à notre coup d'essai comme vousavez pu le comprendre. C'est notre rituel de meilleures amies dusamedi soir , notre sortie entre copines mais avec un zeste de chaosen plus. Très vite nous sortons des toilettes pour revenir dans lasalle principale et je sens peu à peu l'impact de mes pas sur lesol. Les visages autour de moi me paraissent tous être familiers ,mon sourire n'est maintenant plus quelque chose que je force maisquelque chose d'inévitable. Une grande chaleur envahit ma poitrineet me réchauffe le coeur .Ce sentiment de réconfort me fait oubliermes soucis .Dans le chaos de la musique et des mouvements de lafoule, j'ai un sentiment de déjà vu. L'impression de faire partied'un tout, d'être capable de n'importe quoi , d'êtreimmortelle. Au moment où notre musique préférée résonne, Aliceprend son téléphone portable afin d'immortaliser nos états pourles yeux de nos milliers d'amies. Je regarde fixement l'objectif, mets mon verre en évidence tout en croquant le bout de ma paille.Début majestueux d'une longue série de photos. La Yard me rendeuphorique. Je me mets, sans pouvoir me contrôler, à danser detoutes mes forces . Les mouvements anarchiques de mon corps attirentl'attention des personnes aux alentours. Voila mon momentpréféré: l'instant figé où je regarde le plafond dans machorégraphie et où je me mets peu à peu à exister dans cettemasse d'inconnus. C'est un sentiment jouissif , quelque chosed'extraordinaire d'avoir autant de pouvoir sur ces individus dontje ne connais pas l'existence. D'avoir leur attention juste pourmoi , pour moi seule. Même si la perception du temps est de plus enplus étrange lorsque je prends de la Yard elle n'en est pas pourautant désagréable. J'ai l'impression d'être un astre delumière et de chaleur illuminant tous les esprits de la pièce,révélant chez eux un désir ardent pour ma petite personne. Deuxhommes commencent à danser avec nous , et je joue leur jeu tout enenroulant l'un d'eux dans mes bras. Je veux le pousser dans sesretranchements , je veux qu'il me donne l'intégralité de sonâme. Malgré les flashs de lumière incessants , je m'efforce demettre des traits sur ce visage flou en face de moi. Dans monobservation chaotique je ne parviens qu'à percevoir l'énergiequ'émet son corps dans le mouvement qu'il effectue. Mon regardfinit par se poser sur son épaule , puis, petit à petit derrièrelui ,au second plan de ce tableau magnifique de la fête danslaquelle nous nous trouvons. Deux visages connus me scrutent d'unair menaçant. Je fais mine de ne pas les avoir vus et tente de meconcentrer sur la silhouette en face de moi qui aussitôt disparaît.Je ne comprends pas bien ce qu'il se passe. Est- ce que mon regardau loin aurait duré plus longtemps que prévu ? Combien de tempss'est-il écoulé depuis ma rencontre avec ma précédente proie ? Jen'en sais trop rien. Mes appuis me lâchent et je tombe sur labanquette derrière moi où un inconnu me prend en photo avec lui. Jen'ai plus de paille à mordiller cette fois, et donc, dans le feude l'action je prend, en guise de pause, le verre près de moi .Je regarde le flot des personnes , une masse homogène,gesticulant.Mon coeur a mal de mes expériences passées, mais au moins ma fiertéest intacte. Je fais partie de cette race de femmes qui attire ,séduit et rend fous tous les hommes dans ce genre d'endroit. Jesuis heureuse ici. Je n'arrive plus à avaler ma salive et me voiscontrainte de commence à recracher le peu qu'il me reste dans labouche. Ma vision s'obscurcit alors que mes paupièress'alourdissent. J'ai soudainement l'impression de tomber dansun précipice dont je ne pourrai plus sortir. Je finis par me leveren titubant et tente de retrouver Alice. Je pousse chaque personnedevant moi tout en offrant un visage souriant. Je tente de sortir dela fosse dans laquelle je me trouve afin de m'en aller. Je poussela lourde porte devant moi et perd l'équilibre ,comme si une forceinvisible m'avait poussée. Un videur m'aide à me relever et memontre le vestiaire. Là, je tente d'embrasser la reine desfourrures et des manteaux , la maîtresse du tissu. Devant son refusje lui tends mon tiqué portant le numéro 220 afin de récupérer maveste. Ma veste est introuvable ,ce qui me met dans un état de rageabsolue. Je commence à insulter le succube dont je croise le regard.Le videur , ami depuis peu, me jette dehors et claque violemment laporte de la boîte de nuit. J'essaie de retrouver mon chemin dans lafarandole de lucioles qui sert d'éclairage à la rue. Je me sensseule , mise à la porte de ma propre maison. Je suis dans un espacevide. J'entame ma marche hasardeuse lorsque je croise deux hommes àl'allure anormalement semblable à la mienne. Ils me dévisagent etme regardent comme si j'étais un animal repoussant. Ils se dirigentrapidement vers moi et m'accostent sans la moindre hésitation. L'undes deux se frotte le nez avec la même poudre que celle que j'aiutilisée au début de mon aventure. Il m'en propose .Je déclinepoliment la proposition tant la dernière prise m'a mise mal enpoint. Je n'ai pas le temps de dire au revoir qu'aussitôt onm'agrippe violemment le bras et on me conduit de force dans uneruelle mitoyenne à la mienne. Mon corps est emporté et traînécomme un pantin désarticulé . Dans un éclat de rire l'homme mefrappe au visage ,me clouant au sol. Je me mets à hurler « àl'aide! » mais je crie en vain. Les coups de pieds acharnéssur ma poitrine me coupent le souffle. L'hématome sous me yeuxs'agrandit à chaque coups de talon. Devant moi une benne àordures et une montagne de papiers de toutes sortes. Un ènième coup dans mon crâne réveille le démon qui m'habite. La yardm'appelle , elle est là, dans mon esprit. Elle se met même à meparler , à me dire de faire un dernier voeu, pour les miens. Dans ladébâcle, je me tourne vers mon agresseur et me mets à l'insulter.L'homme surpris, s'arrête un instant, puis, dans un tonnerre derires sort une arme de sa veste et tire dans ma direction.. A cemoment précis le temps se divise en un milliard d'atomes, et jeressens chaque particule de la balle , chaque étincelle sortie ducanon et projetant vers moi le minuscule petit objet de métal qui va me tuer. Je sens la balle entrer dans mon crâne , creusant au plusprofond de mon être et de mon âme un tunnel sans fin. J'ai peur.Mon coeur s'emballe et je me rends compte que je ne pourrai plusvoir les êtres que j'aime, ceux à qui je ne parle plus depuislongtemps. Je vais mourir seule et cette balle ne fait que creuser untrou que j'ai moi même commencé il y a bien longtemps. Je finispar perdre toute sensation .Mes yeux ne sont plus qu'un amas desang , je ne perçois plus rien et ne sais absolument plus rien. J'enviens à perdre tout souvenir. Il ne me reste plus que mon prénom ,celui que ma mère m'a donné : Alice.

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⏰ Last updated: Feb 12, 2018 ⏰

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