Dans la brume

Chapitre 1

Nous avions donc décidés de partir à l'aube, la lune est encore là, le soleil tend à la rejoindre. Beth ferma doucement la porte de l'entrée pour me rejoindre, s'assit sur le siège passager et ferma la porte de ma petite voiture grise, trop simple à mon goût.

-A quelle heure Lola a dit qu'on se retrouvait ?

-5h30, quelque chose comme ça, je ne sais plus, elle parle tellement et tellement vite parfois.

Elle soupire. Je souris.

J'ouvre ma fenêtre et laisse rentrer l'air frais matinal, rempli de promesses d'un jour meilleur que la veille. La rue est calme, même les oiseaux sont de repos.

J'allume donc le moteur et nous partons dans le silence du dimanche matin.

L'air détendu et serein de Beth contrastait nettement avec la cadence de mes pensées. Comme souvent, les idées fusaient et s'entrecroisaient comme les trainées d'avions se rencontrent dans le ciel. Je n'avais que rarement l'esprit tranquille et jamais reposé. Souvent j'avais voulu être quelqu'un d'autre, n'importe qui, pourvut que ma vie soit simple et mes pensées rangées. Ma mère disait toujours que cette cogitation perpétuelle était signe d'intelligence. J'ai donc longtemps prié pour être ignorante, afin que ma boîte crânienne cesse ses vrombissements assourdissants et me laisse vivre dans la beauté du silence.

-Hey, tu m'entends quand je te parle ?

Non, c'est là une part du problème. Personne ne sait ce qu'il se passe là-haut, dans ma tête ; les gens remarquent mes quelques absences mais me prenne pour une rêveuse, un peu dans la lune. C'est d'ailleurs pour ça que je redouble sans cesse d'effort pour me concentrer sur chaque détail de ce qui m'entoure, ne pas en perdre une miette, tout comprendre, ne pas perdre le fil et sombrer dans le vertigineux labyrinthe de mes pensées.

-Oui oui, pardon, je pensais juste au voyage, je me demande si on a assez d'essence.

Elle roule des yeux en souriant, elle me connaît mieux que quiconque, et pourtant elle aussi me croit dans mon monde.

-Ca va le faire, on ne part pas à l'autre bout du monde non plus hein. Prend à droite, c'est plus court.

Après une dizaine de minutes, nous arrivâmes sur la petite place où se trouvait la maison de Lola. A 22 ans, elle vivait toujours chez ses parents. Beth descendit de la voiture pour aller sonner, j'en profitais pour sortir également, posais mon dos contre le métal froid et levais la tête pour contempler le ciel.

Le ciel était mon espace de ressource, seule possibilité pour moi de calmer pour quelques instants, ma cacophonie intérieure. Fascinée depuis toujours par cette étendue aussi vaste que majestueuse, je trouvais dans ses couleurs et ses textures, une représentation de paix et de sérénité absolue. Chaque matin débutait par un cérémonial précis dans lequel, après avoir ouvert tous les rideaux, je me laissais aspirer, et pendant quelques minutes, mon esprit était aussi limpide et clair que le bleu de cet immensité.

-Encore en train de parler aux nuages à ce que je vois !

-Salut Lola, prête à partir ?

-Salut ma belle, tu parles, ça fait 1 semaine que j'attends que ça !

Beth ouvrit le coffre pour y déposer les affaires de Lola qui semblait avoir emporté son armoire entière pour la route.

-Heureusement que j'avais conseillé de voyager léger !

-Pfff, je n'arrivais pas à choisir, et puis vous avez pris tellement peu qu'au final il y a assez de place pour mes sacs.

Elle s'installa à l'arrière, allongeant ses longues jambes sur toute la banquette.

-Allez, cette fois on et tous là, en route !

La petite voiture grise redémarra et pris la direction du nord, laissant derrière la ville calme où les premiers habitants commençaient à se lever.