Eau Trouble

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Dans un village isolé de toute modernité et de toutes technologies, comme à mon habitude, je m'occupe de ma mère. Malgré nos nombreux conflits par le passé, j'essaye de rendre sa vie plus confortable. C'est en quelques sortes un moyen de pardon. Elle est en ce moment très malade et ce n'est malheureusement pas mes connaissances médicales proches du néant qui vont la sortir d'affaire. Alors je redouble mes efforts chaque jour en faisant de mon mieux.

Voilà déjà plus d'une semaine qu'elle est dans cet état et je ne crois guère à un rétablissement miracle. Je m'approche d'un pas lent vers le lit de ma mère. Elle n'arrive même plus à prononcer ne serait-ce qu'un mot. 

Ses cheveux blanchâtres ne lui donnent pas vraiment une bonne mine et je remarque que ses pupilles changent du bleu marine à un bleu glacial. Sa vue commence à se dégrader et cela explique pourquoi elle ne tourne pas la tête pour me regarder. Sa peau est très pâle et ses lèvres ont gercées.

- « Ne vous inquiétez pas mère, tout ira bien. Les gens s'inquiètent pour vous, vous savez... » dis-je.

Effectivement, contrairement à moi, ma mère est très aimée dans notre petit village. Un lieu modeste où vivent des vieux paysans. Les gens l'a reconnaissent facilement et la saluent par respect. Non seulement c'est une très belle femme pour son âge mais elle est très cultivée et instruite. Je la voyais toujours faire balancer ses cheveux au vent avec sa petite robe vert qui l'amincissait. On a même tendance à croire qu'elle est ma sœur mais ce n'était pas le cas. Je la trouvais tellement brillante que j'avais l'impression de disparaître.

Je suis une fille bien plus renfermée et silencieuse. Physiquement, je n'ai rien à faire envie. Mes cheveux bruns et raides se rebellent bien trop souvent et mes yeux sont bruns mais c'est très commun. Puis lorsque je marche au village, tout le monde me regarde singulièrement. Je pense même que les gens de cette bourgade ne m'apprécient pas. Je ne m'occupe guère des regards des autres alors je marche sans m'en soucier. Ma fierté est toujours là.

Je ne compte plus déranger ma mère bien longtemps. Je tire la couverture afin de la couvrir et lui éviter une fièvre inutile. J'éteins la lumière et lui souhaite une bonne nuit. Je fais bien attention à venir la voir chaque soir pour aérer la chambre vue qu'une odeur nauséabonde flotte souvent et cela fait partie des aspects négatifs de la campagne. Mais il y a également une autre raison que je vérifie son état.

Depuis peu, je remarque que quelqu'un ou qu'une chose regarde par notre fenêtre. Je ne peux pas dire quand cela à commencer mais je l'ai remarqué alors que j'essayais de nourrir ma mère. Cette personne était en train de nous fixer. Mais à peine m'en étais-je rendue compte qu'il avait aussitôt disparu. Il ne m'était aucunement familier et pourtant je connais tout le village.

Alors, la vraie question à se poser est : est-il humain, est-ce un animal ou...?

Cela ne me rassure point puisque ma mère et moi vivons un peu à l'écart du village. Donc s'il nous arrive un drame, personne ne pourrait nous entendre même si on criait. Sur ce fait malheureux, j'inspecte toujours la maison chaque soir pour être persuadé qu'aucune chose n'est rentrée et je n'hésiterai pas à user la force s'il le faut.

Je commence évidemment, par le salon, puisque la fenêtre et la porte donne automatiquement accès à cette pièce. Également car le salon est lié avec la cuisine ouverte et la salle à manger. Notre toilette se trouve dehors et nous ne possédons pas de cave. Cela facilite ma tâche d'inspection.

La nuit est très silencieuse, seul le hululement d'un hibou vient interrompre ce calme. Étrange à quel point une pièce semble beaucoup plus hostile la nuit. Bien que ce ne soit pas la première fois, je ressens quelque chose d'anormal. Je me sens observée encore, quelque chose me traque. À chaque fois, je sens que quelqu'un erre dans cette demeure. Je ne le dis jamais à personne car tout le monde me déteste. C'est un fait.

J'entends soudainement un bruit suspect. Je me retourne voir quel est son origine. J'aperçois la fenêtre ouverte avec un vent agité dehors. Seule une phrase me vient à l'esprit.

- « Quelques choses est entrées ? »

Ma première réaction est de refermer la fenêtre. Mes mains tremblent et je peine à le faire correctement à cause du verrou rouillé. Mais je sens que c'est trop tard, il a du en profité pour rentrer ce qui ne me rassure pas. Je joue la carte de l'impassibilité mais j'ai un mauvais pressentiment. J'essaye de garder mon sang-froid.

Alors que je contrôle ma respiration, mes pensées sont réveillées par un objet qui s'abat sur le sol. Mon cœur bondit avant de faire face au danger. Un livre vient de tomber de mon étagère. Je m'approche doucement avant de m'apercevoir qu'il s'agissait d'un livre de mon enfance : « Babadook ». Je suis un jour tombée sur ce conte et je n'ai pas arrêté de le lire et relire. C'est pour cela, étant enfant, que j'étais réservée. Je passais tout mon temps à la lecture. C'est également cela qui m'a fait changer la vision de mon entourage.

Je repose le livre poussiéreux sur l'étagère en bataille. J'ai eu la confirmation, il est rentré et il me nargue en me faisant sursauter. D'abord la fenêtre qui s'ouvre et ensuite mon livre qui tombe alors que je suis seule. Lorsque je réfléchie, je me rends compte que ce n'est pas tout. Et si mon village avait quelque chose à cacher ? Surtout lorsque ma mère est tombée malade. Je remarque leur regard fuyant comme s'ils semblent savoir quelques choses dans cette affaire. Ma mère est si belle et intelligente... Et si quelqu'un a tenté, par jalousie, de lui faire un coup bas ? 

Finalement, beaucoup de détails sont troubles dans cette histoire et j'ai bien la sensation d'être seule contre tous. Mais je protégerai ma mère au dépend de ma vie. Je la garderai près de moi-même coûte que coûte. Je me souviens encore, elle n'a pas voulu m'écouter quand je lui ai prévenu de ces singularités et voilà ce qu'elle est advenue.

Je sens mon cœur battre à tout rompre. Doucement, des murmures incompréhensibles se font entendre. C'est étrange, tout devient si irréel. J'ai la sensation que quelque chose va se dérouler. J'ai même ma gorge qui commence à être nauséeuse et pâteuse. Une odeur écœurante commence à se faire sentir encore davantage. 

Mais lorsque je repense à ma mère, mon sang commence à se glacer. Plus aucun son ne parvient à mes oreilles. Depuis le début, j'inspectais le salon. J'ai laissé ma mère seule dans sa chambre sans avoir pensé à fermer la porte à clef. Le temps semble s'être arrêté avec cette constatation avant que je me reprenne.

- «Merde !»

J'agrippe un couteau de cuisine avant de dévaliser les escaliers en montant dans la chambre de mère. Je trébuche en me rattrapant à la dernière minute. Je tuerai quiconque qui à pour objectif de souiller ma mère. J'ouvre la porte en regardant si elle est toujours en sécurité.

- «Mère ?! Vous allez bien ?! hurlé-je à bout de souffle.»

La fenêtre est ouverte. J'ai eu de la chance puisqu'il a du s'enfuir en m'entendant arriver. J'arrive avec une respiration haletante et ma mère tourne brusquement sa tête sur le côté. Je m'agenouille en face d'elle et pose mon couteau. Mes mains tremblent comme des feuilles. 

- «Mère, je pense que quelqu'un ou quelque chose nous veut du mal. expliqué-je avant de marquer un moment de silence. Beaucoup de choses étranges se passent ici depuis que vous êtes tombée malade mais je vous l'ai toujours caché. Je ne tenais pas à vous inquiéter. »

Elle ne dit rien. Ce n'est pas étonnant, une révélation pareille doit laisser un choc.

- «Je viens de comprendre ce soir. Tout le monde est suspect. Vous êtes une femme tellement incroyable que certain serait prêt à invoquer des démons à nos trousses. Mais je vous promets Mère, je serais là pour vous protéger. Qu'importe le danger et qu'importe ce que je dois faire pour que vous restiez près de moi...»

Sur ces mots, je serre chaleureusement sa main aussi froide qu'un cadavre. 


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"Babadook" est une oeuvre écrite et réalisée par Jennifer Kent. Je ne cherche en aucun cas à m'approprier de son travail mais simplement faire un clin d'oeil. Autrement, la nouvelle a été pensée et écrite par moi.

Eau TroubleWhere stories live. Discover now