Les yeux tempête

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« Mathilde, tu te rappelles lorsque nous étions enfants, que tu me racontais des histoires. J'adorais ça !...Tu en aurais une à me conter ? - Mais bien sûr ma chère amie ! Sortons seulement dehors, il fait très chaud ici. - Alors ton histoire ! »S'impatienta Lauranne une fois sorties dehors. « J'étais en classe avec mes élèves de la classe de 4eme du collège de St Calais. Nous étudiions le diable. Ils étaient très intéressés. Dans cette classe, il y avait une fille, Elorie Gauthier. Elle était discrète, participait peu au cours mais s'y intéressait toujours. Je ne sais pas pourquoi mais, ce jour là, elle paraissait comme absente. Je la regardais pourtant avec insistance mais rien n'y faisait. J'essayais de détacher mon attention d'elle mais d'un coup, ses yeux gris tempête devinrent pourpres comme si ils étaient possédés par le démon que l'on était en train d'étudier. Elorie se leva, s'approcha de la porte, et hurla quelque chose d'incompréhensible. Peut-être nous demandait-elle de nous enfuir ? Puis celle-ci sortit sans rien dire. Je la suivis et l'appelai : « Elorie ! Elorie ! Reviens ! » Elle se retourna et se mit à courir. J'eus à peine le temps d'apercevoir ses yeux, cependant je vis qu'ils flamboyaient. La jeune fille quitta le bâtiment mais la pluie battante ne ralentit pas sa course. Ce n'était pas mon cas. Je m'essoufflai à courir contre le vent. Une force énorme semblait émaner d'elle. Cette petite si frêle, qu'on croyait le vent capable de la renverser, me faisait maintenant peur. Une peur qu'on ne désire ressentir mais qui s'impose à nous telle une loi implacable. J'en frissonnai et m'arrêtai car elle s'était retournée et avançait tranquillement vers moi. La tempête se calma brusquement. Elorie me murmura : « Retourne en classe, tes élèves ont besoin de toi. » J'essayai de la raisonner, de la faire revenir parmi nous. Elle insista alors, se mettant à parler fort d'une voix impérieuse : « Retourne en classe ! Si tu te dépêches, peut-être auras tu de la chance. - Mais...mais... - Dépêche-toi ! » Je lui obéis. Dans la précipitation, je n'avais même pas remarqué que, d'habitude si polie, elle m'avait tutoyée. » « Mathilde ! Mathilde ! » J'entendis qu'on m'appelait mais je mis du temps à retrouver mes esprits. « Mathilde, tu es toute blanche ! - Je...Je...ça va mieux. - Ca fait 5 minutes que tu t'es arrêtée de parler. Tu devrais aller te coucher et me raconter la fin demain. - Non c'est bon, je continue. » « Je réfléchis beaucoup en retournant trouver mes élèves. Elle était peut-être malade, faisait sûrement de la fièvre. Ou alors cachait-elle juste son caractère naturel et tout avait éclaté d'un coup. Une odeur de fumée me sortit de ma torpeur. Je me précipitai vers le premier boîtier d'alarme et le déclenchai. Je courus alors dans ma classe mais il était trop tard. Les mots d'Elorie prirent de suite un sens. Je m'effondrai et me laissai aller. J'avais abandonné ma classe en proie aux flammes. Je sentis qu'on me porta et qu'on me posa mais tout était flou. J'entendais des sirènes, des pleurs puis tous redevint noir. Je restais seulement une journée à l'hôpital puis rentrai à la maison. On me conseilla d'aller voir un psychologue qui m'interdit de retourner travailler jusqu'à nouvel ordre. Je restai donc à la maison. Les journées étaient longues. J'appris qu'Elorie n'était jamais retournée au collège et qu'elle avait disparu et que l'enquête sur l'incendie avait été classée sans suite. Les mois et les saisons passèrent. On me déclara inapte à exercer mon métier d'enseignante de français. Je sortais régulièrement avec mes enfants, puis mes petits-enfants. Cette histoire trouva son épilogue il y a 4 ans seulement. J'étais seule en balade. On m'y avait autorisé depuis 2 ans. Je me baladais dans la rue piétonne afin de trouver des cadeaux de Noël. Je vis une femme. Son visage me frappa. Elle avait des yeux d'une couleur magnifique. Je n'en avais vu de cette couleur qu'une seule fois dans ma vie. Ces yeux appartenaient à Elorie Gauthier, mon élève si mystérieuse qui m'avait rendue folle d'angoisse toute ma vie. Pourtant, je sentis une joie intense. La revoir me fit du bien. Je la hélai donc et elle s'étonna d'entendre son prénom. Je m'approchai et engageai la discussion avec elle : « Elorie, où étais-tu passée ? - Comment ? Je ne comprends pas ce que vous me dites, madame. » Mais j'avais vu dans ces yeux une lueur d'anxiété qui la trahit. « Je suis madame Perrot, ta professeur de français de 4eme, tu te souviens ? Tu as disparu en Octobre et tu n'es jamais revenue. » Une larme roula sur sa joue, tout doucement, comme si elle se rappelait tout. Je la pris dans mes bras et lui chuchota comme à un enfant qui a fait un cauchemar. « Tout est fini maintenant, ça va aller. Raconte moi plutôt ce qui t'est arrivé. » Je m'écartai pour la laisser parler quand je m'aperçus qu'il n'y avait personne en face de moi. J'étais sûre que je n'avais pas rêvé ce moment car il restait sur mon écharpe un long cheveu blond, les mêmes que ceux de mon ancienne élève et un parfum de rose que je me souviens avoir senti lorsque je la tenais dans mes bras. » Lauranne hurla. Son amie venait de tomber de sa chaise, morte.


Les yeux tempêtesWhere stories live. Discover now