Prologue - La mort n'est que le commencement

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Je me sentais vide. Le verre n'était pas à moitié plein. Non. C'était encore plus pessimiste que ça. Il était vide. J'étais assoiffée de sentiments. La seule goutte qu'il me restait au fond de mon cœur, au fond de mon corps s'était évaporée. Parti. Parti sous les pores de ma peau pour ne jamais revenir. Comment était-ce possible, être dépendant d'une personne à ce point, jusqu'à ne plus exister lorsqu'elle n'est plus. Pourtant mon corps était bel et bien là. Mais mon âme s'était envolée vers un monde imaginaire. Vous pourriez croire que je suis morte, non, seul ce qui habitait ce corps l'était. Un corps qui ne sert qu'à montrer que l'on est là, car bien d'entre eux sont présents sans pour autant être habité. Un corps vide est comme une maison hanté. Sombre, effrayant, personne ne veut s'y aventurer, pas même les fantômes.

Voilà ce que j'étais. La devanture de cette maison annonçait la couleur à elle-même. J'étais pâle, les yeux vides, le visage perdu. Parfois, ces maisons peuvent subirent des travaux, redevenir plus jolies, attirantes, colorées, mais cela n'enlève pas le vide qui s'y trouve à l'intérieur.

Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que même si j'affiche un sourire sur mon visage, mon corps sera toujours aussi vide. Mon âme toujours aussi perdue.

° ° °

Voilà pourquoi je n'aime pas les photos. Parce qu'elles vous rappellent que le bon temps est passé, et qu'il ne reviendra jamais. Lorsque je vois des photos de moi, encore bébé, je regrette ce temps où je ne me posais pas milles questions, je ne me souciais pas des gens, je ne réfléchissais pas aux conséquences... Je regrette que personne n'ait encore inventé la machine à remonter le temps. Mais les photos ne vous rappellent pas seulement ce que vous étiez, elles vous rappellent aussi ce que vous aviez. Ou plutôt, qui vous aviez.

J'avais Gabriel. C'était lui qui faisait parti de mon corps. Lui qui le remplissait d'émotions et d'amour quand celui-ci se trouvait vide. Vous connaissez cette citation : "Un seul être vous manque et, tout est dépeuplé" ? Dis comme ça, ça paraît être exagéré. J'avais l'habitude de me moquer de ce genre de citations. Avant. Et pourtant, la vie elle même est exagérée. Toujours à te mettre à terre, te faire tomber et relever sans cesse, jusqu'à qu'elle touche ton talon d'Achille. Touché, coulé. Plouf. Vidé.

- Chérie, arrête de regarder ces photos et viens dehors. Cela fait deux semaines que tu n'as pas vu la lumière du jour.

Deux semaines ? Que le temps passe vite. C'est comme si c'était hier.

Une larme roula sur ma joue et tomba sur la photo que je tenais entre mes mains. Ma mère s'assit à côté de moi. Elle me la reprit doucement, la faisant lentement glisser entre mes doigts, comme s'il s'agissait d'un pistolet duquel elle aurait peur que je me serve. Contre elle, ou pour moi. Elle la posa lentement, puis prit mes mains dans les siennes. Je n'osais pas la regarder parce que je savais, au tremblement de sa voix, qu'elle était au bord des larmes. Et je ne voulais pas la voir comme ça.

- Écoute-moi Maïa, dit-elle en faisant glisser une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Je portais les boucles d'oreilles que Gabriel m'avait acheté pour mon anniversaire, il y cinq ans. A cette époque là, on était encore amis, jeunes et inconscients. Inconscients. Car on ne savait pas encore que ce qui nous liait était bien plus fort que de l'amitié.

Elle continua :

- Je sais que c'est difficile mais...

- Que tu saches ce que cela fait de perdre quelqu'un ne changera rien, maman. C'est trop tard.

Mes paroles n'étaient pas sèches, mais prononcées de façon neutre, plate, sans émotions. J'étais vidée. Seules les larmes coulaient sur mes joues, sans que mes yeux n'oscillent.

- Tu as raison. Mais, même si tu aimais Gabriel de tout ton cœur, je l'aimais aussi. Comme un fils.

Une autre larme coula, mais cette fois-ci c'était la sienne.

- Et, il le sera toujours, Maïa, il le sera toujours parce qu'il n'est pas loin. Il sera là, à veiller sur toi.

Je m'effondrais dans ses bras. J'étais à bout. Un océan frappait mes joues. Des sursauts me prenaient. Ma mère me chuchotait que tout allait bien se passer, que "ça va aller". Après tout, c'était son rôle de me rassurer, mais je savais qu'elle même ne croyait pas un mot de ce qu'elle disait.

- Comment je vais faire maman ? Comment... je vais vivre...

- Le temps est la seule chose qui puisse te guérir.

- Mais le temps n'est pas immédiat - hurlais-je. Combien de temps ? Combien ? Et même si je pouvais ne plus souffrir instantanément, pourquoi je le ferai ? Je ne veux pas l'oublier.

Je ne peux pas.

- Je sais chérie, je sais - chuchota-t-elle en caressant ma joue.

On était resté là pendant de longues minutes, ou bien de longues heures, je n'en sais rien. Ce que je savais, c'est que j'étais soulagée d'avoir pleuré toutes les larmes de mon corps, et ce en sachant que je n'étais pas seule. Ma mère était là. Je savais qu'elle était aussi dévastée que moi, bien qu'elle ne le montre moins. Elle connaissait Gabriel depuis toujours. C'est elle qui venait nous chercher à l'école, qui nous préparait le goûter, qui nous fâchait quand il le fallait... elle nous a vu grandir ensemble. Elle nous a vu nous fâcher, nous réconcilier, rire, nous aimer comme des enfants, puis nous aimer différemment. Elle nous a vu grandir.

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