Prologue : Mes souvenirs passés

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L'histoire de notre monde que l'on nomme Ordem se confond nécessairement avec celle de l'Empire Oriental. Un récit complet nous ramènerait bien avant la dynastie des Empereurs Dragons, qui pourtant a su traverser les âges. Elle débuterai en des temps qui malheureusement furent oublié à jamais. J'aurais tant voulu-vous conter les origines de notre monde, des événements qui y sont survenu, des héros qui en ont forgé l'histoire et des démons qui ont croisé leur route, mais ma mémoire me fait bien trop défaut.

Les démons, ces êtres abominables, corrompant les Hommes. Ces abominations bafouant l'ordre divin, ces monstres qui mon tout pris...

Ma plume se casse sous ma force, laissant une trace baveuse d'encre. Je soupire lourdement, encore une feuille de belle ouvrage gâché... Ma main tremble alors que je la regarde avec dépit. Malgré les années, les blessures de mon âme ne semblent toujours pas guéries. C'est affligeant de voir à quel point je suis devenue faible.

Je relève mes longs cheveux grisonnants, parsemés de mèches châtains écho lointain de ma jeunesse et féminité. Machinalement j'entreprends de les attacher en queue de cheval guerrière, puis m'apercevant de mon propre geste je me fige. Je m'interroge sur la raison de mon geste avant de me perdant dans mes réflexions. Dans un sursaut de conscience je relâche finalement mes longs cheveux pour les laisser s'écouler en cascade sur mes épaules meurtries. Dans un autre geste mécanique, je lève ma main vers mon visage et effleure d'abords ma joue ridée avant de la remonter pensive sur ma boucle d'oreille. Je fouille dans ma mémoire cherchant la raison pour laquelle cette dernière est fendue.

Le hurlement de l'hiver frappe contre la vitre de ma chambre. Mon regard se plonge sur le feu de cheminée qui crépite non loin de moi, je sens la chaleur qui réchauffe ma chair et la pierre froide. C'est dans ce fort que j'ai décidé de me retirer, loin des foules et du temps. C'est moi qui l'ai demandé, qu'il l'ait suppliée ; pourtant je ne me souviens plus la raison de ma présence, la raison qui me pousse à m'installer devant ce bureau et qui me pousse à écrire encore et encore.

Je soupire à nouveau, et m'interroge encore une fois sur l'utilité de mon ouvrage. Je n'ai jamais eu le desseins de retracer toutes mes aventures et encore moins le savoir que j'en ai acquis. Je n'en avais nulle envie, cela me contraignait à revivre les événements les plus sombres de ma vie. À quoi bon, quel intérêt ? Chaque mot que je couche sur le parchemin ravive mes douleurs passées, leurs visages m'apparaissent manquant d'arrêter la danse pénible de mon cœur. Il me semble avoir désirée de nombreuse fois disparaître avec mes souvenirs, désirée plonger dans un sommeil qui n'en finirais jamais. Pourtant je n'ai jamais pu franchir ce pas sans retour, à peine me venait-il l'idée de mettre fin à mes souffrances que ses paroles résonnaient dans mon esprit comme un hurlement déchirant : « Vie, abreuve-toi de la vie et soit heureuse... pour nous deux. »

De rage ! je renverse malgré mes faibles forces tout ce qui se trouve sur mon bureau en hurlant :

- Pourquoi ?!, les larmes coulant à nouveau sur mes joues.

Dans mon dos, sa voix apaisante s'élève, comme à son habitude.

- Dame Wada, je vous en prie, calmez-vous, détruire votre ouvrage ne vous avancerez en rien.

Cette voix venait de mon page,un jeune garçon, d'une quinzaine d'été il me semble. Il s'occupait de ma demeure et de ma personne. À son habitude il me calmait, et à ses mots je m'asseyais de nouveau dans mon siège en soupirant.

- À quoi bon ? Quel intérêt de continuer...

Comme à chaque fois, il vînt dans mon dos, posant sur mes frêles épaules une couverture épaisse et dans mes mains crochues et contorsionnées une tasse de thé. Comme à chacune de mes crises, il ramasse les pages tombées.

- Pour vous souvenir madame, pour ne pas oublier leur visage. Il jette les feuilles griffonnées avant de reprendre. Vous écrivez car c'est votre devoir, c'est ce que vous me répétiez à longueur de journée.

Je pousse un léger rire à ce souvenir.

- C'est vrai, c'était il y a déjà...

Sans m'en rendre compte je n'ais pas achever ma phrase et je me perdis dans les méandres de mes souvenirs. Après un silence qui se fit oppressant, mon page termina ma phrase.

- Cinq ans Madame, ça fait cinq ans.

À ses mots je me fige un instant, mon visage se ferme alors que je murmure tristement.

- Cinq ans déjà..., je soupire lourdement et reprend. Les hivers s'écoulent sans même que je m'en rende compte. Cette vieillesse me pèse tellement, je ne la supporte pas, je ne supporte plus d'être aussi faible, si dépendante de toi et tes soins.

La tristesse que je ressentais n'était rien comparé à la rage qui brûlait à nouveau dans mes veines. D'un coup ! je me lève d'un bond et dit avec force.

- Il y a peu ! J'étais une fière guerrière ! Wada Tatsumaki !! Samouraï au puissant pouvoir ! Plus puissante que tous ces demeurés !, je fais de grands gestes passionnés en continuant. Tous ses imbéciles qui ne croyaient pas en moi ! Qui me voulait rabaissé par le simple fait que je sois une femme ! Si tu avais vu la tête de père à mon départ, Aah...

La surcharge d'émotion me fit trembler. Calmement, le jeune garçon vînt me guider vers mon lit en murmurant.

- Bien sûr, bien sûr... vous me l'avez racontée tant de fois que je ne saurais le compter.

Il m'aide à marcher sur mes faibles jambes, m'éloignant ainsi de mon étude, de mes manuscrits et du feu de l'âtre. Je le suivis d'abords docilement mais me débattue d'un coup avec toute la vigueur qui m'était disponible.

- Attend attend !!, lui criais-je rapidement. Je... je dois écrire, pour ne pas oubliez, c'est vrai... pour ne pas les oubliés, leurs visages.

Il me jeta un regard agacé teinté de peine. À son habitude et à contre cœur, il me dépose à nouveau sur ma chaise en soupirant. Il récupère la tasse et la remplit à nouveau en me disant.

- Buvez au moins une gorgée, quand vous êtes plongée dans votre travail, vous oubliez même de vous alimenter.

Je prends la tasse et boit doucement le liquide chaud, je le sens me rendre des forces. Quand finalement je sens les effets prodigieux qu'a ce breuvage sur moi, j'en analyse plus profondément son contenu et j'écarquille les yeux en lui disant surprise.

- Tu as mis des feuilles d'Ori ? Je t'ai appris leurs effets pourtant.

Il récupère la tasse en souriant.

- Bien sûr que je les connais, cela vous donnera de l'énergie pour votre ouvrage.

- Et je tomberai de sommeil dans moins d'une heure... répondis-je sans cacher ma désapprobation devant cette initiative.

- C'est l'unique moyen que j'ai trouvé pour vous permettre de vous reposer, Je vous le répète à chaque fois, dit-il en souriant

- Tu es si gentil avec moi mon petit... je lui souris tendrement, accentuant mes rides. J'ignore comme tu parviens à supporter la compagnie d'une vieille folle comme moi.

Profitant de cette occasion, il me répondit taquin.

- C'est mon travail Madame.

Il déposa devant moi une feuille vierge et doucement une nouvelle plume dans ma main. Il se pose ensuite derrière moi et veille silencieusement, attendant que je ne reprenne mon ouvrage. Après cette discussion avec mon page, un sourire restait imprimé sur mes lèvres, éloignant mes démons. Je pose alors ma plume sur la fine couche de papier. Mais à la différence des nombreuses, très nombreuses dernières fois, je commence d'abord par mon histoire, mes souvenirs passé...

Wada Tatsumaki, Les OriginesDonde viven las historias. Descúbrelo ahora