Prologue

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Les larmes, je les déteste  - et ce depuis toujours - , mais par dessus tout j'adore les détester. Cela signifie que je rejette une fragilité de mon être, un fait commun de mon humanité, ce qui je l'imagine fait de moi une résistante à la nature humaine, une nana random qui se croit à contre courant (certe !), mais au moins pas une tapette pleurnicharde. Et bordel que ce côté "nana pleurnicharde" me dérange. En fait, c'est sans doute car consciemment, lorsque je pleure, il y a deux facteurs en jeu. Le premier, c'est que quelque chose ne va pas. J'ai surement fais une faute impardonnable, un truc que je regrette au plus profond, pour que j'en arrive à livrer mes sales gouttelettes salée. Mais le deuxième truc, c'est le pire : l'achèvement moral. Tu te dis que ça y est, t'es qu'une pauvre merde, ou que tu fais des choix de merde, et même que rien ne pourra jamais changer. Alors ces larmes, il est devenu une évidence pour moi de les détester. De les cacher, les dissimuler pour ne pas devenir la pauvre nana pleurnicharde aux yeux de tous, et bien pire : à mes propres yeux. Malheureusement, impossible de dissimuler ses larmes à soi-même. Ce qui aggrave le fait de l'achèvement moral, le désespoir et tout ce qui va avec. L'envie de les dissimuler aussi, me fait crever de pitié. Pour moi-même, toujours. J'ai juste honte d'avoir honte. Et quelque part, honte aussi d'apprécier absolument cette non-apparence de nana pleurnicharde. Alors est-ce que je me voile la face en disant que je ne suis pas une nana pleurnicharde ? Non, je sais que je suis comme ça. Que je préfère avancer -ou non - au lieu de pleurer, et que pleurer ne m'apporte rien de plus que du mépris envers moi. Et j'ai besoins de continuer à être convaincue que je ne suis pas cette nana pleurnicharde, surement par peur que le monde s'écroule autour de moi. J'en ai besoin, mais surtout, je le sais. Une certitude peut-elle être remise en question? Je n'en ai pas envie, après tout. C'est donc pour ça, que je m'applique à  penser que la faute commise me donne une leçon et qu'il y a donc toujours du positif à en tirer. Et pourtant, je ne suis pas une grande optimiste.

Regardez-moi. Avec ces mêmes fringues pas lavées depuis des jours, ma casquette bleue trop grande enfoncée sur la tête et cet air désabusé qui ne me quitte maintenant jamais. Je l'ai laissé s'installer durant l'adolescence, et dorénavant il ne me quitte plus d'une semelle. Je ne prétends être personne, je ne suis personne. Juste une petite auto-stoppeuse qui vient de larmoyer car ouai, elle s'est plantée. Elle s'est trompée, malgré les recommandations de tout le monde qu'elle n'a pas voulu écouté. Elle s'est trompée donc elle en a pleuré, mais elle peut au moins dire que c'est le cas car elle a voulu tout faire toute seule, goûter à la véritable indépendance culturelle. C'est donc sans doute normal que je me plante, ouai. Les larmes sont parties et je ne m'en veux plus désormais, de m'être aventurée aussi naïvement dans un de mes projets. Il faut dire que partir de chez soi avec un sac à dos, trente-deux euros et une brosse à dent, en ayant comme but de voyager dans l'Europe entière sans rien demander d'autre, était un pari ambitieux. J'avais déjà perdue fois en l'humanité mais je m'étais dis que peut être, il y avait une chance que les français étaient des exceptions. Et à en juger par le non-aboutissement de mon expérience, il n'y avait pas que les français. En France, tout comme en Allemagne ou en Belgique, j'ai l'impression que les gens sont d'un tel individualisme. Dans mes rêves peu élaborée et utopiste, j'avais cru réaliste le fait qu'une famille héberge une inconnue pour une nuit, même sur un vieux canapé s'écroulant au milieu d'un garage. Mais à présent, je sais que les familles de classe moyenne se méfient éperdument des inconnus , aussi pauvres et menues soit-ils, pour les laisser ne serait-ce qu'utiliser leur toilette. Cette omniprésence de la surveillance, le besoin de tout considérer comme une menace, comment voulez-vous qu'ils croquent la vie à pleine dent.

C'est sur cette réflexion matinale qu'une voiture bleue nuit s'approche de moi en s'arrêtant sur la bande d'arrêt d'urgence. Le conducteur est un homme en survêtement qui m'invite à monter d'un geste de la main. Je n'oublie pas de le remercier avant de me morfondre sur la banquette arrière.

"-Tu vas dans quelle direction?" me demande-t-il.

Tient, un qui veut jouer la proximité du tutoiement. 

"-N'importe, tout ce qui se rapprochera de l'Italie."

La voiture bleue nuit démarre et reprend son allure sur l'autoroute, en direction de montpellier. L'Italie ne peut pas être pire que la France, me dis-je. A pour très bientôt les italiens.

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⏰ Cập nhật Lần cuối: Nov 13, 2018 ⏰

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