Vide

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       Vide, tel est le mot qui décrit le mieux ce que je ressens. Un manque, une chose qui n'est plus et que je regrette, le sentiment. Le sentiment qui t'envahit, qui te possède, qui te submerge. Ce sentiment qui prend place dans ton torse, ton ventre, ton esprit, ton cœur. Ce sentiment qui te contrôle, qui te pousse, qui te prend jusqu'au plus profond de ton être, de ton âme. Cette chose qui t'anime, qui te fait te sentir vivant, celui qui te fait exister, que ce soit douleur, tristesse, joie, bonheur, amour, jalousie, colère, haine, bienveillance... Le sentiment, si essentiel à l'être et à la personne. Ce sentiment que je ne connais plus, ce sentiment de vie.

       Vide. Vide est belle et bien le mot. Vide, éteinte, morte, que sais-je ? La mort de l'âme, l'esprit présent et proche, mais absent et loin à la fois. Une distance, un cor, un esprit, et une absence de l'âme. J'aimerais ressentir, ressentir comme avant, être submergé par ses sensations, ses émotions, aimer à en mourir, pleurer à en perdre la raison, rire à en devenir euphorique, mais tout ça et maintenant impossible pour mon esprit, mon âme. Cet esprit fermé et clos qui est le mien, celui qui ne ressent plus ce qu'extériorise si bien le cor, celui qui ne réagit plus en fonctions de ses sentiments, alors que le cor, lui, le fait si bien. Ce détachement de l'esprit et du cor, cette mort interne. Tout ça est si dur à porter.

       Je me souviens encore, de ses moments, ou face à un simple jouet, mon cœur s'emballait. Mais maintenant, même devant le parc d'attraction qui a bercée mon enfance, ce vide est présent. Mon esprit reste de marbre, face à ce qui pourrait lui apporter bonheur, tendis que le cor lui, cherche à extérioriser une émotion inexistante. Un malheur, une trop grande distance sur tout, une trop grande analyse interne, un manque. Un manque anxiogène, que l'esprit même éteins, ressent encore. Une déshumanisation de mon être, pour ne devenir qu'un placé-bau, quelque chose qui imite, quelque chose qui simule. Seul la colère existe encore, seul la colère ressurgit, seul elle me rattache encore à l'existence réelle. Une tension, un stress, pas de tristesse, pas de joie, pas de désir, juste ça. Un vide constant avec ces quelques sentiments qui me rappellent que j'existe. Mais pourtant, je ne ressens pas de malheur, pas de tristesse, je ne ressens rien. Je ne sais plus réellement qui je suis, je ne sais plus réellement qui je veux être.

       Un être vide sens émotion, mais avec une morale durement réfléchi, m'empêchant de tomber dans les penchants que la colère m'induit. Je suis tombée, dans ce vide, ou ce manque est apparu, en voulant aider les autres ; en voulant les aider à porter leur fardeaux, en voulant les aider à contrôler leurs tristesse. Mais au fur et à mesure du temps, j'ai pris une distance sur tous, sur eux, sur moi. Mais rien, rien n'en a découlé, et l'on me l'a reprochés, et l'on m'a accusé. Je me souviendrais toujours de c'est quelques mots, d'une personne aimée, que même ma coquille ils ont réussi à percer ; « C'est qui qui appuie toujours là où ça fait mal ». Cette personne que j'avais toujours ardemment essayé d'aider, et qui m'a balancé en pleine face que je ne lui avais fait que du mal. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressentis la douleur de la tristesse, et ses mots sont restés en moi. Parfois, j'ai envie de tout claquer, de tout détruire, pour en obtenir une joie malsaine, pour éveiller ces sentiments inexistants, car il est plus facile de détruire que de construire. Mais je sais, heureusement je sais, que les jours ou les sentiments reviennent, que je le regretterais amèrement.

         Certains jours, les sentiments reviennent, et je les poussent à revenir, en essayant de les laisser me submerger. Et quand cela arrive, c'est tellement bon, tellement agréable, mais toujours pas suffisant. Ce sont des moments de lucidité, de calme, de complaisance. Des moments ou seul content les sentiments positifs, ou seul content cette recherche de bonheur. Mais ces jours sont parfois entachés par mes proches, mes proches qui déteignent leurs malheur sur moi. Mais je ne m'en pleins pas, car souffrir, c'est ressentir. Et c'est tellement rassurant de voir, que je reste humaine, et que mon empathie n'a pas disparu, que je suis vivante.

        Cette situation est paradoxale, car je souffre certains jours de mon manque de sentiment, comme j'en suis totalement indifférente à d'autre. Cette situation me pèse et me dépasse. J'ai peur que ce vide, un jour, m'envahit pour toujours. J'ai peur de perdre mon humanité, de sombrer, de tomber dans un abîme tellement profond, que rien sur cette Terre ne pourrait me ramener. Ce soir, les sentiments reviennent. Seul l'angoisse, et la peine, en sont maîtres.

Vide intérieurWhere stories live. Discover now