Rayon de Soleil

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Depuis tout petit, j'ai toujours été comparé à mon frère, que ça soit physiquement ou moralement. Il a les cheveux aussi dorés que le soleil, une peau pâle parsemé de tâches de rousseurs, des yeux que l'on peut comparer au ciel d'été. Il est joyeux de nature, blagueur et prêt à aider ceux qui sont dans le besoin. Il a un caractère en or – comme dirait ma mère. Il est intelligent et débrouillard – comme dirait les professeurs. Il est adorable – comme dirait la vieille voisine de palier. C'est une personne formidable – comme dirait les autres.

Et moi ? Je ne suis rien de tout ça. J'ai la peau mate, des yeux verts tirant sur le jaune et des cheveux noirs – terne. Je ne suis pas drôle, ni spécialement gentil. Je ne fais pas confiance aux autres et ne croit qu'en moi-même. Bien sûr je ne suis pas intelligent, je n'arrive pas à lire une phrase jusqu'au bout – ou sinon au bout de plusieurs minutes alors qu'à un élève normal il en aurait fallu moins d'une. La seule matière où je suis un peu près bon, ce sont les maths. J'ai aussi des problèmes de déficit de l'attention et une hyperactivité. Rester en place une journée entière sur une chaise, je ne peux pas. J'ai souvent apporté des problèmes – sans vraiment le vouloir. Les profs ne me veulent pas dans leur classe. Les autres m'évitent car je leur fais « peur ». D'après certains, j'ai une aura « terrifiante », qui sent le « désespoir » pour reprendre leurs dires. Une qui repousse les gens. Et je dois avouer que même si cela me blessait au début, je m'y suis en quelque sorte « habitué ». Juste une habitude que d'être seul, non un souhait.

Mes journées de cours étaient sûrement celles que je détestai le plus. Monotone, sans personnes pour discuter. Le midi toujours seul, et voir mon jumeau entouré me rappelait à quel point on est différent. A quel point il est aimé. A quel point je suis seul. Et puis un jour, tu es arrivée. Subitement, je ne l'avais pas vu venir. Tu as été la première personne à me parler depuis longtemps. Les autres te regardaient bizarrement, certains chuchotaient même : « Pourquoi lui parle-t-elle ? ». A ce moment je m'en moquais éperdument, juste heureux que quelqu'un veuille enfin bien m'adresser quelques mots, même si ce n'est qu'un salut.

Ce qui m'a le plus marqué chez toi étaient tes yeux. Deux beaux orbes orangés, dans lesquelles il m'arrivait d'apercevoir un feu dansant. Non un feu dévastateur, plus protecteur. Comme si ta présence en elle-même dégageait une aura bienfaitrice... tout le contraire de la mienne.

Les jours se sont écoulés, et ta présence égayait mes journées. Elles n'étaient plus si fades et amère, elles avaient maintenant un petit soleil. C'est toi ce petit soleil, c'est comme ça que je te surnomme intérieurement. Sinon je t'appelle par ton prénom – Lyfaë – un très beau nom si tu veux mon avis. D'ailleurs je te l'ai déjà dit. C'est ton père qui a choisi ce prénom, il lui rappelait ta mère tu m'as dit. Tu ne l'as jamais connu, comme moi je n'ai jamais vu mon père. On a beaucoup parlé de ce sujet, il ne nous nous attristait presque pas, n'ayant jamais connu cet amour supplémentaire. Tu disais que pour toi, ta mère est une déesse. J'ai un peu ri, mais ton regard m'a vite arrêté. Tu as souris et mon cœur a fait une pause. Ce sourire, il est encore gravé dans ma mémoire – c'est mon rayon de soleil.

Ensuite tu as eu un regard si sérieux que j'ai eu peur. Ce que tu m'as dit de ta voix douce est encore gravé dans ma mémoire : « Toi aussi, tu es comme moi. Un sang-mêlé ». Je ne t'ai jamais cru. Moi ? Un sang-mêlé ? Cela me paraissait impossible, mais pour te faire plaisir, j'ai fait semblant de te croire. Te demandant même qui cela pourrait être.

« Attend jusqu'à cet été »

M'as-tu dit, tes yeux brulant de détermination. Comme si c'était une mission de plus grande importance, comme si j'étais en danger.

J'aurais bien aimé voire cet endroit d'où tu m'as si souvent parlé. Ces bâtiments comme au temps des grecs, ces arbres verdoyants, sentir le vent frais sur mon visage, gouter à ces fraises dont tu m'as vanté le goût... oui j'aurais bien aimé.

Mais ce n'est plus vraiment possible maintenant.

Allongé au sol, une douleur aigue à l'abdomen je repense à tous ces moments joyeux que je ne veux rayer de ma mémoire. Peut-être que dans une autre vie, je pourrais voir ce lieu ? Mais ce que je voudrais vraiment, c'est pouvoir y aller avec toi. Car n'es-tu pas mon soleil après tout ?

Tien, pourquoi le plafond bouge-t-il ? J'ai mal à la tête et mes paupières sont si lourdes... Ai-je le droit de les fermer ? Ne serait-ce qu'un tout petit peu, juste un peu...

Une nouvelle douleur à la joue m'empêche de les fermer, et je vois ton visage. Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu parles mais je ne comprends rien, mes oreilles bourdonnent si fort que le moindre son en est altéré. Tu m'ouvres la bouche et m'y glisse quelque chose. C'est à la fois doux et amer, on dirait les caramels que je mangeais gamin...

C'est quoi qui tombe sur mon visage ? On dirait de l'eau... non ! Tu ne peux pas pleurer ! Pas pour moi, tu n'as pas à pleurer. Je n'aime pas ce visage, je préfère quand tu es joyeuse et pleine de vie, pas triste. Si seulement j'avais assez de force pour les sécher.

Arrête de pleurer s'il te plait, je préfère tes beaux sourires. Tu sais, ceux qui ressemblent au soleil.

Enlève-moi l'eau de tes yeux, je préfère quand ils sont rayonnants comme le couchant.

Dis-tu veux bien ?

Juste une fois... pour moi. Tu accepterais ?

C'est fou, j'ai l'impression d'exprimer mes dernières pensées.

La mort... j'ai parfois prémédité une mort. En un éclair fugace – très court – j'ai ressenti la mort de quelqu'un. Que ça soit d'un oiseau, un chat, le grand-père de la maison de retraite. Une sorte de sentiment qui enserre mon cœur, qui me le soulève. Et après, un apaisement. Je sais que l'âme est partie, n'est plus tourmenté... ou pour le moment. Celui entre la vie et les Enfers. Je n'ai jamais su où elles allaient vraiment. Je m'y suis intéressé, mais n'ai trouvé aucune réponse satisfaisante. Alors je reste perplexe, me disant que je saurai une fois mort.

Peut-être que je vais mourir d'ailleurs ? Je ne sais pas trop, je ne pense pas être capable de « prédire » ma mort. Mais si je devais vraiment quitter ce monde, je ne le regretterais pas, car je t'aurais rencontré. Tu sais, tu es la plus belle chose qu'il me soit arrivé dans ma vie, mon soleil.

Je t'aime.

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