crépusculaire

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Il est quatre heures du matin et impossible de fermer l'œil.
Les paroles de Simon restent en suspens dans mon esprit depuis hier après-midi.
« Désolé de t'aimer » m'a-t-il dit avant de s'évanouir dans la masse humaine des couloirs du lycée.
Je suis resté sur le cul, le regard dans le vide avant de peut-être enfin prendre conscience de ce qui venait de se passer.

J'y repense maintenant, les larmes aux yeux, incapable de contrôler cet élan de tristesse qui semble me broyer les entrailles. Un frisson de culpabilité me ronge et me hurle de lui envoyer un message, de l'appeler. Mais je m'en sens tout bonnement incapable. La honte, le dégoût à mon égard ont repris le dessus sur mon envie de lui expliquer mon attitude. D'ailleurs, je crois qu'il n'y a rien à expliquer. Je suis un parfait imbécile, point, à la ligne.

Je me hisse sur le rebord de ma fenêtre et soulève le store. Les lampadaires illuminent la petite rue de leur lumière jaune. Un chat ressemblant à celui de la voisine du troisième traverse la route avant de se mettre à courir en direction du parc au bout de la rue. Quelques minutes plus tard, une voiture rouge vif passe, éclaboussant le trottoir en roulant dans une flaque d'eau. La lumière des lampadaires se reflète le temps d'un instant dans les gouttelettes alors que ces dernières s'écrasent sur le goudron. Je colle mon front contre la vitre gelée. L'aboiement d'un chien se fait entendre puis le silence redevient maître.

Le visage de Simon apparaît alors en transparence dans mon champ de vision et je me trouve à sourire bêtement en pensant à lui. Les larmes recommencent à dégouliner le long de mes joues. Je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai réagi aussi violemment à sa déclaration. Étais-je dans un refus de la situation, ou bien est-ce que cette situation me semblait si surréaliste que je me braquais et rejetais Simon alors que j'aurais voulu le serrer dans mes bras ? Je suis encore en pleine confusion. Je n'ose d'ailleurs pas imaginer l'état dans lequel doit se trouver Simon après que je l'ai ainsi ouvertement rejeté. Le connaissant, il doit être dévasté. Et c'est moi qui lui ai fait du mal.

Je fixe le mur pendant de longues minutes. Mes yeux bouffis me lancent et je ne peux m'empêcher de me mâchouiller l'intérieur des joues. Que suis-je censé faire ? Je me suis comporté comme un parfait abruti, et maintenant mon meilleur ami (qui est accessoirement le garçon dont je suis amoureux ...) me déteste. La vie réelle n'est pas aussi simple que dans les romances télévisées. Et cela même si les deux personnages principaux sont amoureux l'un de l'autre.

La lumière de l'appartement au quatrième étage de l'immeuble d'en face s'allume subitement, illuminant les murs des bâtiments alentour. L'une des fenêtres est ouverte et une forme que je peine à assimiler à celle d'une femme s'accoude au garde-corps. J'aperçois une flamme dans la pénombre et le bout d'une cigarette que l'on allume. La femme fume ainsi pendant quelques minutes avant de refermer la fenêtre et d'éteindre les lumières de son appartement, m'abandonnant par la même occasion dans ma solitude et ma mélancolie nocturne.

Ma poitrine semble se resserrer sur elle-même. Est-ce qu'il pensait vraiment tout ce qu'il a m'a dit ? Serait-ce possible que j'ai été aussi aveugle tout ce temps ? Ce pourrait-il que j'aie ruiné toutes nos chances en me comportant comme un véritable nigaud ? Je laisse ma tête tomber sur mon oreiller, les pensées en vrac.

Quinze minutes plus tard, je suis en train de compter le nombre d'étoiles fluorescentes que Simon avait absolument voulu coller à mon plafond il y a quelques années. Je ferme les yeux quelques instants, la main sur le cœur, et essaye de cesser de me torturer l'esprit à penser à mon meilleur ami. Mais c'est tout bonnement impossible ... comment passer outre tout ce que je ressens pour lui ? Je suis incontestablement et irrémédiablement amoureux de Simon.

J'attrape automatiquement mon téléphone, incertain quant à la suite des évènements.

« Désolé d'être con. Je t'aime aussi. »
message envoyé.

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