Être ensemble

L'aventure.

Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres, même si tous les «aujourd'hui» ne sont jamaisdes jours comme les autres, parce que chaque jour est unique. Exceptionnellement, ce jour là,je le sais, va marquer définitivement mon existence. Il sera le début d'un nouveau souffle surcelle ci, il la bouleversera. Il va bouleverser ses contraintes, ses habitudes, ses obsessions, sestraditions et ses règles, peut-être même ses principes.C'est pour cela que j'ai fais le choix, il y a une semaine, de me lancer dans un tour du monde,que j'effectuerai principalement à pied. Je préférerait les endroits de nature perdus, où la vieest plus rude, aux villes sécurisées dans le but de me surpasser et tester mes limites. Je melance, certes, sur un coup de tête, mais il m'est indispensable. Je pars seule, car j'ai besoin deme retrouver, de retrouver qui je suis, les éléments qui me composent, ma vraie nature etd'être «ensemble» avec moi même, si je puis dire.J'ai pour désir de me reconnecter au monde qui m'entoure. Cela en devient même un besoin,au final.Je n'ai pour bagage qu'un sac à dos où se trouvent quelques uns de mes vêtements, ceuxauxquels je suis le plus attachés, provenant de personnes qui me sont chères. J'emporte aussimes deux carnets de notes et quelques stylos trouvés au fond de ma trousse d'étudiante qui neme servait plus à grand-chose ces derniers mois, je l'avoue. J'ai pris quelques médicaments etoutils de secours, une gourde contenant de l'eau que je remplirai au cours de mes voyages, àune fontaine, une source, ou bien une rivière en dernier recours. Je n'ai pas oublié ma secondegourde qui contient une infusion à base de gingembre, cet aliment aux vertus exceptionnellesqui soigne bien des maux, au goût dont j'ai toujours raffolé. Je pense que je consommeraicette boisson miracle lors de mes moments de faiblesse mentale ou physique, et je sais qu'elleparviendra à me donner l'énergie nécessaire pour continuer à me battre. Elle sera aussi encapacité à me réconforter, ça a toujours été le cas dans mon petit chez moi, il n'y a pas deraison que ça ne le soit pas à l'autre bout du monde.Ce choix s'explique par bien des causes... Pour commencer, mon enfance a eu pourconséquences futures de nombreux démons qui ont logés à l'intérieur de mon âme. Mon pèreest décédé sous mes yeux, une nuit. Ce qui a profondément traumatisée la petite fille que j'aiété, et ce souvenir restera en moi toute ma vie. C'est comme se prendre un coup de poignarddans l'estomac ou tomber d'une hauteur approximative de 28 mètres, la douleur aura beaus'estomper au cours de la vie, la cicatrice restera présente. C'est un événement inscrit sur mapeau, dans mon comportement, dans mes combats, contre la vie, contre la mort et contre moimême. Il a beau faire partie du passé, il me suit comme mon ombre.A l'école, j'ai été une élève seule, moquée des autres élèves, et qui servait de défouloir auxplus malheureux. Une petite fille modèle (avec du caractère tout de même) qui suivait à lalettre ce qu'on lui demandait de faire pour ne jamais décevoir personne, parce qu'on lui disait«réussir à l'école, c'est réussir dans ta vie future, tu verras». Alors elle pensait «il faut que jebrille, que je sois la meilleure, et que jamais rien ni personne ne me déstabilise, surtout neperd pas le contrôle». Je n'aborderai pas ma vie d'adolescente, qui a été le plus grand etmonstrueux des chaos, guidées par de sombres dérives, soumises à des angoisses à n'en plusfinir. Une dépression, une lassitude de vivre, une révolte contre le monde qui me suit encore,que je le veuille ou non. J'ai parfois la sensation que cette révolte s'inscrit dans mes gênes.Elle est le sang qui coule dans les moindres veines qui parcourent ma chair. La révolte pour lapaix, pour l'amour dans ce monde qui dérive comme un bateau dans l'océan qui aurait heurtéun ice berg.Mais dans tout ça, qu'est-ce qui m'a réellement aidée à tenir le coup? Écrire. Écrire pourlaisser une trace avant tout. Une trace de ce que j'ai été, de ce que je suis, de ce que je serai.La musique m'a aidée, je me suis reconnue en elle. Poser des milliers de mots les uns à lasuite des autres sur ce qu'on ressent accordés à la mélodie de si puissants instruments, quoi deplus beau?La nature aussi m'a aidée, avec les animaux qui la composent. Elle a été mon refuge le plusfidèle et le plus soucieux de ma personne, bien avant les êtres humains. Petite, je parlais auxarbres, aux fleurs, aux plantes, je savais qu'ils m'entendaient par une force hors du commun.Peut-être par l'intermédiaire du vent, qui pouvait emporter mes paroles par la force de sonâme. Car oui, selon moi, chaque élément de la nature à une âme. Et j'ai toujours détesté larace humaine pour son égoïsme et l'idée fictive qu'elle s'est crée en ce qui concerne sa pseudo«supériorité» sur le monde.J'étais sur la terre ferme mais j'aurai voulu aller au-delà de tout cela. Dans mes rêves les plusfous, j'aurai souhaité voler comme un oiseau au dessus du monde, pour connaître la sensationde liberté qu'ils ressentent. J'ai toujours admiré les oiseaux. Je me demande parfois si, dansune vie antérieure, je n'en fut pas un. Mais dans cette vie là, je me suis brûlée les ailes.On m'a toujours trouvé bizarre, mais c'est sûrement et sans aucun doute le trait de caractèreque je préfère chez moi. Je converse avec la lune, je souris au soleil et je me confie à lanature. Quoi de plus anormal?Quand je me trouve au beau milieu de la nature, je forme un tout, le tout le plus complet quisoit. Je «suis ensemble» avec moi même et le reste de l'univers. Cette phrase n'est peut-êtrepas correcte mais c'est la meilleure que j'ai trouvé pour représenter mon état. C'est un état deplénitude, de paix intérieure, de joie, de symbiose et de synesthésie.Je suis en quête identitaire permanente. Et ce voyage, ce long voyage dont je ne sais ni ladurée, ni la destination précise, est une quête identitaire pour moi.C'est une nouvelle vie d'aventure qui m'attends. Je souhaite qu'elle soit un perpétuelapprentissage sur moi même, et un remède contre les blessures qui marquent mon être dansles moindres détails qui le composent, et qui agirait sur les cicatrices profondes qu'à lassé lavie sur moi. Et je sais que c'est en découvrant l'univers qui nous entoure que l'on seredécouvre soi même, sous un nouveau jour, plus beau et plus fort qu'on ne l'aurai imaginéauparavant.C'est cet aujourd'hui qui marque le début de ma nouvelle vie, de ma véritable vie.