Automne meurtrier

                                                  Un squelette retrouvé dans le bois Woodcrows

 Ce 14 février 2018 à 6 h, une vieille dame (souhaitant garder l'anonymat) a trouvé lors de sa promenade matinale habituelle un crâne. La police fut immédiatement appelée et se hâta de se rendre sur place. En fouillant la zone, des ossements constituants sans doutes le corps , furent découverts. Le célèbre anthropologue Mills Dickens fut mandaté par les autorités pour reconstituer le squelette et déterminer les conséquences de la mort.

Mort naturelle ? Suicide ? Meurtre ? Ceci est encore un mystère. Et surtout, qui est-ce ?

Nous vous tiendrons informés au fil de l'enquête, Chers Lecteurs. En attendant, restez sur vos gardes et gardez vos portes closes la nuit, car le mal n'est jamais loin.

                                                                                                                                                                                Jane Law

Merde ! Je croyais avoir enfin semé les affres de mon passé. Et voilà qu'IL ressort à la surface. Les flics ne savent pas qui est le tas d'os retrouvé dans les bois, mais, moi je le sais, c'est Théo Strodd. Et toi, Jane, tu le sais aussi, mais tu ne le diras pas n'est ce pas ? Les habitants du coin aussi doivent s'en douter. Il suffirait de rechercher dans les vieux dossiers d'enfants disparus pour faire le lien. Théo a «disparu» le 31 octobre 2002, le pire automne de ma vie. Pas que le mien, celui d'un groupe d'amis, trop jeunes à l'époque pour vivre ce que nous avons vécu.

Il faisait bon cet automne-là, tellement qu'on pouvait encore se passer de pull-overs et de vestes. Après le lycée, Théo, Jane, Cole et moi, nous retrouvions pour aller dans le bois WoodCrows. On avait construit une cabane et nous allions là-bas pour fumer et boire de l'alcool en cachette, et surtout oublier nos vies en dehors de ces moments. Des adolescents tout ce qu'il y avait de plus normaux. Cole emmenait parfois ses conquêtes ici pour plus d'intimité, un vrai coureur. Jane venait surtout pour le calme et être le plus loin possible de ses nombreux frères et sœurs, trois garçons et trois filles avec Jane au milieu, un sacré bordel à la maison. Théo, cherchait surtout à fuir son père alcoolique et violent qui passait son temps à humilier sa femme et son fils. Quant à moi, je désirais seulement m'extraire du cocon familial, trop conformiste et fermé à mon goût.

Jane savait déjà quelle voie professionnelle prendre, le journalisme spécialisé dans les meurtres ou d'investigation, si vous préférez, sa passion de toujours. Quand je pense à elle, je la vois avec un journal ou magazine parlant d'affaires criminelles. La petite nana aux grandes lunettes rondes, perchée dans un arbre, avec une lueur dans les yeux presque inquiétante lors de ses lectures plus glauques les unes que les autres. Je ne comprenais pas cette fascination morbide, le plaisir qu'elle pouvait prendre en lisant des détails de meurtres violents, sanglants, des actes inhumains. Je crois qu'en réalité, j'avais peur de finir par être atteint par la noirceur et de devenir un monstre à mon tour. J'aime l'obscurité et ai un penchant certain pour la psychologie, mais, seulement quand c'est de la fiction. Ce qu'elle adorait par-dessus tout c'était connaître le passé du tueur, essayer de rentrer dans sa tête, chercher sa logique, sa façon de penser. Elle nous pondait une ribambelle de théories pour expliquer pourquoi et comment un tueur devient un tueur. Pour cela, elle faisait tout un tas de recherches, observait le mode opératoire, les actes commis sur les victimes pré et post mortem. Et elle était vraiment douée, c'était ça le plus effrayant.

Cole lui ne savait pas trop quoi faire plus tard. Il disait que rien ne pressait, que le temps était en sa faveur, qu'on était jeunes. Il voulait profiter de son succès auprès des filles au maximum. Oui on était jeunes mais, pas assez pour ne pas penser à notre futur. Même les profs commençaient à nous mettre la pression pour choisir notre voie et nos futures études. Et le temps, ça file à une vitesse folle. En tout cas, il allait accélérer dans peu de temps. Et les filles et la jeunesse ne changeraient rien à ça.