Partie I

28 2 0
                                    




Aller,je me lance à brûle pourpoint. Pourtant je ne sais pas ce qu'est un pourpoint et il fait plutôt froid. Un froid que je ne ressent pas.
Il neige. J'ai dû mal à distinguer où je vais. D'autant plus que j'ai la tête baissée pour éviter ça-et-là une flaque plus mouillée que la neige sur laquelle se posent mes pas. À moins que ce ne soit justement à cause des flocons tombant devant mes yeux que je les garde fixés sur le sol. Ma capuche rabattue me limite encore le champs de vision, surtout périphérique. Mes chaussures s'enfoncent l'une après l'autre dans les deux centimètres de gadoue en devenir. Je ne saurais dire si c'est des baskets, des chaussures de montagne ou de ville. Mais il me semble ressentir l'humidité à l'intérieur et je glisse sur cette couche mi-neige, mi-eau, si bien que la dernière option me paraîtrait plus plausible. C'est étrange mais je ne sais pas grand chose. Pas si étrange que cela finalement. Je ne sais pas ou je vais même si je suis à la fois en train de m'y rendre et rendu. Au terme de mes errances sur cette place parsemée d'hiver détrempé se dresse une cathédrale au contours surlignés de blanc.Je prend garde à ne pas descendre sur la route qui fait le tour de la place mais en réalité pas une seule voiture n'as été visible de tout le trajet jusqu'au perrons du bâtiment. Juste avant cela j'étais sur un plateforme métallique oblongue qui courait en hauteur le long d'un train. Je venais d'ailleurs d'en sortir me semblait-il mais là encore, cela restait flou. Dans ce hangar métallique sombre, la vapeur du train emplissait tout l'espace. Le plafond n'était pas visible pourtant j'avais l'impression qu'il n'était pas bien haut au dessus de ma tête. L'espace était restreint, les deux plateformes le long de la voie se touchaient presque, et entre elle le sommet du toit arrondis des wagons faisait comme un pont auquel les barrières de métal ne nous laissait pas accéder. J'ai le sentiment d'avoir été accompagné ce moment là et d'avoir perdu cette compagnie entre le moment ou j'étais dans ce hangar sombre et celui ou je marche dans la neige sous le ciel bas. Ici, il fait plus clair, du fait de la neige, mais à la fois plus gris pour la même raison. Les flocons tombent tranquillement mais ils sont gros.

Je suis entré. La porte de la cathédrale s'est entrouverte. Le craquement résonne encore. Pourtant, elle s'est déjà refermée derrière moi. L'écho se réverbère contre les murs. Comment cela peut-il durer si longtemps? Je lève les yeux.
Le malaise que j'avais senti naître en moi en entendant les rebonds successifs du son contre les parois décolle à l'instar de mon regard qui peine à trouver une accroche, et ripe contre la surface lisse des colonnes de marbre pour monter toujours plus haut et accentuer toujours plus cette sensation intense de vide dans mon ventre comme s'il cherchait à embrasser avec ferveur cet immense absence de tout dans lequel se perd mon regard qui continue de monter à la recherche d'un support sur lequel se fixer.
Ça y est, je distingue le plafond de la coupole tout en haut. J'imagine tomber. Mais vers le haut. Je me sent défaillir, comme sous l'emprise d'un sommeil s'imposant opiniâtrement en moi. Dès que je lève les yeux, je me sent submergé par le vertige de cette hauteur sous plafond. Un vertige inversé. Vers le haut. Que me cause cette répulsion d'élévation ? Ça non plus je ne le sais pas. Mais la cathédrale me domine de tout le poids de ses fondations et de tout le vide qu'elle contient sous son arche monumentale. Il doit bien y avoir une centaine de mètres avant de trouver de nouveau la pierre au dessus de moi. Je me sent comme étranger à cette opulente manifestation de la puissance du démiurge. Mes oreilles captent différemment le son répercuté dans cette enceinte, elles lui donnent un aspect métallique comme le goût qui se met à inonder ma bouche. Ma vision se rétrécit. Malgré mes yeux de plus en plus écarquillés, je voit une ellipse noire se refermer sur le monde et il finit par disparaître.

Est-ce possible de s'évanouir en rêve ?
Suis-je vraiment ce que je crois ? Pourquoi entrer dans cette demeure de Dieu m'aurait causé un malaise aussi grand ? Merde, je ne comprends rien, ça ne peut être possible. Mais je ne sais pas qui je suis alors... Pourquoi en avoir franchit le seuil dans ce cas, en admettant que je sois vraiment...


Je rampe sur le carrelage froid. Centimètre par centimètre, je progresse vers la porte. Mais j'ai émergé presque au centre du monument et elle est encore loin. Je me sent partir plusieurs fois avant de l'atteindre. Au terme de ces nombreux noirs, l'impression se fait plus évidente encore, devenant une certitude alors que je parviens enfin à sortir de cet l'antre dont je suis l'exact opposé. Je ne comprend toujours pas ce qu'il vient de se passer mais je sais désormais qui je suis, même si je ne veux pas accepter que cela soit vrai.


La cathédrale sous la neigeWhere stories live. Discover now