Frontières

Au début

Là, c'est chez moi. Certains trouveront ça bizarre, mais je ne suis qu'à dix pas du village. Les villages marocains sont les plus beaux, les plus accueillants, les plus conviviaux. Oui, je suis marocaine, tellement fière de l'être ! Même si mon pays fait n'importe quoi en ce moment. J'ai grandis dans un milieu hyper ouvert, à tout. Mon papa, un marocain chauvin, et ma mère tout autant. Mais notre porte était toujours ouverte aux étrangers.

J'ai été éduqué dans une école de mon village, 75 élèves au total. J'ai appris le français, maman me disait que ça servait plus tard. J'imaginez pas encore à quel point. La vie a toujours été tranquille. De la maison à l'école, de l'école à la place devant l'école où je jouais avec mes potes, de la place au club de musique et du club à la maison. La musique c'est toute ma vie, sans mon violon je suis perdue. Mes parents me disent que j'ai un dons. En tous cas je prend toujours autant mon pied à jouer.

Mais les moments que je préférais étaient les long moments sur le terrain de foot le week end avec tout le monde. On passait des heures à rigoler en faisant les blague pourris, des gages et ce genre de choses qu'on fait toujours entre amis. Une de mes super amies, Simia, qui était au club de foot, nous a apprit et on faisait des parties incroyables ! 

Tout ça a changé quand j'ai dû partir en ville pour l'école supérieur. Heureusement, mes parents avaient l'argent pour que je puisse y aller. Simia avait abandonné les études et était parti dans un club semi-pro. Je suis partis à Casablanca, à deux heures de chez moi. Je ne pouvais pas revenir à la maison que pendant les vacances, ça ne rendait les retrouvailles que plus belles ! L 'interna m'a vraiment permis de prendre mon envole, un peu tôt certe mais je m'y sentais bien. Ça m'a aussi permis de découvrir la ville. Moi qui étais toujours resté couvée dans mon petit village, j'ai découvert les grands espaces, avec beaucoup de monde, les dangers de la circulation, le fait de vagabonder au milieu des grattes-ciels dont on ne voit même pas les toits, avoir accès à des dizaines de lieux pour la culture et le savoir, bref... la vie autrement. Je me suis tout de suite sentis bien et libre dans ce monde presque nouveau pour moi. Mes études ? En médecine. A 15 ans, après la petite école dans mon village, l'école supérieure m'a directement demandé une spécialisation. Ma maman avait toujours rêvée de faire des études, par manque d'argent, elle s'est raccroché aux rènes de son mari, mon père. Je sais, histoire très clichée mais malheureusement vraie. C'est grâce à elle que j'ai pu partir, elle était tellement heureuse de me voir prendre le train, seule. "Elle est grande, elle va se construire, elle va avoir un avenir !", elle répondait à tout ceux qui se demandaient pourquoi si jeune.

L'école supérieur était un lieux où la société était résumé en quelques têtes. Et au milieu de tous ces gens différents, avec leur histoire, leurs origines, leur famille, je me sentais un peu trop normale, c'en était presque vexant. Mais petit à petit, j'en avais découvert pleins, de différences. Par exemple le fait de n'avoir pratiquement jamais été en ville, de ne pas en connaitre les recoins, d'être fane de musique et en même temps de foot etc... Bien sûr, à côté de ma nouvelle amie, Miria, originaire de Chine, j'en menait pas large. Ses petits yeux bridés m'avaient tout de suite fait craquer. Elle s'était faite adoptée à l'âge de six mois, elle le savait, elle le vivait bien. On était devenues hyper proche, une complicité sans borne, parfois même au détriment des cours. Avec des après midi interminables sur la fontaine devant la mairie, qui me rappelaient tellement le stade de mon village. Quelques bringues assez tardives, et une petite dose de bêtises. Mais on dit que c'est ces bêtises qui forment la jeunesse !

Mon arrivée en ville fut tranquille, en colocation, ma vie de femme pouvaient enfin commencer.