Delphine et Daphné

Partie 1 sans titre

(Bonjour ! Je vous présente mon roman Delphine et Daphné. N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire ou par message privé. Je suis curieuse de tous les avis, positifs comme négatifs !)

Daphné

La roue de mon vélo crisse sur les feuilles mortes. La pluie me gicle au visage. Le vent décoiffe mes cheveux. Je force sur les pédales. Rien ne pourra m'arrêter. Rien sauf...

— Daphné, attends ! J'ai déraillé !

Je compresse le frein de toutes mes forces et me retourne. Dix mètres en arrière, Camille court pour me rattraper. Son pied glisse sur la terre et elle manque de déraper, mais ses doigts crispés au guidon la retiennent. Elle décide finalement de s'abriter sous un chêne qui borde le chemin.

Avec une averse comme celle-ci, il n'y a pas un chat dehors. De gros nuages noirs recouvrent le village depuis ce midi. Vers quinze heures, alors que je terminais mes devoirs, d'énormes gouttes ont commencé à se fracasser sur la maison, un vrai déluge ! Je me suis précipitée chez Camille, vélo en main, et nous avons décidé d'aller faire un tour. La terre du chemin s'est progressivement transformée en boue informe, de plus en plus molle. A présent, on croirait patauger dans des sables mouvants ! Mes baskets sales s'enfoncent tellement que je peine à rejoindre ma meilleure amie. L'eau de mes cheveux dégouline sous mon K-way, quelques gouttes audacieuses s'aventurent même dans ma nuque, me rappelant comme j'aime cette étrange sensation du froid contre le chaud. Sous les branches du chêne, on est un peu plus au sec. Camille s'est assise sur le talus d'herbe, son vélo à côté d'elle. Je pose le mien contre le tronc massif et m'installe à ses côtés. Sous sa capuche, derrière ses cheveux blonds tout ébouriffés, rayonne un sourire étincelant :

— C'est génial ! Je n'aurais jamais pensé que c'était aussi bien de faire du vélo quand il pleut ! C'est une super idée, Daph !

Camille m'appelle souvent Daph. Les autres amis se contentent de « Dada », même si je trouve ce surnom ridicule. Mon vrai prénom est Daphné. Je lui rends son sourire, ravie de l'avoir initiée au plaisir des sorties pluvieuses. Depuis la maternelle, Camille a toujours participé à mes idées les plus folles avec le même enthousiasme. Cet après-midi, quand j'ai frappé chez elle, vélo en main, elle a d'abord été un peu surprise, puis elle a accepté. Maintenant, avec ses cheveux dégoulinants, son visage inondé et ses yeux bruns scintillants derrière ses lunettes recouvertes de buée, je la trouve plus belle que jamais.

Camille est pourtant très complexée par son physique : elle se trouve trop ronde, et n'aime pas son visage. "Je suis blonde, m'avait-elle dit un jour, toutes les blondes ont les yeux bleus ! Toutes, sauf moi !". Elle avait vite arrêté de se morfondre sur son sort par pudeur, et parce que ce n'est pas trop son style de se plaindre. Camille est calme et posée, souvent la première personne à me raisonner quand mes projets sont trop saugrenus. Je ne lui ai jamais dit de peur qu'elle le prenne mal, mais sa personnalité me fait un peu penser à un rocher : quelque chose de stable, de solide, de sincère, qui résiste à la tempête en toute discrétion.

A cet instant, je tente de replacer sa chaîne sur le pilon. Elle me regarde faire, sur mon épaule.

— T'es une pro, Daph. Qui t'a appris ça ?

— Mon père. Il a déraillé au moins cinquante fois dans sa vie. Il adore faire du vélo.

— Tu fais souvent des balades avec ta famille ?

— J'en faisais beaucoup avec Papa, quand j'étais petite, avant qu'il ne soit si occupé par son travail. Maman et Delphine restaient à la maison.

C'est toujours le cas aujourd'hui : quand je sors, Delphine fait ses devoirs. Chaque soir, elle y passe une heure de plus que moi, elle apprend tous ses cours par coeur au fur et à mesure. Personnellement, je trouve qu'elle aurait bien besoin de s'amuser un peu plus. Delphine, c'est ma soeur jumelle. Physiquement, on se ressemble comme deux gouttes d'eau : on a les mêmes cheveux châtains clairs ondulés, les mêmes yeux sombres, la même peau claire. Nous sommes toutes les deux minces et légèrement plus petites que la moyenne des filles de notre âge. Par contre, nous n'avons pas du tout le même caractère.