Juste le temps d'une bougie

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Tout n’ est qu'une question de temps.
La valeur de ce dernier s’estime selon un sentiment associé. Si vous souffrez, il ralenti. Vous êtes heureux, et il passe de façon incontrôlable. Néanmoins, chaque seconde, chaque minute et chaque heure restent les mêmes. Quand prend on réellement conscience de l’importance du temps qui passe ? Si le besoin d'un sentiment intense est l'unique moyen de modifier la perception tu temps, il est des moments où l'on s'en passerait bien.

Ce matin là, Mélisandre en est déjà à son 5e cafés. Non pas qu'elle soit plus fatiguée que d’habitude mais le vendredi reste une journée définitivement  plus longue que les autres à l'approche du weekend ;encore une perception modifiée du temps. En ce moment même, Nathanaël doit encore être sur la route. Il vient la rejoindre pour déjeuner. Une petite pause qui passe toujours à la vitesse de la lumière mais qui s’avère salvatrice en ce jour ralenti. Elle sentit son téléphone vibrer dans la poche droite de son jeans. Elle esquisse un sourire à l’idée de lire le message de son homme lui annonçant son arrivée. Il faut dire que ces deux dernières années furent, à quelques détails près, parfaites. Elle était folle de lui. Il était tout ce qu il lui fallait. Plus il était proche d'elle, plus le temps accélérait. Chaque trait d’humour était un bonheur traversant son ventre de part en part, chaque regard échangé avait ce fameux pouvoir, non pas de ralentir, mais d’arrêter ce fichu temps qui s’égrainait sans cesse. Ils ont l'avantage de la jeunesse qui permet la violence du sentiment amoureux. Il rempli le cœur et réchauffe le corps, il explose la tête en un feu d'artifice cérébral sans abîmer la moindre cellule et confère un sentiment d’éternité qui a le pouvoir de contrer le temps. Une deuxième vibration l’interpella. Sûrement un appel de dernière minute qui selon son origine, pouvait contrecarrer son plan de déjeuner avec son amoureux. Elle jeta un regard sur son smartphone. Appel masqué. Une petite boule se serra sans raison au creux de son ventre. Elle décrocha en espérant ne pas perdre de temps sur son programme de la journée.

Une voix masculine inconnue lui demanda son nom. Elle confirma son identité. Alors que la voix lui parlait, sa main se mit à trembler. Ses jambes se dérobèrent sous son poids et ses yeux s'embrumaient de larmes sans même s'en rendre compte. Le temps se permit de marquer une pause plus grande que d'habitude.  La scène sembla durer une seconde, une heure, une éternité. À se demander si l'horloge allait se remettre en route. Son cerveau ne tria mécaniquement que quelques mots triés sur le volet. Voiture, percuta, tout ce qu'on a pu, désolé. En soi, l'essentiel était là. Ou plutôt non, l'essentiel n'était plus la. Comme un tour de magie malsain, en une fraction de seconde, elle se retrouva devant les portes de l’hôpital. Elle fut prise en charge par les personnels soignants et son corps lâcha lorsqu'elle vit le visage serein de Nathanaël semblant dormir sur cette table brillante, lisse et froide. Elle fut vidée de tout sentiment. Elle était morte avec lui. Le temps n'a plus d'importance, qu'il défile ou qu'il patiente, il est devenu illusoire. Nathanaël semble  si calme. Les secondes n ont plus aucunes prises sur lui. Il dort.

Plusieurs semaines passèrent et Mélisandre était cloîtrée tant physiquement que mentalement. Elle passait ses journées à user du regard des photos de lui. La senteur d'une bougie parfum d’automne la raccrochait aux derniers souvenirs d'eux. Des projets qui demandaient du temps et de la patience, les éclats de voix et les rires résonnaient encore sur les murs de l'appartement. Les remises en questions, le marchandage, la colère, le refus jusqu’à l'acceptation. Cela prend du temps. Il n’était plus la. À chaque bruit de clés dans les serrures des portes voisines, elle s'imaginait le voir entrer, la prendre dans ses bras et lui glisser à l'oreille que le temps n'aurait aucune emprise sur eux. Elle y croyait et elle aimait ça plus que tout.

Nathanaël était entouré de blanc immaculé. Il se souvient très bien du choc lorsque sa voiture rencontra cet arbre. Ce fut tellement rapide qu'il n'a même pas réagi. Dans cet étendu lumineux, Il chercha du regard un endroit où aller. Il compris rapidement que quelque chose clochait. Il n'y avait pas d'endroit où aller, pas de choses à espérer. Il pensa à elle. Elle l’avait sûrement attendu en le cherchant désespérément du regard. Il l'avait déçue. Il ressentie une douleur au fond de lui. Tout peut donc s’arrêter comme ça ? Dieu n'avait il pas une once de pitié ? Est-ce que son inattention si petite soit elle méritait un sort si terrible ? Et elle, son amour, son ange méritait elle une souffrance si intense ? Il n’attendait pas de réponse. Mais bizarrement, une légère voix intérieure s'adressa a lui. Elle lui confirma son intuition. Il était mort. « et merde » pensa t il. Il interrogea cette voix pour avoir des nouvelles de son cœur. Aucune réponse. C est étrange comme on peut se faire une certaine idée de la mort. On se dit que c est la fin de tout sentiment douloureux. C est faux. Il souffre encore. Il souffre pour elle. À son tour, il se mit à marchander, à négocier des choses impossibles, en vain.

Mélisandre comblait le vide. Elle s’endormait dans les vêtements de Nat et écoutait sa voix sur le répondeur téléphonique. Son regard se posa un instant sur une bougie qu il lui avait offert quelques jours avant son départ. Une petite bougie dans les tons marrons clairs aux senteurs boisées. Elle hésita plusieurs fois à l'allumer. Elle la regardait comme une relique, dernier souvenir d'un bonheur à jamais fini. Sa main fébrile craqua une allumette et approcha la flamme de la mèche. Aussitôt , la senteur envahi ses narines et fermant les yeux, elle se laissa aller à ses songes.

Nathanaël en proie avec cette voix intérieure sentait son corps s'alourdir alors que le poids n'a désormais plus aucun sens ici. De même que le temps qui passe. Il se sentait attiré vers le bas, comme aspiré dans un courant d'air descendant. La petite voix pris un ton doux et apaisant. Puisqu’à présent il connaissait la valeur du temps, il aurait le delai d'une bougie pour dire adieu correctement à sa protégée, à son âme sœur, à Mélisandre. Remerciant intérieurement cette voix,  il fut plongé dans le noir.

Il la vit allongée sur le lit, les yeux fermés et le visage serein. Qu'elle était belle. Il se l'était dit chaque matin, à chaque réveil. L'odeur boisée dans la pièce lui emplit le cœur d'un sentiment de plénitude. Elle sentit une douce caresse sur sa joue. Elle connaissait ces doigts par cœur. Elle savait sans même ouvrir les yeux que c’était lui. Elle n’ eu pas de réaction vive ou violente. Elle ouvra simplement les paupières et ils retrouvèrent face à face. Il la regarda d un sourire sincère. Elle se colla à lui, et espérait que le temps s’arrête. La bougie brûlait inexorablement. Il lui expliqua ce qu'il se passait. Il lui dit des mots qui la rassuraient pour calmer la douleur. Elle ne cherchait même pas à se réveiller. Elle vivait le moment présent au rythme des secondes que l'on venait de lui accorder. L avenir est angoisse, le passé est regret. Le présent est le seul moment où l'on vit vraiment. À ce moment là , rien ne comptait plus que de vivre. Ils se plongèrent dans les yeux l'un de l'autre et enfin, le temps s’arrêta.

La bougie resta figée, comme ralentit par la puissance des sentiments. Cela a peut être duré une seconde, une heure ou bien même une éternité. Cela a duré et c est tout ce qui compte.

Leur regard retraça leurs moindres souvenirs communs comme pour y mettre un terme, une conclusion heureuse et un adieu à la hauteur de la force de leur histoire. Car peut importe le temps qu elle aura duré, elle aura été la chose la plus puissant qu ils aient connu. Et dieu merci, ils l'ont connu ensemble. Elle ferma les yeux, il lui glissa à l'oreille les quelques derniers mots d'un au revoir à la douceur incroyable. Elle garda les yeux clos et senti le corps de Nathanaël s’éloigner.

Mélisandre se réveilla sur son lit. Le cœur apaisé d'un adieu terrible mais parfait. Ses yeux se poseront sur la bougie couleur ocre une dernière fois. La flamme était éteinte et une légère fumée montait emprunte d'une une odeur toujours aussi douce. A-t-elle rêvé ?

Peu importe le temps que l' on vous accorde. Qu'il soit d'une seconde, d’une heure ou d'une éternité. L'important est de le vivre, ne serait-ce que le temps d'une bougie….

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⏰ Last updated: Oct 21, 2019 ⏰

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