Prologue

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DÉBUT JUIN 2018



Dans l'ombre du lycée Jean-Espoir, le harcèlement scolaire se propage comme la peste. Les adultes le perçoivent comme un jeu entre adolescents et n'y accordent aucune importance. De ce fait, lorsqu'une illégalité se présente devant moi, je n'imite pas ce personnel incompétent, et je décide d'agir. Mon initiative ne passe pas inaperçue aux yeux de mes camarades qui, en peu de temps, me surnomment « La Justicière ».

Ce sujet sensible m'affecte depuis que je suis tombée sur un reportage à la télévision. Les témoignages de ces victimes m'ont glacé le sang. Je me souviens de celui d'une collégienne, elle possédait le physique typique d'une fille de son âge. Derrière le sourire qu'elle s'évertuait à montrer face aux caméras se cachait une adolescente poignardée par ses camarades d'école. Plus elle avançait dans son récit, et plus un flot de larmes longeait son visage. Elle estimait mériter cette injustice, qu'un groupement d'individus ne pouvait pas s'en prendre à elle sans raison.

Dans un autre témoignage, une mère racontait l'histoire de son fils, le cœur lourd. Ce dernier avait pris la décision ultime, celle de mettre fin à ses jours.

Avec Cindy, ma meilleure amie, nous luttons pour que cela ne se produise pas dans notre bahut. Les enfants ne montrent aucun signe de détresse à leurs parents. Ils gardent le silence pour ne pas les décevoir.

Mais les décevoir de quoi ?

Pourquoi se taire alors que les adultes détiennent le pouvoir d'apporter la lumière à ces pauvres êtres sans défense ? Voilà la raison qui me pousse à me battre et à imposer l'équité au sein de cette école.

— À quoi penses-tu, madame la Justicière ?

— À rien.

— Ouais, bah tu ferais mieux de songer à bouger tes fesses et d'aller parler à Loïc.

Je frappe l'épaule de mon amie. Elle dit vrai. Loïc, un élève de ma classe, provoque en moi des palpitations irrégulières. Sa bonté et sa beauté m'envoûtent. Nous partageons les mêmes cours, et pourtant, je m'adresse très rarement à lui. Nos simples échanges se résument à un « Salut », ou encore à un « Bon week-end ».

L'année scolaire se terminant à la fin du mois, Cindy me pousse sans cesse à faire le premier pas. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais, dès que ses iris croisent les miens, mon corps se pétrifie, et mon courage prend la fuite. Par conséquent, j'enfile mon costume d'espionne et guette ses moindres faits et gestes. Si j'établissais une liste de toutes mes connaissances sur Loïc, je remplirais un cahier grand format de quatre-vingt-seize pages. Parfois, lorsque je n'arrive pas à détacher mes yeux de lui, il tourne la tête dans ma direction. Dans ce genre de moments, j'essaie de regarder n'importe où ailleurs, me retranchant dans une contemplation du vide. Le remarque-t-il ? D'après Cindy, ce serait écrit en gros sur mon front.

Dommage que je ne porte pas de frange.

Plus je l'observe, et plus je tombe éperdument amoureuse de lui. Son naturel calme, son sourire radieux, sa voix douce et rauque à la fois, sa manière de replacer ses cheveux en arrière, tout chez lui me rend complètement folle.

— J'ai une idée, lance-t-elle en sautant du banc où nous sommes assises. Contrairement à toi, je lui ai déjà parlé, je peux aller le voir et...

— Non, ne fais rien, la coupé-je, affolée par l'idée qui vient de lui traverser l'esprit. Il doit sûrement me prendre pour une psychopathe, je ne veux pas envenimer les choses.

Écris-moi (T1) [Sous Contrat D'édition]Where stories live. Discover now