Trou Noir

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« Mademoiselle, mademoiselle !!  »

La jeune fille émergea lentement du sommeil. Sur le plafond, les petites étoiles collantes brillaient encore un peu. Sur sa table de nuit, sa lampe illuminait encore sa chambre avec de petites licornes. La lumière de dehors était filtrée dans les volets, seul signe que le jour s'était levé.

Les coups se répétèrent à la porte.

« Mademoiselle ! Je vous en pris ! Répondez-moi !  »

Elle se leva et ouvrit la porte. Jean-Baptiste, son "domestique" - il était pour elle plus un meilleur ami qu'un domestique - la regardait d'un air effaré. Il prit la jeune fille dans ses bras et descendit en courant les escaliers. Il prit des chaussures qu'il enfila rapidement à la petite fille et sortit avec elle, le tenant toujours fermement dans ses bras.

« Jean-Baptiste ? Que se passe-t-il ?
- Je n'ai pas le temps de vous expliquer pour l'instant ! Votre maison risque de s'effondrer ! C'est déjà le cas pour plusieurs d'entre elles !
- Et Maman ? Et Papa ?
- Vos parents ont été évacués ! Ils m'ont chargés de vous faire sortir !  »

La jeune fille se tut et regarda autour d'elle. Dans cette ville qu'elle savait si belle, il ne restait plus que des bâtiments effondrés, ou fissurés. Elle aperçu sa propre maison tomber à cause d'un trou béant à l'endroit où se trouvait son salon. De la fumée sortait de tout endroit, les gens couraient tous vers une seule direction. Elle ne savait pas où cette direction menait, mais elle espérait très fort que ses parents s'y trouvaient.

Soudain, tout se calma, s'arrêta. Les gens arrêtaient de courir, de crier. Ils se contentaient de s'arrêter. Jean-Baptiste interrompit sa course lui aussi. Il déposa la jeune fille à terre et resta debout, sans bouger.

« Jean-Baptiste ? C'est fini ?
- Mad... Moi... Selle... Je... Peux plus... Bouger...
- Jean-Baptiste ? Ça va pas ?  »

Elle tendit la main vers lui mais il entendit un bruit aiguë sortir de sa gorge. Puis Jean-Baptiste cracha du sang, de nouveau maître de ses mouvements, mais bien mal en point.

« Jean-Baptiste !
- Mad... Salomé... Courrez... ! Fuyez... ! Les enfants... Pas touchés par le... Courrez, Salomé... !
- Jean-Baptiste...
- S'il vous plaît...  »

Salomé vit des larmes couler sur les joues de Jean-Baptiste. Il tomba à terre, crachant du sang une nouvelle fois. Elle tenta de le rattraper lorsqu'il tomba sur le sol mais il était déjà mort.

Autour d'elle, d'autres enfants de son âge commençaient déjà à courir vers l'endroit où tout le monde courrait avant de s'effondrer. Elle s'élança à son tour, avant de trébucher sur un bébé. Elle le prit dans ses bras et continua à courir. À cause de ses petites jambes, elle allait bien moins vite que Jean-Baptiste, mais elle avançait plus vite que la plupart des enfants. Tous avaient entre 0 et 12 ans. Les adultes gisaient au sol, une marre de sang sous leur visage. Salomé cru apercevoir ses parents au sol, mais elle refusa de s'y arrêter. Elle devait courir. Pour le bébé qu'elle tenait dans ses bras, et pour Jean-Baptiste mort devant elle, qui l'avait aidé.

Soudain, elle trébucha sur un corps et tomba. Le bébé poussa un cri et commença à pleurer.

« Non, non, ne pleure pas, ne pleure pas...  »

Elle tenta en vain de calmer les pleurs du bébé. Il devait avoir aussi peur qu'elle.

« Ne pleure pas... Je suis désolée...  »

Elle serra le bébé contre elle, les larmes coulant à leur tour sur ses joues. Puis les écrans autour d'elle s'allumèrent, y compris l'écran gigantesque du centre-ville. Écran devant lequel Salomé se trouvait.

L'écran grésilla et une image apparut. Celle de la présentatrice télé, couchée sur la table, une marre de sang sous son visage. Puis quelque chose la fit tomber et une voix retentit. Une voix inidentifiable, une voix inhumaine.

« Bonjour, bonsoir, cher enfants du monde entier. Vous vous demandez sûrement ce qu'il se passe. C'est votre jour de chance, on m'a demandé de vous l'expliquer. Tout d'abord, si vous avez entre 0 et 12 ans, c'est bien normal. Nous avons rependu un poison dans l'air qui infecte toute personne au-dessus de 12 ans. Nous avons veillé à les arrêter avant de les faire mourir, afin qu'ils vous posent à terre au cas où vos parents vous tiendraient dans leurs bras. Mais je n'ai nul besoin de vous expliquer ce poison. Tout ce dont nous voulons, c'est que vous déposiez les bébés dans les brancards qui vont vous être mis à disposition. Vous n'avez pas d'autre choix que d'obéir ou ils mourront, puisque ce que nous exigeons de vous, c'est que vous vous entretuiez afin de désigner qui, de vos villes respectives, est digne de gouverner le nouveau monde que nous bâtissons. Des millions d'entre vous survivrons, et c'est vous qui alliez vivre votre vie entièrement. Enfants, bonne chance à vous.  »

Salomé resta quelques secondes silencieuse, puis un brancard roula devant elle. Elle déposa le bébé sur celui-ci, persuadée que ce n'était pas la meilleure chose à faire, mais elle n'avait aucune autre solution. Le brancard roula à l'endroit où il avait apparu et Salomé se retrouva seule. Elle se dirigea vers un magasin bancal mais debout, et rempli un sac à dos de nourriture. Elle ignorait ce qui allait arriver, mais dans les films, les gens se tuaient pour de la nourriture. Il fallait donc qu'elle en ait le plus possible afin de partager si un autre enfant était affamé.

Elle passa devant une glace et glissa ses doigts dans ses doux cheveux. Ses boucles blondes rebondirent et se replacèrent à l'endroit où ils devaient être.

Elle prit un crayon et écrivit son nom sur son bras, puis le raya.

« Je n'ai plus de nom, se dit-elle, puisque mes parents et Jean-Baptiste sont morts. Il m'en faut un nouveau pour ma nouvelle vie.  »

Elle réfléchit quelques minutes et son prénom préféré se fraya un chemin dans son esprit. Elle écrivit en lettres majuscule "ANNAH". La jeune fille contempla son bras avec un léger sourire en rangea le crayon dans la poche de son pyjama. Elle prit un jogging à sa taille et un manteau pour la chaleur et le confort. Elle glissa aussi un couteau suisse et une paire de ciseaux dans sa poche. Au cas où.

Elle sortit ainsi du magasin et un garçon lui fonça dessus. Il abattit un barre de fer sur la tête de la petite fille en hurlant :

  « Pardon, mais je ne veux pas mourir !  »

Quel âge avait-elle, déjà ? 10 ans ?

Elle sentit le garçon lui retirer son sac et partit avec.

Elle non plus ne voulait pas mourir...


Fin.

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